La religion est-elle l'opium du peuple ?
Extrait du document
«
Dans le prolongement du siècle des Lumières qui l'a précédé, le XIXe siècle a été le théâtre de nombreuses
objections formulées à l'encontre de la religion, à l'instar de celle de Marx, auteur de cette formule célèbre faisant
de la religion « l'opium du peuple ».
Ce rapprochement entre l'opium, ce produit narcotique dont les effets provoquent chez son consommateur un
engourdissement de l'esprit, une somnolence, et la religion, cet ensemble de croyances et de rites, pose toutefois
question.
Il nous invite à nous demander ce qui peut effectivement nous conduire à suspecter la religion au point
d'affirmer qu'elle participe de l'endormissement général des consciences ? Mais ne peut-on pas au contraire
considérer le phénomène religieux positivement ? La complexité de celui-ci tout comme son universalité ne doiventils pas nous conduire à une vision moins réductrice ? Enfin, l'accent social mis par Marx dans sa critique de la religion
est-il d'ailleurs le seul biais par lequel on peut remettre en cause le phénomène religieux ?
1- Essayons dans un premier temps de déterminer quel est le sens de cette formule telle qu'elle a été formulée
par Marx, afin de mieux la comprendre.
2- Cependant, cette objection, aussi pertinente soit-elle, semble être quelque peu réductrice.
Comment peuton dès lors relativiser cette idée de religion comme opium du peuple pour lui donner un contenu plus positif ?
3- Mais pourtant, à l'instar de Marx, de nombreux philosophes ont également, au XIXe siècle, largement remis
en cause le phénomène religieux.
Qu'on le considère en terme d'opium du peuple ou qu'on utilise d'autres axes
négatifs, la défiance envers la religion est générale, comme nous le verrons notamment avec Feuerbach, Nietzsche
et Freud.
1- Analyse de la citation de Marx
Parler de la religion en y accolant le terme opium, c'est lui porter une attaque virulente.
On sous-entend en
effet que la pratique religieuse recèle les mêmes effets néfastes que cette drogue, tels que la dépendance, l'illusion
de bien-être, l'endormissement, la perte du libre arbitre, l'asservissement, le maintien dans l'ignorance, etc.
Pour Marx, la religion n'est pas seulement une ignorance, elle est une
illusion qui a une signification anthropologique à l'échelle de la société.
Il voit
en effet dans les frustrations sociales de l'homme les clés de l'aliénation
religieuse.
Marx (1818-1883) reconnaît, avec Feuerbach, que la critique de la religion est
le point de départ de toute critique, mais il reproche à ce dernier sa
conception abstraite de l'homme.
Feuerbach, en affirmant que l'homme est
raison, volonté, bonté manque la réalité de l'homme concret.
L'homme n'est
pas « une essence abstraite, blottie hors du monde », il doit être conçu dans
son existence réelle, dans « le monde de l'homme », « l'Etat », « la société »
: « Feuerbach résout l'essence religieuse en essence humaine.
Mais l'essence
de l'homme n'est pas une abstraction inhérente à l'individu isolé.
Dans sa
réalité, elle est l'ensemble des rapports sociaux » («Thèse VI sur Feuerbach
»).
C'est pourquoi Feuerbach ne voit pas que l'esprit religieux « est lui-même un
produit social ».
Jugeant que l'Allemagne de son époque est incapable de
s'engager dans une voie révolutionnaire, et qu'elle compense cette
impuissance politique sur le mode fantasmatique de l'idéologie et, en
particulier, celle de la philosophie spéculative hégélienne, Marx décide de
critiquer la philosophie hégélienne du droit et de l'Etat.
Il écrit un article dans
les « Annales franco-allemandes » sous le titre « Critique de la philosophie du
droit de Hegel » (traduit en français aux Editions sociales).
Les premières pages traitent de la religion.
On y trouve
la fameuse expression: «Elle est l'opium du peuple », expression à laquelle on a fait dire n'importe quoi et qu'il
convient de restituer dans son contexte.
« La détresse religieuse est, pour une part, l'expression de la détresse réelle et, pour une autre, la protestation
contre la détresse réelle.
La religion est le soupir de la créature opprimée, l'âme d'un monde sans coeur, comme elle
est l'esprit de conditions sociales d'où l'esprit est exclu.
Elle est l'opium du peuple.
»
Ce n'est pas pour pouvoir se représenter sa propre essence que l'homme la projette, à l'extérieur de lui-même, dans
le divin.
Cette interprétation feuerbachienne de l'aliénation reste marquée par l'idéalisme hégélien.
C'est le monde
concret de l'homme réel qui produit l'aliénation religieuse.
La religion est « la conscience inversée du monde », parce
que « le monde de l'homme », « la société », « l'Etat » sont eux-mêmes « un monde à l'envers ».
Si la religion est «
la réalisation fantastique de l'être humain », c'est parce que « l'être humain ne possède pas de vraie réalité ».
Autrement dit, l'aliénation religieuse est le produit de la pauvreté effective de l'homme.
C'est pourquoi elle est tout à
la fois expression de cette détresse et protestation contre cette détresse.
D'où la formule : « Elle est l'opium du
peuple.
»
C'est parce que l'homme est aliéné économiquement, exploité socialement, qu'il réalise de manière fantastique son
essence dans un monde imaginaire.
C'est pourquoi « lutter contre la religion », C'est « indirectement lutter contre ce
monde-là dont la religion est l'arôme spirituel ».
Ainsi, à travers la critique de la religion, la critique doit atteindre la.
»
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