La sensation fonde-t-elle toute la perception ?
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xxx ?
«
LA PERCEPTION
On peut distinguer deux façons de traiter de la perception: soit qu'on admette que la perception relève du
seul exercice des sens, ceux-ci recevant les impressions des objets; dans ce cas la perception témoigne
essentiellement de notre passivité à l'égard du monde environnant; soit qu'on mette en valeur l'activité de l'esprit.
Il revient à DESCARTES d'avoir affirmé le plus nettement que percevoir, c'est juger.
Après avoir affirmé
que« c'est l'âme qui sent», DESCARTES remarque que la perception est une construction et qu'elle n'exige
en rien des images en tous points semblables aux objets ; à supposer que la perception soit réception d'images,
ces images ne sont pas les copies des objets et s'apparentent plutôt à des signes« qui ne ressemblent en aucune
façon aux choses qu'elles signifient» (DESCARTES, La dioptrique, Classiques GARNIER, T 1, p.684-685).
Comme le signe, l'image donne moyen de connaître ce qu'elle signifie sans nécessairement ressembler à l'objet.
On ne peut penser la perception par la seule référence aux sens.
L'exemple ci-dessous de DESCARTES indique
que les seules données des sens ne suffisent pas à constituer une perception : « Et regardant sur mer deux
vaisseaux, dont l'un soit plus petit que l'autre, mais plus proche à proportion, en sorte qu'ils paraissent égaux,
nous pourrons, par la différence de leurs figures et de leurs couleurs, et de la lumière qu'ils envoient vers
nous, juger lequel sera le plus loin» (DESCARTES, Dioptrique, p.
709).
C'est dans ce passage de la deuxième des Méditations métaphysiques qu'est le plus clairement explicité qu'on
ne saurait percevoir sans juger :
«Prenons pour exemple ce morceau de cire qui vient d'être tiré de la ruche: il n'a pas encore perdu la douceur
du miel qu'il contenait, il retient encore quelque chose de l'odeur des fleurs dont il a été recueilli, sa couleur,
sa figure, sa grandeur sont apparentes ; il est dur, il est froid, on le touche, et si vous le frappez, il rendra
quelque son.
Enfin, toutes les choses qui peuvent distinctement faire connaître un corps se rencontrent en celui-ci.
Mais voici que, cependant que je parle, on l'approche du feu : ce qui y restait de saveur s'exhale, l'odeur
s'évanouit, sa couleur se change, sa figure se perd, sa grandeur augmente, il devient liquide, il s'échauffe,
à peine le peut-on toucher, et quoiqu'on le frappe, il ne rendra plus aucun son.
La même cire demeure-t-elle
après ce changement? Il faut avouer qu'elle demeure; et personne ne le peut nier.
Qu'est-ce donc que l'on
connaissait en ce morceau de cire avec tant de distinction ? Certes ce ne peut être rien de tout ce que j'ai remarqué
par l'entremise des sens, puisque toutes les choses qui tombaient sous le gout, ou l'odorat, ou la vue, ou
l'attouchement, ou l'ouïe, se trouvent changées, et cependant la même cire demeure.
Peut-être était-ce ce que
je pense maintenant, à savoir que la cire n'était ni cette douceur de miel, ni cette agréable odeur de fleurs,
ni cette blancheur, ni cette figure, ni ce son, mais seulement un corps qui un peu auparavant me paraissait
sous ces formes, et qui maintenant se fait remarquer sous d'autres.
Mais qu'est-ce, précisément parlant, que
j'imagine, lorsque je la ~onçois en cette sorte? Considérons-le attentivement, et éloignant toutes les choses
qui n'appartiennent point à la cire, voyons ce qui reste.
Certes, il ne demeure rien que quelque chose d'étendu,
de flexible et de muable.
Or qu'est-ce que cela: flexible et muable? N'est-ce pas que j'imagine que cette cire
étant ronde est capable de devenir carrée, et de passer du carré en une figure triangulaire? Non certes, ce
n'est pas cela, puisque je la conçois capable de recevoir une infinité de semblables changements, et je ne saurais
néanmoins parcourir cette infinité par mon imagination, et par conséquent cette conception que j'ai de la
cire ne s'accomplit pas par la faculté d'imaginer ( ...
).
Il faut donc que je tombe d'accord que je ne saurais
même concevoir par l'imagination ce que c'est que cette cire, et qu'il n'y a que mon entendement qui le conçoive;
je dis ce morceau de cire en particulier, car pour la cire en général, il est encore plus évident.
Or quelle est
cette cire, qui ne peut être conçue que par l'entendement ou l'esprit? Certes c'est la même cire que je vois,
que je touche, que j'imagine, et la même que je connaissais depuis le commencement.
Mais ce qui est à remarquer,
sa perception, ou bien l'action par laquelle on l'aperçoit, n'est point une vision, ni un attouchement, ni une
imagination, et ne l'a jamais été, quoiqu'ille semblât ainsi auparavant, mais seulement une inspection de
l'esprit, laquelle peut être imparfaite et confuse, comme elle était auparavant, ou bien claire et distincte, comme
elle est à présent, selon que notre attention se porte plus ou moins aux choses qui sont en elle, et dont elle
est composée..
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