La science satisfait-elle le désir de connaître ?
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«
INTRODUCTION
Les connaissances humaines seraient passées, selon Auguste Comte, par trois états successifs : d'abord fictives
dans l'état « théologique », elles seraient devenues abstraites dans l'état « métaphysique » et enfin sont réelles
dans l'état scientifique ou « positif »; chaque état marque un progrès des connaissances, si bien que le mode de
penser scientifique représenterait le régime final et normal de l'esprit humain; ainsi on n'explique plus les tempêtes
par des colères de Neptune et l'on ne parle plus de l'horreur de la nature pour le vide, la science, aujourd'hui,
explique en mettant en évidence l'ordre et la connexion des phénomènes sans faire appel à des principes qui
seraient étrangers à leur domaine.
Le savoir scientifique est pleinement autonome, il se constitue sous la seule
juridiction de l'expérience et de la raison, il tend à se présenter comme l'unique expression du savoir vrai; seule la
science serait susceptible de satisfaire pleinement et légitimement le désir de connaître.
I.
— LES ASPECTS POSITIFS DE LA CONNAISSANCE SCIENTIFIQUE.
La connaissance scientifique satisfait le désir de connaître à la fois par l'extension croissante du savoir et par
l'application d'une méthode explicative rigoureuse.
1.
L'extension du savoir scientifique.
— La science rend compte non seulement des phénomènes visibles, mais aussi
des phénomènes invisibles, soit qu'ils n'impressionnent pas directement les sens, soit qu'ils appartiennent à un ordre
de grandeur différent du nôtre (phénomènes microscopiques ou macroscopiques) ; ainsi la science nous révèle-t-elle
un univers toujours plus dense et plus vaste que le monde pourtant déjà si riche de notre expérience sensible.
Mats le savoir scientifique se développe aussi selon une autre dimension ; il tend à couvrir aujourd'hui des domaines
où régnaient jusqu'alors la métaphysique ou la théologie : les sciences de la vie ou de l'âme, en substituant des
explications objectives ou des concepts expérimentaux à des constructions par nature invérifiables, non seulement
conquièrent des domaines jusqu'alors « réservés », mais donnent l'impression que toute recherche autre que positive
est vaine et dénuée de sens.
Qu'est-ce qui fait donc la valeur explicative du savoir scientifique ?
2.
Valeur du savoir scientifique.
— La connaissance scientifique satisfait le désir de connaître de façon quantitative,
mais aussi de façon qualitative,
par sa valeur propre.
La connaissance scientifique est en effet une connaissance :
a) précise : cette précision est obtenue par la substitution de la mesure à la simple perception qualitative des
phénomènes ;
b) rationnelle : l'introduction de la mesure n'a pas seulement pour effet d'augmenter la précision de nos
connaissances, elle les fait passer du plan de la simple description perceptive au plan de l'explication : elle permet
en effet d'établir entre les phénomènes des rapports mathématiques de types fonctionnels et d'apercevoir comment
ils se déduisent les uns des autres ; la mesure manifeste ainsi les Mens nécessaires, c'est-à-dire la raison des
phénomènes.
c) réelle : ce qui caractérise de façon particulière la science positive, c'est son souci de « coller » à la réalité : la
science positive est une science expérimentale.
Les concepts scientifiques doivent avoir un sens concret et
opératoire (cf.
la façon dont la physique moderne a été renouvelée lorsque Einstein a entrepris de donner à la notion
abstraite de simultanéité un contenu expérimental) ; les hypothèses doivent être fondées sur l'observation des faits
et surtout vérifiées par l'expérience.
Si l'idée apporte la raison du fait, le fait reste toujours la sanction de l'idée ;
c'est cette dialectique de la pensée et de l'expérience qui fait la fécondité et la vérité de l'explication scientifique.
3.
Conclusion.
— Sans doute la science ne satisfait-elle pas aujourd'hui
entièrement le désir de connaître, mais l'extension croissante de son domaine et la perfection grandissante de sa
méthode ont pu laisser espérer qu'un jour elle comblerait l'intelligence humaine.
II.
— LES LIMITES DE LA CONNAISSANCE SCIENTIFIQUE.
Sans contester la valeur et les progrès de la connaissance scientifique telle que nous l'avons définie, on peut se
demander si elle répond bien, par sa nature même, à l'appétit de connaître de l'homme.
La science connaît, en effet,
certaines limites qu'il nous faut maintenant mettre en lumière.
1.
Limites internes.
— La connaissance scientifique ne peut jamais être qu'une connaissance inachevée ; cela ne
tient pas seulement à l'inévitable imperfection de nos instruments de mesure et d'investigation, mais au fait que
l'objet de la connaissance expérimentale est un objet phénoménal, c'est-à-dire essentiellement lié aux conditions
temporelles et spatiales de son apparition : on n'est jamais sûr que de ce qui a été et non de ce qui sera, «
n'importe quoi, disait Hume, peut suivre n'importe quoi », nous ne sommes pas maîtres des phénomènes qui
surgissent dans l'espace et dans le temps ; il en résulte que la loi a un caractère simplement hypothétique, elle n'est
vraie que sous condition : tant qu'aucun fait nouveau n'est pas venu la contredire.
Sans doute, même une fois
rejetée, on peut continuer d'affirmer que la loi correspondait à quelqu'aspect du réel, mais à un aspect partiel et
provisoire, à une perspective liée à l'état momentané du savoir et de nos techniques investigatrices.
D'où le
caractère relatif des connaissances scientifiques : même lorsque les lois sont reliées entre elles en un corps
théorique, et bien qu'elles croissent alors en rationalité, la théorie qui les comprend demeure une simple loi, plus
vaste et plus générale sans doute, mais toujours sujette à révision.
La science ne peut donc nous donner une connaissance achevée du réel phénoménal : la vérité scientifique reste.
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