La sagesse exige-t-elle de renoncer à la recherche du bonheur ?
Extrait du document
«
La sagesse est un idéal qui consiste dans un mode d'être particulier, conjoignant l'ataraxie (paix de l'âme) l'autarcie
(l'indépendance intérieure) à la pratique de la vertu.
Une définition de la sagesse est celle donnée par les Stoïciens
pour qui la sagesse consiste dans la compréhension et l'acceptation de l'ordre divin ainsi que dans l'indifférence pour
tout ce qui ne dépend pas de nous.
Le bonheur peut être défini avec Albert Camus comme « l'accord d'un homme avec la vie qu'il mène ».
Arrêtonsnous un instant sur l'extrême pertinence de cette définition : en effet, elle est compatible avec la pluralité des
définitions subjectives que chaque homme peut donner à la félicité.
Le bonheur d'un homme n'est pas celui d'un
autre, le seul lien entre leurs bonheurs respectifs est que ni l'un ni l'autre ne serait disposé à échanger le sien contre
celui d'autrui.
Ainsi, pour reprendre et développer la définition du bonheur par Albert Camus, nous pouvons dire que
le bonheur est l'état d'un homme en accord avec la vie qu'il mène, c'est-à-dire le sentiment que sa vie correspond à
ses valeurs et aux attentes purement subjectives qui sont les siennes par rapport à l'existence.
Renoncer à quelque chose signifie cesser de nous le représenter comme une fin et d'agir pour l'atteindre.
Nous nous demanderons si l'idéal ataraxique et autarcique de la sagesse n'est pas opposé à toute recherche, y
compris celle du bonheur, ou si, au contraire, la fin que se donne toute sagesse n'est pas l'expérience de cet état.
I.
a.
L'idéal de la sagesse s'oppose à toute tension vers une fin, y compris celle du bonheur
Le principe ataraxique de la sagesse
L'un des principes de toute sagesse est l'idéal ataraxique, qui consiste dans l'expérience de l'absence de trouble,
l'absence de passions qui viendraient déranger la paix de l'âme à laquelle le sage aspire.
La sagesse ne peut
qu'exiger de renoncer à la recherche du bonheur, précisément parce qu'il est recherche, tension vers une ou
plusieurs fins, alors que la sagesse préconise plutôt un état de stabilité, d'absence de désir.
Pour Epictète, la source de tout bien et de tout mal que nous pouvons
éprouver réside strictement dans notre propre volonté.
Nul autre que soi n'est
maître de ce qui nous importe réellement, et nous n'avons pas à nous soucier
des choses sur lesquelles nous n'avons aucune prise et où d'autres sont les
maîtres.
Les obstacles ou les contraintes que nous rencontrons sont hors de
nous, tandis qu'en nous résident certaines choses, qui nous sont absolument
propres, libres de toute contrainte et de tout obstacle, et sur lesquelles nul
ne peut agir.
Il s'agit dès lors de veiller sur ce bien propre, et de ne pas
désirer celui des autres ; d'être fidèle et constant à soi-même, ce que nul ne
peut nous empêcher de faire.
Si chacun est ainsi l'artisan de son propre
bonheur, chacun est aussi l'artisan de son propre malheur en s'échappant de
soi-même et en abandonnant son bien propre, pour tenter de posséder le bien
d'autrui.
Le malheur réside donc dans l'hétéronomie : lorsque nous recevons
de l'extérieur une loi à laquelle nous obéissons et nous soumettons.
Nul ne
nous oblige à croire ce que
l'on peut dire de nous, en bien ou en mal : car dans un cas nous devenons
dépendants de la versatilité du jugement d'autrui, dans l'autre nous finissons
par donner plus de raison à autrui qu'à nous-mêmes.
Enfin, à l'égard des
opinions communes comme des théories des philosophes, ou même de nos
propres opinions, il faut savoir garder une distance identique à celle qui est
requise dans l'habileté du jeu, c'est-à-dire qu'il faut savoir cesser de jouer en
temps voulu.
Dans toutes les affaires importantes de la vie, nul ne nous oblige
en effet que notre propre volonté.
b.
Le principe autarcique de la sagesse
Le principe autarcique de la sagesse s'oppose également à la recherche du bonheur.
Ce principe consiste dans
l'indépendance intérieure du sujet, dans sa capacité à ne pas dépendre d'autrui ou des évènements extérieurs, et à
préférer la solitude à la compagnie d'autrui.
Le cynisme de Diogène est une forme de sagesse, en tant qu'elle pousse
à l'extrême cette quête d'autonomie, d'indépendance.
Dans la mesure où le bonheur dépend souvent d'autrui,
d'objets que nous ne pouvons mouvoir à notre guise (l'amour d'autrui, l'estime des autres…) la recherche du bonheur
semble contrevenir au principe autarcique de la sagesse.
II.
a.
La sagesse exige au contraire que nous réalisions notre bonheur
La sagesse est une philosophie pratique
Cependant, il faut distinguer la sagesse d'autres activités rationnelles, en tant qu'elle a pour objet le bien vivre, la
vie du sujet et non le contenu de sa compréhension du monde.
La sagesse est une philosophie pratique, qui médite
le meilleur moyen d'accéder à une tranquillité de l'âme et à limiter la sphère de nos désirs pour les combler plus
aisément.
La sagesse exige moins de renoncer à la recherche du bonheur qu'elle ne travaille à l'atteindre, comme le
fait par exemple Epicure en distinguant les différentes sortes de plaisir (naturels et nécessaires, naturels et non
nécessaires, non naturels et non nécessaires).
b.
La sagesse est par définition une recherche du bonheur.
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