La responsabilité politique ?
Extrait du document
«
La dérive technocratique
• La démocratie apparaît comme une solution face au totalitarisme : elle fait de l'État le garant et le serviteur
respectueux du droit.
Si l'on ne peut se passer d'État, on ne saurait encore moins se passer du droit.
Mais ce régime
politique est fragile.
• Comme le souligne Habermas, dans La technique et la science comme « idéologie », nos démocraties connaissent
une dérive technocratique.
Eu égard à une priorité économique (utilitaire) et à une approche pragmatique des
valeurs d'un monde où il s'agit de produire des richesses et de considérer comme juste ce qui est avantageux, on
convainc le citoyen de confier le pouvoir dont il est souverain à des experts.
L'évolution contemporaine des démocraties libérales les pousse à promouvoir des responsables politiques
qui sont souvent davantage des techniciens ou des « technocrates » que des hommes capables
d'orienter le réel en assignant des finalités.
N'y a-t-il pas lieu de s'inquiéter d'une sorte de dérive devant
le spectacle, en politique, d'un candidat que l'on juge sur ses aptitudes à maîtriser une technique (fût-elle
budgétaire, ou autre) plutôt que sur son projet de fond ? Habermas s'en inquiète ; lorsqu'il dénonce la
perspective aussi illusoire que dangereuse selon laquelle « l'évolution du système social paraît être
déterminée par la logique du progrès scientifique et technique ».
Il craint que dès lors il ne devienne
possible d'en appeler à ce rôle de la science et de la technique pour expliquer et légitimer que la volonté
politique soit de moins en moins démocratique et de plus en plus administrative.
De fait, un jeune élu
prenant pied de nos jours en politique aura sans doute l'impression d'être intrus au milieu d'une technique
administrative qui est plus efficace quand elle n'est pas obstruée par ses prétentions à poser des
finalités.
Mais en la matière le fait ne doit pas faire droit : la démocratie est à ce prix, au prix d'une
protection du politique contre l'idéal de pure efficacité gestionnaire du « tout-technique ».
« Le progrès quasi autonome de la science et de la technique dont dépend effectivement la variable la plus
importante du système, à savoir la croissance économique, fait [...] figure de variable indépendante.
Il en résulte
une perspective selon laquelle l'évolution du système social paraît être déterminée par la logique du progrès
scientifique et technique.
La dynamique immanente à ce progrès semble produire des contraintes objectives
auxquelles doit se conformer une politique répondant à des besoins fonctionnels.
Or, une fois que cette illusion s'est
effectivement bien implantée, la propagande peut invoquer le rôle de la science et de la technique pour expliquer et
légitimer les raisons pour lesquelles dans les sociétés modernes, un processus de formation démocratique de la
volonté politique concernant les questions de la pratique « doit » nécessairement perdre toute fonction et céder la
place aux décisions de nature plébiscitaire concernant les alternatives mettant tel ou tel personnel administratif à la
tête de l'Etat.
C'est la thèse de la technocratie, et le discours scientifique en a développé la théorie sous
différentes versions.
Mais le fait qu'elle puisse pénétrer aussi, en tant qu'idéologie implicite, dans la conscience de la
masse de la production dépolitisée et avoir un pouvoir de légitimation me paraît plus important.
»
Habermas, « La technique et la science comme idéologie ».
• Le problème est donc de savoir si la société démocratique ne renforce pas, paradoxalement, l'État dont elle ne
saurait se passer.
Penser par soi-même et demeurer vigilant
• On comprend que ce n'est pas parce que tout citoyen est potentiellement à même d'exercer le pouvoir qu'il en a la
capacité et le désir.
La démocratie n'est donc que potentiellement l'affaire de tous.
Elle peut conduire à un mode de
sélection des élites chargées de suppléer aux manques de l'ensemble des citoyens.
• Cependant, il ne tient qu'aux citoyens que la démocratie soit une réalité.
Elle constitue donc un idéal, un horizon
pour l'action politique.
Et, à ce titre, chacun – tout citoyen – doit s'informer, se former afin de pouvoir penser par
soi-même et de demeurer vigilant à toutes les dérives, qu'elles viennent directement de l'État ou du relâchement
des citoyens eux-mêmes.
• En somme, si la société ne peut se passer d'État, elle doit en contrepartie inciter chacun à être politiquement
responsable..
»
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