La science doit-elle renoncer à connaître les causes intimes des phénomènes ?
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«
Est-il vrai, comme l'affirme A.
Comte, que la science ait renoncé à connaître les causes intimes des
phénomènes ?
INTRODUCTION.
— Le fondateur et théoricien de l'école positiviste, Auguste COMTE, a formulé une thèse devenue
célèbre sous le nom de « loi des trois étals », qui prétend expliquer l'évolution générale de la pensée dans l'humanité
entière et dans chaque individu :.
— après l'explication des faits par l'action de volontés divines analogues à la nôtre (état théologique, période des
primitifs et des enfants);
— après un appel fait à des propriétés de la nature qui ne paraissent être que des entités ou abstractions (état
métaphysique ou recherche des couses),
— vient l'explication scientifique proprement dite par des relations, ou lois : rapports quantitatifs entre les faits :
c'est l'état positif dans lequel la pensée moderne est entrée spécialement depuis le XIXe siècle.
C'est l'affirmation qui est ici proposée.
Reste à nous demander comment et dans quelle mesure il faut l'admettre.
I.
— SCIENCE ET LOIS : ABANDON DE L'IDÉE DE CAUSE.
Il est vrai que la science moderne a semblé renoncer à la recherche des causes supérieures pour s'orienter
uniquement vers l'établissement de lois.
A.
Cela paraît un fait :
— physiciens et chimistes étudient quantitativement les phénomènes, sans trancher la question de la nature de la
matière;
— biologistes envisagent les fonctions de nutrition et de relation, abstraction faite des discussions sur le principe
vital;
— psychologues eux-mêmes établissent des .rapports entre faits de la vie mentale et prétendent constituer une «
science sans âme ».
En un mot, tout leur effort ne consiste qu'à déterminer entre phénomènes des uniformités de succession ou de
coexistence.
B.
Les raisons apportées à ce fait sont diverses :
a) On invoque assez souvent les qualités des résultats scientifiques ainsi acquis :
1° plus de précision, par les mesures quantitatives que permet cette conception;
2° plus de certitude, car l'objet est plus à la portée de l'esprit humain
3° plus de succès dans les applications scientifiques;
4° parce que, dit-on, plus d'objectivité.
b) Il faut y voir aussi, semble-t-il, l'influence de certaines écoles philosophiques, comme celle de KANT et le
positivisme de COMTE lui-même, pour lesquelles l'esprit humain ne peut atteindre que les phénomènes et accidents,
sans remonter avec succès aux noumènes ou substances.
c) Peut être aussi faudrait-il voir à l'origine de cette conception la nécessité d'une division du travail, qui, devant
l'ampleur des matières, avait amené à séparer les diverses sciences et la philosophie, délimitant ainsi leurs domaines
respectifs : les premières se borneraient aux explications immédiates et détermineraient les rapports de succession
constante entre faits : les lois; — la seconde tenterait, avec plus ou moins de succès, d'atteindre les causes
substantielles ou métaphysiques, se réservant ainsi l'explication profonde et plus élevée.
Qu'y a-t-il d'acceptable
dans une telle conception?.
»
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