La responsabilité morale ne s'attache-t-elle qu'à l'intention ?
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La responsabilité morale, c'est-à-dire qui dépend du pratique, de l'action, ne peut-elle s'attacher qu'à une seule
condition : l'intention ? Peut-on dire d'un acte qu'il n'est pas moral uniquement parce que l'acteur ne l'a pas fait
dans une bonne intention mais pour répondre à son propre intérêt ? Ne peut-on pas juger une action morale
seulement pour l'apparente moralité de sa conséquence ? Faut-il privilégier les conséquences ou l'intention dans le
jugement sur la moralité d'un acte et donc sur la responsabilité de l'auteur ?
I)
L'intention comme source de la responsabilité morale.
A)
Nous avons des difficultés à percevoir la moralité dans une action dont la seule finalité était de répondre à
un intérêt personnel.
Il en va de même quant à la responsabilité morale qu'un individu peut avoir sur telle ou
telle action ; si l'action voire simplement ses conséquences de ne sont pas voulues, nous avons tendance à
le déresponsabiliser moralement.
Tant que l'intention est bonne, il semble que l'acte soit bon.
B)
C'est ce que dit Kant dans La Critique de la Raison Pratique ou dans La Métaphysique des Mœurs.
Pour lui,
la responsabilité morale d'un individu ne repose que sur l'intention ou « la volonté bonne » du sujet.
Si la
volonté est bonne, alors l'action l'est aussi, malgré les conséquences qu'elle peut produire.
Les conséquences
ne sont donc jamais prises en compte chez Kant et seule l'intention du sujet moral peut permettre de juger
de la moralité d'une action.
II)
La conséquence comme fondement de la responsabilité morale.
A)
Dans le droit pénal et civil, est responsable l'individu qui n'a pas forcément voulu son acte ou les
conséquences entraînées par celui-ci.
En effet, l'homicide involontaire, c'est-à-dire in-intentionnel, fait
l'objet d'une peine.
Si nous punissons les sujets moraux qui n'ont pas voulu une action et ses conséquences
jugées immorales, c'est que nous considérons que l'intention n'est pas la seule source de la responsabilité
morale ; la négligence ou l'inaction (non assistance à personne en danger) peuvent au même titre en être
considérées comme le fondement.
B)
Pour les utilitaristes, dont l'éthique est conséquentialiste, seule la conséquence de l'action permet de juger
de la moralité de celle-ci et de son auteur.
La responsabilité morale est donc attachée à la conséquence et
non à l'intention.
Une action peut être considérée comme moralement bonne même si l'intention de l'auteur
est de répondre à un intérêt personnel, tant que celle-ci maximise le niveau de bien-être dans la société ou
du moins celui des individus concernés.
[Mill, L'utilitarisme]
III)
La responsabilité morale ne doit-elle pas être attachée en même temps à l'intention et aux
conséquences ?
A)
Il existe, au sein de l'utilitarisme, un courant appelée « utilitarisme de la règle ».
C'est utilitarisme est
toujours un conséquentialisme, mais fait de celui-ci une règle morale qui doit diriger le sujet lors de son
action.
Est donc érigée en règle morale le fait de toujours maximiser le bien-être du plus grand nombre.
La
responsabilité morale se joue donc encore dans les conséquences de l'action mais prend aussi en compte
l'intention du sujet d'adopter une règle et d'agir en fonction de celle-ci.
B)
Cette forme d'utilitarisme semble se rapprocher quelque peu du kantisme.
Pour Kant, les conséquences de
l'action ne doivent pas être prises en compte.
Or il semblerait tout de même que lorsqu'il formule l'impératif
catégorique ainsi : « Agis uniquement d'après la maxime qui fait que tu peux vouloir en même temps qu'elle
devienne une loi universelle » il demande alors au sujet de prendre en compte les conséquences qu'auraient
le fait d'ériger en règle morale universelle telle ou telle action.
Ce n'est donc pas les conséquences d'une
action particulière qui sont prises en compte pour juger de la responsabilité d'un sujet, mais celles de
l'universalisation d'une action particulière.
La responsabilité morale du sujet s'attache donc à l'intention du
sujet ainsi qu'aux conséquences que pourrait avoir son action si elle devenait une règle morale universelle.
[Kant, Métaphysique des Mœurs]
Dans l'utilitarisme de la règle comme dans l'éthique déontologique kantienne, c'est sur l'universalisation d'une action
ainsi que les conséquences qu'entraînerait celle-ci que se joue la responsabilité morale.
La différence est que dans
l'utilitarisme de la règle, les conséquences prises en compte sont celles d'une action particulière que l'on va ensuite
ériger en loi morale alors que dans le kantisme, les conséquences qui nous intéressent sont celles d'une action déjà
érigée en loi universelle.
Quoi qu'il en soit, dans les deux cas, l'intention ne suffit pas.
Elle ne détermine pas seule la
responsabilité morale.
COURS EN GUISE DE SUPPLÉMENT:
A)
Moralité du devoir et responsabilité.
La morale du devoir ordonne simplement : fais ce que tu dois, et, de son point de vue, on doit faire son
devoir sans se préoccuper de ce que les autres sont susceptibles de faire.
Advienne que pourra ! or, le fait que le
mal puisse résulter du bien et le bien du mal est une réalité.
On peut se demander, dès lors, si l'homme de
conviction, qui agit toujours par devoir indépendamment des circonstances, n'est pas irresponsable et s'il ne faut
pas subordonner toute règle morale à la considération des conséquences de son application.
L'homme de.
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