LA TECHNIQUE A-T-ELLE POUR BUT D'AMÉLIORER LA NATURE OU DE LA DÉTRUIRE ?
Extrait du document
«
INTRODUCTION
Faut-il attendre de la technique bonheur ou malheur ?
Transmise, apprise, mise en oeuvre en commun par le groupe social, c'est un fait culturel.
Elle a indéniablement
apporté un mieux être (électricité, transports, communications...).
Mais ce confort a-t-il un revers ? Quelle est
véritablement la finalité de la technique ? Le mauvais usage de la technique est-il imputable à l'homme ou est-il
inhérent à la technique ?
1.
La technique améliore la condition humaine
• La technique est d'abord au service de l'homme.
Elle lui a permis de sortir de la position précaire qu'il occupait au
sein de la nature (utilisation du feu, des métaux, agriculture, industrie, etc.) et de maîtriser son environnement.
• Grâce à cette maîtrise souhaitée par Descartes, l'homme vit mieux : sa santé, sa longévité, son hygiène de vie en
général ont suivi une courbe ascendante.
• De même, la technique a facilité votre vie : robots électro-ménagers, nouveaux moyens de transport et de
communication qui réduisent les distances, etc.
On pense donc au progrès, à l'amélioration des conditions de vie
lorsqu'on parle de technique et de science.
« Selon que nous sommes plus ou moins âgés, nous avons vu se propulser sur les routes les premières automobiles ;
nous avons levé des yeux émerveillés vers le ciel où évoluaient les premiers monoplans et biplans, les premiers
dirigeables ; ravis nous avons décroché les récepteurs des premiers téléphones, ou manié les boutons des premiers
appareils de radio : comment aurions-nous pu ne pas nous dire que le progrès matériel est décidément une belle
chose, et qu'il suffit de se laisser entraîner par lui- pour voir abonder les améliorations qui rapprochent les hommes,
et qui rendent la vie à la fois plus facile et plus agréable.
Comme il était tentant de répéter avec Cournot : "Il est
devenu impossible qu'une nation parvenue à la hauteur de la civilisation moderne succombe sous les assauts de la
barbarie, qu'elle vienne du dedans ou du dehors." Mais les expériences de la guerre et celles de l'après-guerre nous
ont révélé un autre aspect de la machine, nous en faisant connaître la puissance destructrice et désorganisatrice ;
elles ont fait succéder à l'optimisme radical d'hier un pessimisme non moins radical, non moins naïf, car on paraît
oublier que la machine n'est rien que par l'homme qui l'invente et qui l'utilise », écrivait P.M.
Schuhl en 1935-1936.
Le progrès a donc son revers.
II.
La rançon du progrès
• Pollution, persécution, destruction : voilà ce que nous offre aussi la technique aujourd'hui.
On dirait que l'homme,
producteur de la technique, est obligé de s'en protéger s'il ne veut pas être détruit.
Mais comme le dit P.M.
Schuhl,
« la machine n'est rien que par l'homme qui l'invente et qui l'utilise» (cf.
analyse kantienne des impératifs
hypothétiques (techniques) qui ne visent que l'utile, l'intérêt, sans se préoccuper de la valeur morale de la fin
désirée).
• Donc, au-delà de l'efficacité se pose le problème de la moralité, des fins de toute activité humaine.
L'homme doit
s'interroger sur le sens, la valeur, de son activité et, comme le dit Kant, se demander s'il « traite l'humanité, en soi
comme en autrui, toujours comme une fin et jamais simplement comme un moyen », (impératif catégorique, impératif
du devoir, de la conscience morale).
III.
La technique est toujours une provocation
• La technique engage l'homme et l'action de l'homme sur la nature.
Rien n'échappe à la technique, pas même
l'homme.
C'est pourquoi Heidegger y voit un dévoilement de l'être, vers la vérité.
• Freud s'interrogeait aussi sur le but de la technique : « Le progrès de la civilisation saura-t-il, et dans quelle
mesure, dominer les perturbations apportées à la vie en commun par les pulsions humaines d'agression et
d'autodestruction ? A ce point de vue, l'époque actuelle mérite peut-être une attention toute particulière.
Les
hommes d'aujourd'hui ont poussé si loin la maîtrise des forces de la nature qu'avec leur aide il leur est devenu facile
de s'exterminer mutuellement jusqu'au dernier.
Ils le savent bien, et c'est ce qui explique une bonne part de leur
agitation présente, de leur malheur et de leur angoisse.
Et maintenant, il y a lieu d'attendre que l'autre des deux
"puissances célestes", l'Éros éternel, tente un effort afin de s'affirmer dans la lutte qu'il mène contre son adversaire
non moins immortel.
» (Malaise dans la civilisation, dernier paragraphe).
Ainsi se termine ce livre de Freud écrit en
1929.
Quelques années plus tard, Freud devra fuir le nazisme.
Thanatos aura gagné contre Éros.
La mort étouffa la
vie.
CONCLUSION
Nous ne pouvons plus séparer la technique de notre façon de penser.
Toute notre culture est technicienne,
technocratique même.
Nous voici à un carrefour dangereux.
A ne pas considérer les fins, nous courrons à la
catastrophe.
Les États eux-mêmes en discutent (conférences de Rio, sommet de la Terre).
Saurons-nous, à temps,
éviter le pire ?
« Ce que nous devons soutenir de tous nos efforts, ce qui est menacé à tout moment, ce sont les valeurs de
liberté, de personnalité, d'humanité, qui seules font la vie digne d'être vécue, parce que par elles, et par elles
seules, l'homme est un homme et non pas une machine.
Eh quoi ! cette formidable puissance que les inventions ont
mise à notre disposition serait génératrice de misère et de destruction, et n'aboutirait qu'à l'asservissement des
hommes qu'elle devait libérer ? Il y a là une absurdité, un contresens monstrueux, contre lequel protestent le coeur
et la raison.
» P.M.
Schuhl..
»
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