La science construit-elle ou observe-t-elle son objet ?
Extrait du document
«
Vocabulaire:
CONSTRUIRE 1.
— Produire quelque chose à partir d'éléments donnés (construit opposé à donné).
2.
— Pour KANT : « La connaissance
philosophique est la connaissance rationnelle par concepts ; la connaissance mathématique celle qui procède par construction de
concepts.
C onstruire un concept veut dire présenter l'intuition a priori qui y correspond.
» 3.
— Constructivisme : toute théorie qui
soutient que les concepts sont construits ; nom donné aux théories épistémologiques qui subordonnent l'existence d'un être
mathématique à celle d'un procédé pour le construire.
4.
— Constructionnisme logique : théorie (CARNAP, la première philosophie de
Russell) pour laquelle la plupart des entités utilisées dans les sciences (le corps, le temps, etc.) sont construites suivant des lois
logiques à partir de données élémentaires, telles que les perceptions.
OBSERVATION: 1) Action de constater, connaissance des faits résultant d'une attention passive; C laude Bernard l'oppose à
l'expérimentation.
2) Résultat de l'observation.
SCIENCE : Ensemble des connaissances portant sur le donné, permettant la prévision et l'action efficace.
Corps de connaissances
constituées, articulées par déduction logique et susceptibles d'être vérifiées par l'expérience.
OBJET (n.
m., étym.
: latin ob-jectum : ce qui est placé devant ; chose).
1.
— Tout ce qui est présenté par la perception, avec un
caractère stable et indépendant du sujet (objet externe) ; pour la phénoménologie, l'objet est déterminé par la visée de la conscience
(cf.
sens 3).
2.
— Tout ce qui se présente à un sujet, s'offre à la pensée, et qui est distinct de l'acte de représentation ou du sentiment
(donc du sujet), c.-à-d.
aussi bien le percept, l'image, l'idée, que l'objet externe ou la personne aimée.
3.
— Le but qu'on se propose
d'atteindre (cf.
un objectif).
La science construit sa réalité, construit son objet, et ne se contente pas de l'observer.
C'est ce qu'explique Kant dans la préface à la
Critique de la Raison Pure : "la raison ne voit que ce qu'elle produit d'après ses propres plans et elle doit prendre les devants avec les
principes qui déterminent ses jugements etc., elle doit obliger la nature à répondre à ses questions et ne pas se laisser conduire pour
ainsi dire en laisse par elle ; car autrement, faites au hasard et sans aucun plan tracé d'avance, nos observations ne se rattacheraient
point à une loi nécessaire, chose que la raison demande et dont elle a besoin".
On peut aussi le montrer en remarquent que la loi
scientifique de la chute des corps n'est vérifiable que dans le vide (or, "naturellement" il n'y a pas de vide dans la réalité).
Les
mathématiques construisent des concepts : ils ne correspondent à rien dans la réalité empirique ; c'est pourquoi ce ne sont que des "
quasi-objets " (J.
Vuillemin).
Platon leur conférait un statut intermédiaire entre les objets réels, sensibles, empiriques, et les Idées
pures.
(voir le schéma de la ligne, dans le Livre VI de la République).
Idée directrice : La conscience est toujours conscience de quelque chose.
Selon une conception courante, que l'on trouve dans le Précis de psychologie de William James, la psychologie est « la description et
l'explication des états de conscience en tant qu'états de conscience ».
La conscience est ainsi conçue comme une sorte d'organe
indépendant, qui, par introspection, se saisit des états internes, tendances, phénomènes affectifs, processus d'activité mentale,
constituant la vie intérieure, et qui, par la perception, appréhende les phénomènes extérieurs.
Il semble que cette doctrine soit issue d'une certaine interprétation de la pensée cartésienne, selon laquelle la conscience serait l'acte
purement intellectuel par lequel je pense ce que je pense et qui en ferait une réalité indépendante.
Mais Descartes ne dit rien de pareil.
Qu'y a-t-il sous le C ogito ? « une chose qui pense », «c'est-à-dire une chose qui doute, qui conçoit, qui affirme, qui nie, qui veut, qui ne
veut pas, qui imagine aussi, et qui sent ».
Le Cogito s'institue, non à partir d'une réflexion sur la pensée pure, mais du doute universel,
qui fait abstraction des contenus eux-mêmes pour ne laisser subsister que le fait de penser.
C'est la pensée cartésienne authentique qu'a explicitée Husserl dans la formule célèbre, reprise par tous les phénoménologues et les
existentialistes, que «tout état de conscience en général est, en lui-même, conscience de quelque chose, quoi qu'il en soit de l'existence
réelle de cet objet».
C ette « particularité foncière et générale » de la conscience que Franz Brentano, qui fut le maître de Husserl, a
appelé intentionnalité, d'après un terme emprunté à la philosophie médiévale, exprime que
l'activité psychique est toujours dirigée vers quelque chose d'autre que le sujet considéré comme
tel, et qu'elle se dépasse, tout en restant distincte, vers le monde et vers autrui.
Cette intentionnalité ou transcendance de la conscience vers autre chose qu'elle-même recouvre
tous ses modes d'activité, qu'elle soit perceptive ou imageante, qu'elle vise autrui par le désir,
l'amour ou la haine, etc.
Le propre de Husserl, c'est d'élargir la notion d'intentionnalité dans deux directions.
D'un côté, l'acte
de la conscience ne s'épuise pas dans les données actuelles.
Ainsi, dans la perception d'un cube
individuel, j'aperçois qu'il pourrait se présenter sous une multiplicité variable et multiforme
d'aspects, mais tous liés par des rapports déterminés que commande son unité objective, c'est-àdire son essence géométrique.
De l'autre, la synthèse de ces rapports, présente à la conscience
dans la perception de ce cube individuel, n'anticipe pas seulement sur un avenir potentiel, elle peut
être remplie de tout un halo de souvenirs.
En d'autres termes, la conscience est temporalité, c'està-dire continuité du passé et de l'avenir dans le présent.
C'est sans doute Merleau-Ponty qui a le plus approfondi la portée de cette double idée de la
conscience comme présence au monde et comme temporalité.
Par les actes du «Je», je déploie «un
pouvoir de connaître qui est coextensif au monde ».
L'être pour soi est l'être-au-monde.
Entre la
conscience et le monde, il s'agit d'une véritable communication.
«C'est en communiquant avec le
monde que nous communiquons indubitablement avec nous-mêmes.
» Mais la conscience, c'est
aussi la continuité temporelle et « il faut comprendre le temps comme sujet et le sujet comme
temps ».
Et le temps est avec le monde sens de tous les sens.
« Il y a un style temporel du monde,
et le temps demeure le même parce que le passé est un ancien avenir et un présent récent, le
présent un passé prochain et un avenir récent, l'avenir enfin un présent et même un passé à venir, c'est-à-dire que chaque dimension
du temps est traitée ou visée comme autre chose qu'elle-même.
»
Outre la valeur propre de cette conception où la conscience se reconnaît telle qu'elle se vit dans le temps, elle semble permettre
d'échapper au dilemme du réalisme et de l'idéalisme.
Donner raison au réalisme, c'est nier l'activité autonome du sujet.
Donner raison
à l'idéalisme, c'est admettre que le moi construit en lui-même la totalité de l'être et perdre la richesse inépuisable du monde.
«
L'intérieur et l'extérieur sont inséparables.
Le monde est tout en dedans et je suis tout hors de moi.
».
»
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