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« La science n'est pas seulement une connaissance; elle est aussi une éducation. » Expliquez et discutez ce jugement d'Émile Boutroux

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« Expliquez et discutez cette pensée d'un philosophe contemporain : « La science n'est pus seulement une connaissance ; elle est aussi une éducation.

» Introduction.

— Nos ancêtres manifestaient une certaine défiance à l'égard du savoir qui risque d'enorgueillir et qui peut être utilisé pour le mal.

« Science sans conscience n'est que ruine de l'âme », aimaient-ils à répéter.

De nos jours, au contraire, on a vanté la science moralisatrice, et un philosophe contemporain a porté ce jugement : « La science n'est pas seulement un jugement ; elle est aussi une éducation ».

Tâchons de bien comprendre cette pensée ; ensuite, nous verrons si nous pouvons l'accepter sans réserve. I.

— EXPLICATION A.

Les termes.

— Inutile de nous attarder aux mots « science » et « connaissance » : ils sont assez clairs par euxmêmes et se définissent, ou plutôt s'expliquent l'un par l'autre.

La science, en effet, n'est qu'un mode de connaissance supérieur : plus certain, plus précis, plus méthodique, allant jusqu'aux causes ou aux raisons...

Quant à la connaissance, on ne peut guère la définir, mais cette définition est inutile, car aucune expérience ne nous est plus familière que celle-là. Il ne sera pas inutile, au contraire, de préciser la signification du mot « éducation ».

D'après l'étymologie, particulièrement éclairante dans le cas, « éduquer » (« ducere e ») consiste à faire sortir quelqu'un de l'état dans lequel il se trouve pour l'élever (synonyme de « éduquer ») à un niveau supérieur ; ou encore, l'éducateur a pour mission de faire sortir de ceux qui lui sont confiés tout ce que leur nature recèle de richesses latentes, de les aider à actualiser tout ce qu'il y a en eux de virtuel.

Ainsi, l'éducation a pour but de faire éclore les valeurs véritables, de développer l'individu dans le sens de l'humain : son domaine propre est celui des vertus morales. Sans doute, on parle parfois d'éducation intellectuelle ; mais cette éducation consiste moins à faire acquérir à l'esprit brillant et pénétration qu'à l'amener à bien penser, c'est-à-dire à penser avec un religieux respect de la vérité et en prenant toutes ses assurances contre le danger d'erreur.

C'est avant tout l'homme moral que forme l'éducation. C'est ordinairement l'instruction, et non la science ou la connaissance que l'on oppose à l'éducation.

L'instruction procure un certain bagage de connaissances utiles, mais qui restent presque aussi extérieures à celui qui les possède qu'une propriété foncière ou des biens mobiliers : ce n'est qu'un « avoir ».

L'éducation, au contraire, pénètre et transforme jusqu'au plus intime de l'individu : elle donne un « être » nouveau. B.

Le jugement.

— Boutroux n'admet pas cette opposition, et nous pourrions traduire ainsi sa pensée : « La science ne se contente pas d'instruire ; elle éduque.

» Ne majorons pas son affirmation.

Il ne prétend pas que l'instruction ou la science soit avant tout une éducation : elle est d'abord une connaissance, et ce n'est qu'en second lieu qu'on peut la considérer comme une éducation. Encore moins tient-il la science pour le moyen éducatif unique ou même principal : elle est « une éducation » parmi bien d'autres et non « l'éducation ». Mais, ces limites posées, son affirmation est bien nette : la science est éducatrice.

Avant tout, sans doute, elle éduque l'intelligence, habituant celui qui la pratique à observer, à réfléchir, à discuter sa pensée.

Mais le mot « éducation » pris absolument désigne la formation de l'homme tout entier et spécialement la formation des vertus morales ; c'est pourquoi, si nous admettons la pensée de Boutroux, nous devons considérer la science comme un moyen d'éducation morale. Pouvons-nous le suivre jusque-là ?. »

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