La religion est-elle naturelle ?
Extrait du document
«
[Introduction]
Le sentiment religieux s'appuie sur la croyance en des êtres invisibles et puissants ou en un Dieu personnel.
Cela peut être aussi la
sensation de l'éternité, le sentiment « océanique » dont parle l'écrivain Romain Rolland, sentiment de quelque chose d'illimité, d'infini et
que rejette Freud dans Malaise dans la civilisation.
Comment surgit ce sentiment religieux ? La question ne porte pas sur l'existence de Dieu mais sur la spontanéité de ce sentiment, ou
au contraire sur sa construction rationnelle.
La religion est-elle un acte de foi ou une connaissance rationnelle ?
[I.
Le sentiment intérieur]
Le fait religieux est une composante essentielle de toutes les sociétés humaines : pas de civilisation sans sacré, c'est-à-dire sans
quelque chose qui n'appartient pas à notre monde, quelque chose de « tout autre », comme le dit Mircea Eliade dans Le Sacré et le
profane.
Cela peut être un objet commun, une pierre, un arbre, qui manifeste ce sacré.
Cela peut être l'incarnation de Dieu dans
Jésus-Christ pour un chrétien.
« Toutes les croyances religieuses connues présentent un même caractère commun : la division du monde en deux domaines
comprenant, l'un tout ce qui est sacré, l'autre tout ce qui est profane, tel est le trait distinctif de la pensée religieuse » (« Les formes
élémentaires de la vie religieuse »).
« On pourrait dire que l'histoire des religions, des plus primitives aux plus élaborées, est
constituée par les manifestations des réalités sacrées.
De la plus élémentaire hiérophanie : par exemple, la manifestation du sacré
dans un objet quelconque, une pierre ou un arbre jusqu'à la hiérophanie suprême qui est, pour un chrétien, l'incarnation de Dieu dans
J.C.
C'est toujours le même acte mystérieux : la manifestation de quelque chose de « tout autre », d'une réalité qui n'appartient pas à
notre monde, dans des objets qui font partie intégrante de notre monde naturel, profane.
» Mircéa Eliade.
Le fait religieux ou la religion comporte un corps de doctrine : rites, préceptes, cultes, etc.
Par contre, le sentiment religieux est avant
tout un phénomène intérieur, individuel, qui implique la foi en un au-delà transcendant, en un infini qui dépasse la finitude humaine.
En première analyse, la croyance religieuse semble aveugle, elle se passe de preuves rationnelles : c'est un credo quia absurdum pour
saint Augustin.
Je crois parce que
c'est absurde.
Saint
Augustin
Cette phrase définit la foi.
Nous n'avons nulle preuve de l'existence de
Dieu.
Croire en Dieu (ou n'y pas croire) relève d'un choix d'existence
mais qui reste infondable en raison.
On ne prouve pas une existence, on l'éprouve.
Sainte Thérèse d'Avila, au xvie siècle, témoigne d'une attitude mystique : le croyant est
habité par l'amour de la Divinité dont il sent la présence au plus profond de son âme.
Cette attitude est complètement étrangère à la
raison et ne peut se partager.
« Le mysticisme ne dit rien, absolument rien à celui qui n'en a pas éprouvé quelque chose », écrit
Bergson.
Sans aller jusqu'au mysticisme, incompréhensible pour la plupart des hommes, ce sentiment intérieur est-il l'oeuvre de la raison ou de
la foi ?
[II.
La religion, acte de foi ?]
Tout homme désire naturellement connaître la cause de son existence.
Pour un croyant, cette cause est d'essence divine, mais en tant
qu'homme, il ne peut pas voir Dieu, sauf après la mort.
L'âme existe dans un corps (Socrate appelait celui-ci le « tombeau de l'âme »)
et ne peut donc connaître que les réalités liées à la matière.
Croire en Dieu est donc un acte de foi et non une croyance naturelle,
puisque naturellement notre connaissance a son origine dans les sens et que les sens ne nous font connaître que le sensible.
Autrement, mais pour aboutir aussi à la foi, Pascal, grand scientifique autant que philosophe, recherche un centre, un point fixe : c'est
Dieu vers lequel tend toute chose.
Physique et mathématiques nous conduisent à la théologie, au Dieu transcendant caché.
Mais ce
savoir ne conduit pas à Dieu sans l'aide de Jésus-Christ, par qui seul l'homme se comprend.
Le Dieu de Pascal n'est pas celui des
philosophes et des savants : c'est le Dieu « d'Isaac, d'Abraham et de Jacob », celui d'une rencontre intime, personnelle, un Dieu «
sensible au coeur ».
La foi ne répugne pas à la raison chez Pascal, mais elle lui échappe, elle est au-dessus, ailleurs.
«Le coeur a ses raisons que la raison ne connaît point [...] C'est le coeur qui sent Dieu
et non la raison.
Voilà ce que c'est que la foi.» Pascal, Pensées (1670).
• Pascal distingue deux modes de connaissance.
La raison «connaît» sur le mode conceptuel et
argumentatif, comme dans les mathématiques.
Mais Dieu échappe à ce mode de connaissance.
Il
serait vain, pour Pascal, de prétendre en démontrer l'existence.
C'est le coeur qui «sent» Dieu.
La
foi est donc une connaissance immédiate et trop subtile pour pouvoir être argumentée.
• La raison peut néanmoins être mise au service de la foi, de façon indirecte: c'est la célèbre
théorie du «pari» pascalien, visant à convertir les incroyants.
II montre que l'homme a beaucoup à
gagner en croyant, et, réciproquement qu'il n'a rien à gagner en en croyant pas.
Il est donc, en
pratique, raisonnable de croire en Dieu, même si ce n'est pas rationnel, et n'a pas besoin de l'être.
La religion de Pascal, de sainte Thérèse d'Avila est une religion fondée uniquement sur la parole de
Dieu, sur la foi.
Connaître Dieu, c'est avant tout l'éprouver avec et dans son coeur.
Qu'en est-il de
la religion naturelle, celle qui pense connaître le divin par la lumière de la raison et de la
conscience, sans recours à la révélation ?.
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