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La religion est-elle une démission de la raison ?

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« Si la philosophie se prétend discours rationnel, n'est-il pas un peu surprenant que de nombreux philosophes aient cherché à fonder la foi en prouvant (rationnellement de leur point de vue) l'existence de Dieu ? Cela doit nous inviter à ne pas répondre trop schématiquement à la question, en prenant des relations entre croyance et raison une vue plus subtile que celle qui affirme brutalement une opposition définitive entre l'irrationnalité de la croyance et la rationalité. Historiquement, la philosophie ne s'est en effet pas privée de vouloir rationaliser la croyance (pour que cette dernière n'apparaisse pas comme un domaine étranger à la pensée normale ou normée).

On peut rappeler quelques exemples célèbres. — Saint Anselme (le titre même de son ouvrage en indique bien le projet: Fides quaerens intellectum) entend prouver que seul celui qui affirme «Dieu existe» est bien du côté de la raison; à l'inverse, celui qui affirmerait «Dieu n'existe pas» est un véritable «insensé»: il n'a pas le sens commun, est hors de la raison. — Saint Thomas, avec ses cinq «Voies» vers Dieu qui dérivent de l'argumentation d'Aristote à propos du «premier moteur immobile », élabore des raisonnements, fondés sur différents concepts philosophiques (moteur, cause efficiente, degré dans l'être, etc.) qui veulent établir que Dieu doit nécessairement être admis pour peu que l'on se préoccupe de la cohérence rationnelle de la pensée. — Descartes lui-même cherche à montrer que l'analyse, toujours rationnelle, du concept de Dieu, oblige à constater qu'il existe nécessairement (argument ontologique). Descartes avait tout d'abord, dans son « Discours de la méthode », montré que les idées que nous concevons clairement et distinctement, qui s'imposent donc à nous avec évidence, sont innées (antérieures à notre propre naissance) et vraies (auxquelles par conséquent nous pouvons nous fier).

Par la suite, dans les « Méditations métaphysiques », l'auteur avait avancé un argument a posteriori de l'existence de Dieu : j'ai en moi l'idée (claire et distincte) de parfait ; moi qui suis un être imparfait, je ne peux l'avoir posée en moi-même ; seul un être parfait peut donc être la cause de la présence en moi de cette idée de parfait (« Méditation troisième »). Dans le présent texte (« Méditation cinquième ») , Descartes double cet argument a posteriori d'un argument ontologique, purement conceptuel.

Parmi les idées innées, se trouvent les nombres et figures mathématiques, mais aussi l'idée de Dieu, que l'auteur définit comme « un être souverainement parfait et infini ». A partir de cette définition, Descartes développe sa version de l'argument ontologique : il déduit l'existence de Dieu de son essence même.

En effet, Dieu est par définition doté de toutes les perfections ; or l'existence est une perfection : l'existence en tant que perfection fait partie de sa définition. Dieu ne peut donc pas ne pas exister.

La distinction entre essence et existence ne convient pas au sujet de Dieu. Descartes associe ces deux arguments, l'un qui remonte de l'effet à la cause, l'autre qui déduit l'existence de l'essence, pour démontrer l'existence de Dieu, « être parfait ». Pour Descartes, la première vérité est l'existence de ma conscience.

C'est donc à l'intérieur même de la pensée qu'il faut rechercher l'effet qui postule Dieu comme cause.

La première preuve avancée par Descartes est la suivante : Dieu possède toutes les perfections, or l'existence est une perfection, car un être sans existence est nécessairement imparfait.

Donc nous devons aussi compter parmi les perfections de Dieu donc il faut que Dieu existe (« Discours de la méthode », IV et « Méditations métaphysiques », III). Cette preuve est, au fond, la formulation originale de l'argument ontologique de Saint Anselme (XI ième siècle). Sans doute tous les philosophes n'ont-ils pas eu cette attitude, mais ces trois cas suffisent à indiquer qu'on a pu concevoir une complémentarité entre raison et croyance.. »

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