La relation à l'autre est-elle d'emblée éthique ?
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«
Sujet : La relation à l'autre est-elle d'emblée éthique ?
[L'autre, pour Emmanuel Levinas, c'est d'abord un visage qu'on ne peut pas regarder comme on regarde
un objet.
La relation au visage de l'autre est l'expérience éthique par excellence car elle est ce qui nous
interdit la violence.]
Pour Lévinas, l'éthique est la « voie royale vers l'absolument autre » (Préface).
En effet, le désir d'infini n'est
pas un désir au sens habituel et négatif de manque mais une expérience sans retour possible de soi vers
l'autre, du familier vers l'étranger.
Car « l'absolument autre, c'est autrui » (Rupture de la totalité), autrui n'est
donc pas la négation de moi-même, ce qui impliquerait encore une relation d'identité, mais il est positivement
« l'absolument autre ».
Autrui me révèle le sens de l'éthique comme « rapport non allergique du Même et de
l'Autre » (L'Être comme bonté).
L'éthique trouvant son sens premier dans la relation de face à face, elle présuppose une ouverture à «
l'absolument autre » que seul le visage d'autrui permet d'entrevoir.
L'éthique est bien originellement une «
optique » mais sans image, car la vision est encore une totalisation.
Or le visage empêche le regard de se
fixer, il nous tourne vers un au-delà, un ailleurs ; il figure « l'infiniment autre » qu'on ne parviendra jamais à
totaliser.
Le visage d'autrui se donne à voir comme « révélation » de l'Autre dans sa nudité et sa fragilité.
Il
m'appelle alors à la responsabilité infinie devant lui.
Le visage de l'autre, c'est le premier commandement
Le visage est, en l'homme, ce qu'il y a de plus vulnérable.
Il est ce qu'il y a de plus nu, de plus exposé
«comme nous invitant à un acte de violence».
Mais, dans ce total dénuement, dans cette fragilité essentielle
s'inscrit le commandement suprême: «Tu ne commettras pas de meurtre».
Le visage est une invitation au respect
Le visage, parce qu'il est exposé à toutes les violences, est ce qui nous interdit la violence.
Le «Tu ne tueras
point», dit Emmanuel Levinas, est la «première parole du visage».
Ainsi, l'autre est en même temps celui
contre lequel je peux tout et celui auquel je dois tout.
« Je pense plutôt que l'accès au visage est d'emblée éthique.
C'est lorsque vous voyez un nez, des
yeux, un front, un menton, et que vous pouvez les décrire, que vous vous tournez vers autrui comme vers un
objet.
La meilleure manière de rencontrer autrui, c'est de ne pas même remarquer la couleur de ses yeux !
Quand on observe la couleur des yeux, on n'est pas en relation sociale avec autrui.
La relation avec le visage
peut certes être dominée par la perception, mais ce qui est spécifiquement visage, c'est ce qui ne s'y réduit
pas.
Il y a d'abord la droiture même du visage, son expression droite, sans défense.
La peau du visage est
celle qui reste la plus nue, la plus dénuée.
La plus nue, bien que d'une nudité décente.
La plus dénuée aussi: il
y a dans le visage une pauvreté essentielle.
La preuve en est qu'on essaie de masquer cette pauvreté en se
donnant des poses, une contenance.
Le visage est exposé, menacé, comme nous invitant à un acte de
violence.
En même temps le visage est ce qui nous interdit de tuer.
»
Lévinas, « Ethique et infini ».
Lévinas commence par opposer perception d'un objet et rencontre authentique d'autrui.
Quand je pose
l'autre comme objet, je le projette sur une surface d'objectivité : il m'apparaît comme un tableau à décrire,
une surface à observer et détailler, son unité éclate en autant de petits objets à commenter (les éléments du
visage sont eux-mêmes réductibles à des unités plus petites.
Ce rapport est un rapport théorique qui ne me
donne pas véritablement autrui : dans un processus de connaissance, ma conscience s'assimile l'objet plutôt
qu'elle ne s'ouvre à l'altérité du donné.
En posant autrui comme objet, je reste seul.
La saisie véritable d'autrui (celle qui me fait vraiment sortir de moi et rencontrer une dimension irréductible aux
simples données de l'expérience) ne donne pas une richesse d ‘éléments à décrire mais présente une
pauvreté.
L'autre se présente simultanément comme sans défense et invitation au respect : en effet, la
possibilité physique de tuer autrui se donne en même temps que l'impossibilité morale d'accomplir cet acte.
Autrui nous est livré dans une dimension éthique comme celui que je n'ai pas le droit de tuer..
»
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