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La sympathie doit-elle être considérée comme un mode de connaissance d'autrui ?

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« INTRODUCTION. Toute connaissance, disait Paul Claudel, est une co-naissance.

Depuis Pascal, on a accoutumé de dire que parmi les trois modes de connaissance possible : le savoir le plus élémentaire, issu de la perception, ou du sens commun, le savoir rationnel, dû à l'entendement, et la connaissance par l'amour, dans l'ordre de la charité, seul le troisième ordre était valable.

C'est pourquoi la méthode compréhensive s'est développée de plus en plus dans la perspective d'une sorte de transcendance, de « métempirie ».

En dépassant l'antinomie de l'empirisme et du rationalisme, la « noèse » transcendante permet d'accéder à un savoir pur, où l'affect remplace le concept.

C'est avec Dilthey que la révolution s'est opérée le plus radicalement : il faut expliquer la nature, mais on doit comprendre l'homme. Gaston Bachelard, dans la préface si fine, si spirituelle qu'il a écrite pour sa Psychanalyse du Feu, disait de façon évocatrice : « Quand il s'agit d'examiner des hommes, des égaux, des frères, la sympathie doit être le fond de la méthode.

» Dans quelle PREMIÈRE PARTIE : Présence de la sympathie. 1.

Psychologiquement, la méthode fondée sur la sympathie peut se répartir entre la psychanalyse, si l'on pense surtout au transfert, la phénoménologie de Husserl, sur ce point il nous faudrait citer les célèbres études de Max Scheler (Nature et forme de la sympathie) et l'intuitionnisme bergsonien qui eut une importance historique considérable en 1889 (Essai sur les données immédiates de la conscience) et 1941 (date de la mort de Henri Bergson). 2.

Logiquement, ce mode de connaissance est actuellement le plus employé dans toutes les sciences de l'homme : est-il besoin de rappeler que la sociologie est devenue « compréhensive », que la socianalyse s'est créée sur le modèle de la psychanalyse aux États-unis, à partir des travaux de sociométrie de Moreno, que la méthode dite en « 2e personne » a gagné l'Histoire, la Géographie, l'Ethnologie, voire l'Histoire de l'Art ou l'Esthétique, et que l'on ne compte plus aujourd'hui les ouvrages de « Phénoménologie » où l'expérience vécue se retrouve dans le jaillissement spontané du processus créateur des différentes oeuvres humaines. 3.

Chronologiquement, la sympathie a gagné progressivement en cinquante ans toutes les sphères de la pensée : et si l'explication par la genèse a remplacé l'explication par la structure, c'est là une de ces «transformations de la philosophie » qu'Émile Bréhier notait dans ce livre si remarquable paru en 1950 dans la Bibliothèque de Philosophie scientifique (Flammarion).

L'existentialisme contemporain, dans la mesure où il est un retour au concret, une saisie de l'autre en tant qu'autre, comme le personnalisme d'Emmanuel Mounier et Jean Lacroix, constituent autant de formes spécifiques d'une philosophie où la sympathie règne en maîtresse.

Ainsi éclate de, toutes parts la présence plurivalente et polymorphe de cette sympathie protéiforme qui sait s'adapter à toutes les sciences comme à tous les hommes. LA COMMUNICATION PAR LA SYMPATHIE Ne serait-ce pas plutôt l'expérience de l'amour, de l'amitié, de la sympathie qui serait susceptible de nous procurer une communication authentique avec d'autres consciences ? Déjà, Saint-Augustin notait qu'on ne «connaît personne sinon par l'amitié» et Max Scheler a développé la thèse selon laquelle la sympathie serait la forme privilégiée de la communication des consciences. Distinguons bien l'amitié de la camaraderie.

Sans doute, dans la camaraderie y a-t-il une communication, mais l'origine de la communication est extérieure aux personnes des camarades (c'est la participation à une même classe au lycée, ou à un même groupe de combat, ou à un même parti politique).

Comme dit très bien Jean Lacroix : « Les camarades s'oublient...

dans leur oeuvre...

Le but de la camaraderie c'est ce que l'on fait ensemble, non ceux qui le font ; on pourrait dire en un sens de l'univers de la camaraderie qu'il est purement public.

La vie privée n'y a aucune part»2.

Au contraire, l'amitié n'est plus participation à une oeuvre extérieure au moi, mais don véritable de personne à personne (ce qui n'exclut pas la recherche commune d'un dépassement de soi ; « ils s'aiment non pour ce qu'ils sont mais pour ce qu'ils espèrent devenir l'un par l'autre»). De la même façon, il convient de bien distinguer — à la suite de Max Scheler — la sympathie véritable de la simple contagion affective (Einfuhlung).

La contagion affective est une participation passive, inconsciente et involontaire aux sentiments d'autres personnes.

Par exemple, en entrant dans la brasserie, je sens ma tristesse disparaître, je me mets à rire, à parler fort, à chanter comme les autres et un sentiment d'euphorie m'envahit.

Cette contagion psychique n'est aucunement une « connaissance» de ce qui est éprouvé par autrui.

En fait, les attitudes prises, les gestes accomplis déterminent ici presque irrésistiblement des états de conscience que j'éprouve pour mon compte sans chercher à rejoindre la personne d'autrui.

Bien loin d'être un acte de la personne comme est la vraie sympathie, la contagion affective est en réalité une abdication de la personne, la démission d'un moi trop suggestible qui se laisse envahir sans contrôle par des automatismes liés à des états affectifs.

Ainsi, lorsque la panique s'empare d'une foule et que tout le monde s'enfuit, je puis me sentir irrésistiblement entraîné à imiter ces gestes de fuite et l'épouvante — liée à ce comportement — s'empare de moi.

Je partage la frayeur de cette foule, mais je ne puis dire que je suis réellement entré en communion avec mes voisins.

Si Nietzsche a sévèrement condamné la pitié, c'est. »

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