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La religion n'a-t-elle qu'une fonction de cohésion sociale ?

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« Introduction « La religion, écrivait Émile Durkheim, est une chose éminemment sociale.

Les représentations religieuses sont des représentations collectives qui expriment des réalités collectives ; les rites sont des manières d'agir qui ne prennent naissance qu'au sein des groupes assemblés et qui sont destinés à susciter, à entretenir ou à refaire certains états mentaux de ces groupe » (Les Formes élémentaires de la vie religieuse, PUF, 1979).

Il apparaît ainsi que, par cette production et cet entretien d'états mentaux du groupe, liés à des représentations collectives, la religion a une fonction de cohésion sociale.

Peut-on pour autant dire qu'elle n'a que cette fonction? 1) Deux types de religions On peut distinguer deux type de religions, celles que Bergson dans son étude classique Les Deux Sources de la morale et de la religion nomme la « religion dynamique » et la « religion statique ». La religion dynamique. C'est le sentiment religieux personnel dont le type achevé est le mysticisme, et qui, selon Bergson, puiserait son principe dans l'« élan vital ».

Cette forme supérieure de la religion qu'est la mystique serait « une prise de contact, et par conséquent une coïncidence partielle, avec l'effort créateur que manifeste la vie.

Cet effort est de Dieu, si ce n'est Dieu luimême.

Le grand mystique serait une individualité qui franchirait les limites assignées à l'espèce par sa matérialité, qui continuerait et prolongerait ainsi l'action divine » (Les Deux Sources de la morale et de la religion, PUF, p.

233).

Cette modalité rare et éminemment personnelle de la religion n'a évidemment pas, en tant que telle, de fonction sociale. La religion statique. C'est la religion constituée, qui a, elle, une fonction essentiellement sociale et pratique.

Elle est « ce qui doit combler, chez des êtres doués de réflexion, un déficit éventuel de l'attachement à la vie » (ibid., p.

223) ; elle est « une réaction défensive de la nature contre le pouvoir dissolvant de l'intelligence » (ibid., p.

127).

À travers l'ordre qu'elle inspire grâce à ces « fabulations » que constituent les mythologies, et qu'elle installe et maintient grâce aux rites, et les cérémonies qui constituent des « exercices continuellement répétés » destinés à susciter et à consolider par leurs automatismes mêmes les croyances religieuses, la religion statique aurait essentiellement pour fonction de fournir une triple assurance. D'abord, une « assurance contre la désorganisation » : les interdits, les tabous qu'elle impose servent des intérêts de la communauté sociale ; « irrationnel au point de vue de l'individu, puisqu'il arrêtait net des actes intelligents, [le tabou] était rationnel en tant qu'avantageux à la société et à l'espèce » (ibid., p.

133). Ensuite, une « assurance contre la dépression » : parce qu'il est un être conscient et intelligent, l'homme sait qu'il doit mourir ; or, cette pensée de la mort est « désespérante » et propre « à ralentir chez l'homme le mouvement de la vie » (ibid., p.

136).

En affirmant la continuation de la vie après la mort, la religion apparaît « comme une réaction défensive de la nature contre la représentation, par l'intelligence, de l'inévitabilité de la mort » (ibid., p.

137). Enfin, une « assurance contre l'imprévisibilité » : la religion vise à encourager l'homme dans ses entreprises en lui affirmant (notamment par les procédés de divination) qu'il peut se rendre maître de l'imprévisible, de prédire l'avenir.

Les représentations religieuses apparaissent donc comme « des réactions défensives de la nature contre la représentation par l'intelligence, d'une marge décourageante d'imprévu entre l'initiative prise et l'effet souhaité » (ibid., p.

146). 2) La religion : une illusion, répondant au désir infantile de protection? La fonction « d'assurance contre la dépression » n'est pas sans évoquer une autre fonction : satisfaire dans l'imaginaire le désir infantile d'être protégé.

Freud dit, à ce propos, de la religion qu'elle est une illusion, et que « ce qui caractérise l'illusion, c'est d'être dérivée des désirs humains ».

Dans la croyance religieuse comme dans toute croyance, « la réalisation d'un désir est prévalente ».

La force d'une croyance est proportionnelle à la force des désirs qu'elle satisfait dans l'imaginaire.

L'illusion religieuse satisfait un désir très archaïque et très puissant: celui d'être protégé en étant aimé.

Tout enfant a connu l'état de détresse (impuissance à satisfaire par soimême ses besoins) dont la protection parentale permet d'apaiser l'angoisse.

Cette « impression terrifiante » dure toute la vie.

Par ailleurs, la nature reste toujours menaçante (maladie, conscience du temps et de la mort), et la vie sociale, imparfaite, contraignante, est nécessaire pour s'opposer à cette menace.

La croyance en un Être suprême (Dieu), qui dirige avec bienveillance le cours des événements (Providence), n'abandonne pas ses créatures, récompense le juste dans l'au-delà (immortalité de l'âme), etc., doit être comprise sur le modèle des rapports entre un enfant et ses parents.

« La religion serait la névrose obsessionnelle universelle de l'humanité; elle dérive du complexe d'Oedipe, des rapports de l'enfant au père.

» Une névrose est une affection psychologique qui, selon Freud, a ses racines dans l'histoire infantile du sujet.

Comme la névrose obsessionnelle, la religion se compose de la répétition de pratiques (rites, cérémonies), d'images, de mots (prières, etc.) que les croyants s'imposent et qui calment l'angoisse.. »

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