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La science peut-elle se passer de méthode ?

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« O n pense communément que la science moderne est n é e en vérité d'un renouveau méthodologique, que la science est en réalité l'organisation du discours et de la pensée en vue de réaliser des découvertes.

On parle ainsi de discours préscientifiques, qui n'ont pas construit basée sur l'expérience première, des faits empiriques.

Le perfectionnement de la méthode est-il une condition nécessaire du progrès de la connaissance, ou la science doit-elle laisser au hasard la possibilité de ses découvertes ? La véritable science se définit par la méthode. Qu'une science n'est pas seulement un assemblage de découvertes disparates ; elle doit être un moyen de découvrir.

Jusqu'alors, les découvertes, pensent-ils, ont résulté du hasard et de l'empirisme, lesquels composent « l'expérience vague ».

Que le but de l'homme est le pouvoir sur la nature ; pouvoir et savoir ne font qu'un, ou plutôt le second est l'instrument du premier.

Quels sont les moyens du savoir ? La logique déductive, enveloppée dans la déchéance de la scolastique, est jugée inappropriée.

D'ailleurs, elle sert au contrôle plutôt qu'à l'invention.

Il faut un instrument plus puissant.

Le procédé par lequel le savoir peut s'étendre est l'induction, qui marche du particulier au général : « L'art d e la méthode comprend d e u x parties, car la méthode procède d'expérience en expérience, ou d'expériences vers des axiomes, qui peuvent à nouveau engendrer d e nouvelles expériences.

Nous appelons la première expérience savante, la seconde, interprétation de la nature [...].

Quand l'homme essaie toute sorte d'expériences sans méthode ni ordre, il tâtonne dans l'obscurité ; mais, quand il procède avec une certaine direction et ordre, c'est comme s'il était guidé par la main ; et c'est cela que nous appelons expérience savante.

» Bacon ignore le moine Roger Bacon (13 e siècle.), dont il reprend les thèses : le savoir a d e u x sources, le raisonnement et l'expérience.

Le meilleur atout de la science nouvelle consiste même dans l'homogénéité grandissante de ses méthodes, quels que soient les champs explorés, quelle que soit l'hétérogénéité des objets qu'elle cherche à maîtriser.

Pourvu qu'on sache allier un formalisme logique et un maniement expérimental (une manipulation mentale dans le cas des mathématiques), pourvu qu'on sache inscrire les pratiques de la science dans ce que Jean Ladrière appelle le « cadre d'un jeu réglé d'opérations », la preuve peut être acquise, la connaissance peut être contrôlée.

Aussi Descartes adoptera les m a x i m e s pratiques d e Bacon (méfiance des opinions reçues, nécessité de se mettre directement en face des choses).

Blâmant Aristote de n'avoir pas assez observé, il observe encore moins ; il ne cherche pas la vérité dans l'expérience ; là-dessus, il ne partage pas les partis pris antidéductifs de Bacon, étrangers à sa mentalité théoricienne ; il abuse de l'a priori et introduit des hypothèses qui doivent plus à l'imagination qu'à la raison.

Ce qu'il critique surtout dans les Anciens et les scolastiques, c'est le choix défectueux de leurs principes plutôt que les carences de leurs méthodes empiriques.

Il lui suffit d'avoir « une idée claire et distincte », il lui paraît évident que la réalité ne saurait que s'y plier, les vérifications sont inutiles. 2) La méthode est nécessaire à la science : la philosophie de Descartes. L'œuvre de Descartes semble tout entière inspirée par un triple souci : substituer à la science incertaine du Moyen Âge une science dont la certitude égale celle des mathématiques, tirer de cette science les applications pratiques qui, selon la célèbre formule du Discours de la méthode, rendront les h o m m e s « c o m m e maîtres et possesseurs d e la nature » Descartes écrit : « Je m e plaisais surtout aux mathématiques, à cause de la certitude et de l'évidence de leurs raisons, mais je ne remarquais point encore leur vrai usage, et, pensant qu'elles ne servaient qu'aux arts mécaniques, je m'étonnais de ce que, leurs fondements étant si fermes et si solides, on n'avait rien bâti dessus de plus relevé.

» On peut trouver en cette phrase l'origine de son projet : Descartes rêve d'étendre la certitude mathématique à l'ensemble du savoir, de fonder une mathesis universalis, une mathématique universelle.

« Toutes les sciences, écrit-il dans la Règle I, ne sont rien d'autre que la sagesse humaine, qui demeure toujours une et toujours la même, si différents que soient les objets auxquels elle s'applique, et qui ne reçoit pas plus de changement de ces objets que la lumière du soleil de la variété des choses qu'elle éclaire.

» Ces lois, cependant, il faut les découvrir.

Et, pour les découvrir, il faut une méthode.

Car, comme le dira le Discours : « Ce n'est pas assez d'avoir l'esprit bon, le principal est de l'appliquer bien.

» Et Descartes, dans la Règle IV, définit ainsi la méthode : « Ce que j'entends par méthode, c'est un ensemble de règles certaines et faciles, par l'observation exacte desquelles on sera certain de ne prendre jamais le faux pour le vrai, et, sans dépenser inutilement les forces d e son esprit, mais en accroissant son savoir par un progrès continu, d e parvenir à la connaissance vraie de tout ce dont on sera capable.

» Rappel : La méthode cartésienne : Mais, sous un second aspect, la m é t h o d e e s t u n e n s e m b l e de procédés de découverte.

Il ne s'agit pas seulement, en effet, d'éviter l'erreur mais de trouver la vérité.

Sur ce point, il faut avouer que les règles de Descartes sont plus nombreuses et plus souples.

Quel que soit le problème, le Discours de la méthode ramène à trois étapes le moyen d'avancer dans la science : « Diviser chacune des difficultés que j'examinerais en autant de parcelles qu'il s e pourrait, et qu'il serait requis pour les mieux résoudre » ; « conduire par ordre m e s pensées, en commençant par les objets les plus simples et les plus aisés à connaître, pour remonter peu à peu, comme par degrés, jusques à la connaissance des plus composés [...] » ; « faire partout des dénombrements si entiers, et des revues si générales, que je fusse assuré de ne rien omettre ».

Telles sont les règles dites de l'analyse, de la synthèse, et du dénombrement.

Mais Descartes ignore peut-être la place de l'intuition du hasard dans la découverte scientifique, que la méthode n'est peut être là que pour mettre en ordre ce qui n'est que de l'ordre de l'intuitif, que son rôle est secondaire dans la construction du discours scientifique et de la science elle-même. 3) Un anarchisme méthodologique ? Feyerabend montre dans son ouvrage Contre la méthode que les scientifiques les plus éminents n'utilisent pas simplement la méthode poppérienne des essais et erreurs et la méthode cartésienne, mais que leur arsenal est à la fois beaucoup plus varié et moins idéal, à peine distinct parfois de la simple pétition de principe ou de la ruse rhétorique.

Ce que dit Feyerabend à ce niveau est discutable, parfois injuste, mais néanmoins raisonnable.

Le sens du Contre la méthode est alors simplement de s'opposer au dogmatisme méthodologique et de plaider pour un pluralisme en s'appuyant sur une conception plus réaliste de la science ; Feyerabend y apparaît comme s'opposant tout spécialement à l'idée que la méthode poppérienne serait la Méthode (avec un M majuscule) Le message est, là aussi, recevable, et plus d'un épistémologue pourrait accueillir avec sympathie ce plaidoyer en faveur d'une conception ouverte de la rationalité scientifique.

c o m m e un réquisitoire contre toute méthode, donc un plaidoyer en faveur non plus d'un simple pluralisme mais d'un véritable anarchisme (voire d'un nihilisme) méthodologique, ce que confirme le sous-titre même de l'ouvrage : Esquisse d'une théorie anarchiste de la connaissance.

Dès lors, en prônant le principe cynique du “tout est bon”, le discours de Feyerabend apparaît comme irresponsable par ses implications, non seulement au niveau scientifique, mais également au niveau moral et politique. Conclusion. Même si la science a besoin de l'intuition pour avancer, que des découvertes se sont faites au hasard, la méthode comme on l'a vu est intrinsèquement liée à la science, elle fait partie de sa définition, la science est ce qui progresse par méthode, l'ordonnancement de son discours permet d e faire des découvertes.

Les théories scientifiques ne se fabriquent par le hasard et n'arrive pas toute seules par miracle.

Un véritable scientifique est celui qui trouve une nouvelle méthode et non un objet extraordinaire.. »

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