La supériorité de l'homme consiste-t-elle dans sa capacité d'acquérir le plus grand nombre de techniques ?
Extrait du document
«
Aristote fait allusion ici au mythe de Prométhée : celui-ci avait un frère, Épiméthée, dieu étourdi et imprévoyant, qui
avait pour mission de distribuer, à tous les êtres vivants sur la terre, une arme afin de survivre.
Insouciant, il
distribua à l'un des griffes, à l'autre une fourrure, à d'autres encore des cornes, etc.
Arrivé à l'homme, sa besace
était vide.
L'homme allait donc périr, d'autant plus que les animaux étaient désormais pourvus d'un moyen de
défense.
Prométhée, voyant venir l'extinction de l'espèce humaine, vint en aide à son frère en volant le feu à Zeus.
Ainsi naquit la technique : grâce au feu et à ses mains, l'homme put survivre.
Il développa sa capacité d'acquérir de plus en plus de techniques.
Est-ce en cela que consiste sa supériorité ?
Certes, la technique a permis de combler la fragilité originaire de l'homme.
L'homme ne doit sa survie que grâce à cet
artifice qu'est la technique : il a ainsi conquis la nature, réalisant la prophétie cartésienne de devenir « comme
maître et possesseur de la nature ».
Est-ce en cela que l'homme est supérieur aux autres vivants ?
Supérieur signifie « qui est plus haut, qui est au-dessus, qui vaut plus ».
La prolifération des techniques est-elle ce
qui vaut à l'homme sa supériorité ? « Valoir» a une connotation morale : la valeur de l'homme est-elle dans
l'accumulation des techniques ? La supériorité de l'homme, son essence, est-elle de l'ordre du quantitatif ?
Nous l'avons vu, la technique a dégagé définitivement l'homme de la nature, jusqu'à en faire le maître.
Mais la
supériorité de l'homme ne peut se limiter à cela.
C'est d'abord son intelligence qui le définit.
Sans elle, l'homme
n'aurait pas de mains, comme l'expose Aristote, et n'aurait jamais développé sa maîtrise de la matière.
On peut donc dire que l'invention de techniques toujours nouvelles montre la supériorité de l'intelligence de l'homme
sur la nature.
Cette supériorité le met aujourd'hui en danger : non seulement il a exterminé des espèces animales et
végétales (massacres d'éléphants en Afrique, de tigres, désertification, déforestation sur toute la planète, etc.),
mais il a la possibilité de se détruire lui-même.
Son intelligence en fait un être privilégié mais capable de s'exterminer
lui-même.
L'activité technique devrait rester un moyen au service d'une fin qualitative : la liberté, le bien-être de
tous les hommes et non de quelques-uns, le respect de l'environnement pour les générations futures, par exemple.
Ainsi, l'intelligence de l'homme reprendrait sa fonction première : comprendre et non plus prendre ou accumuler.
L'animal n'utilise pas ses armes contre lui-même.
«L'homme est devenu le créateur de sa tactique vitale : là est sa
grandeur et là est sa perte » (O.
Spengler, L'Homme et la Technique).
L'être le plus intelligent est celui qui est capable de bien utiliser le plus
grand nombre d'outils : or, la main semble être non pas un outil, mais
plusieurs.
Car elle est pour ainsi dire un outil qui tient lieu des autres.
C'est donc à l'être capable d'acquérir le plus grand nombre de
techniques que la
nature a donné l'outil de loin le plus utile, la main.
Aussi, ceux qui disent que l'homme n'est pas bien constitué et qu'il est
le moins bien pourvu des animaux (parce que, dit-on, il est sans
chaussures, il est nu et n'a pas d'armes pour combattre) sont dans
l'erreur.
Car les autres animaux n'ont qu'un seul moyen de défense et il
ne leur est pas possible de changer pour un autre, mais ils sont forcés,
pour ainsi dire, de garder leurs chaussures pour dormir et pour faire
n'importe quoi d'autre, et ne doivent jamais déposer l'armure qu'ils ont
autour de leur corps ni changer l'arme qu'ils ont reçue en partage.
L'homme, au contraire, possède de nombreux moyens de défense, et il
lui est toujours loisible d'en changer et même
d'avoir l'arme qu'il veut et quand il veut.
Car la main devient griffe,
serre, corne, ou lance ou épée ou tout autre arme ou outil.
Elle peut
être tout cela, parce qu'elle est capable de tout saisir et de tout tenir.
QUESTIONS
1.
Dégagez l'idée principale du texte et les étapes du raisonnement.
2.
Expliquez:
a.
« elle est pour ainsi dire un outil qui tient lieu des autres » ;
b.
« les autres animaux n'ont qu'un seul moyen de défense et il ne leur est pas possible de changer pour un autre ».
QUESTION 1
Aristote soutient que, contrairement à l'animal, l'homme possède la capacité d'acquérir un grand nombre de
techniques.
Il n'est pas spécialisé ni déterminé à l'une d'entre elles (l'usage de telle arme en particulier pour se
défendre), mais peut adapter son comportement aux différentes situations et innover par rapport au cours naturel
et déterminé des choses (changer d'arme en cours de combat, en fabriquer une nouvelle...).
L'organe paradigmatique de cette capacité est la main, donnée à l'homme parce qu'il est le plus intelligent (au sens
d'inventif) des êtres vivants.
Le premier paragraphe du texte pose cette thèse finaliste : c'est parce qu'il est le plus intelligent que l'homme a été
doté de mains.
Il s'oppose au mécanisme d'Anaxagore ou de Lucrèce, selon qui l'homme est le plus intelligent parce
qu'il a des mains.
La main manifeste donc l'intelligence technique de l'homme (deuxième paragraphe)..
»
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