La recherche des biens matériels prive-t-elle de la liberté ?
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«
Introduction :
Bien définir les termes du sujet :
- « Biens matériels » : Ici, le terme ne laisse pas place à l'ambiguïté, il s'agit de désigner toutes les richesses que l'on peut acquérir.
C es richesses sont
matérielles, c'est-à-dire qu'elles ont une existence physique.
- « La liberté » : la liberté consiste le plus généralement dans le fait de pouvoir se mouvoir sans contraintes, de juger et agir en pleine conscience.
C 'est le
pouvoir de se déterminer rationnellement sans y être contraint par une force extérieure.
Ici, si l'on considère que les richesses sont les bien acquis par un
individu, alors la liberté dont il est question est aussi celle de l'individu, à savoir sa liberté de faire ou de ne pas faire quelque chose selon les règles qu'il
s'est donné à lui-même.
- « P river » : peut avoir pour synonyme le terme de perdre.
Priver de liberté, c'est enlever et interdire son expression, enlever une partie du champ de son
action.
C onstruction de la problématique :
Selon l'avis commun, la liberté individuelle consiste dans le fait de pouvoir faire ce que l'on peut au moment où on le veut.
A utrement dit, c'est
laisser à ma liberté la possibilité de s'exprimer à travers n'importe laquelle des actions.
Or, posséder des richesses semble faciliter les actions, qui ne
connaissent alors pas de limites en terme pécuniaire.
M ais de manière plus prosaïque, la richesse peut encombrer, elle prend de la place, et peut entraîner
un attachement qui gêne la liberté.
Se pose donc la question de savoir dans quelles conditions la recherche de biens matériels prive de liberté, et dans quelle mesure ces derniers sont
tout de même une des conditions de la vie libre.
Plan :
I/ Le manque de richesse peut être un obstacle à ma liberté :
● Il semble évid ent tout d'abord que ne rien possé der empêche et gêne la libert é, puisqu'un homme complètement dés hérité ne peut choisir ce q ui lui
convient de vivre, il est complètement dépendant des circonstances, du monde extérieur et du hasard.
● A ussi, comme l'e xplique A ris tote dans Ethique à Nicomaque, un minimum de richesse est nécessaire à l'homme
pour qu'il ait une vie convenable, soit heureux et libre.
P our être heureux, libre et vivre dans la C ité, l'homme doit
satisfaire ses besoins vitaux, et posséder le nécessaire pour parer aux difficultés de la vie.
En effet, selon A ristote, on ne
peut être ni heureux ni libre si l'on est dépourvu de ressources, car beaucoup d'actes exigent comme moyen d'exécution
de l'argent, et des amis.
Il écrit donc que le bonheur, et de ce fait la liberté, « ne saurait se passer de biens extérieurs.
»
Ethique, I.8.
● L 'ho mme a donc bes oin d'un minimum de richess e, et il doit les recherc her pour satisfaire s es besoins.
Ainsi,
lorsqu'elles sont en nombre raisonnables, les richesses, au lieu d'être un obstacle à ma liberté en sont au contraire une
condition.
M ais pour que cela soit toujours vrai, il faut que la recherche de richesses soit non pas une fin en soi, mais un
moyen en vue d'autre chose.
Les richesses ne doivent pas être un but en soi, car la fin de toute action est le bonheur et la
liberté, c'est-à-dire l'adéquation à soi-même.
La richesse doit permettre cette adéquation, être un moyen ; si elle est au
contraire un but, elle rate la fin et devient obstacle.
II/ La recherche de richesses exprime la liberté de l'homme :
● Rec hercher des riches ses revient à s'a pproprier ce qui n'a ppartena it à personne, ou à acq uérir d e manière plus
ou oins légale ce qui appartenait à quelqu'un.
Or, toutes les manipulations et démarches que cela demande, semble être
la preuve de la liberté de l'homme.
● A insi, selon Kant dans La Doctrine universelle du droit , dans la partie sur la
propriété (I, section 1), la propriété est une marque de ma liberté.
Il existe en effet deux types de possession ; la
possession sensible, qui est une possession physique, une détention, et la possession intelligible, qui est une
possession juridique, sans détention.
Selon Kant, il serait contradictoire avec ma liberté que je ne puisse pas prendre un
objet en général pour objet de mon arbitre.
« C'est donc une présupposition a priori de la raison pratique que de considérer
et de traiter tout objet de mon arbitre comme étant objectivement un mien et un tien possibles.
» (section 1, §2)
● C ette citation est la co ndition de l'affirmation de la liberté en sa déte rmina tion ex térieure, a ffirmation qui se
présente comme possession intelligible.
J'ai la faculté d'imposer à tous une obligation, celle de s'abstenir d'user de
certains objets de mon arbitre parce que je les ai pris d'abord en ma possession.
Et tout usage de ce qui est mien par un
autre me lèserait.
Posséder une chose, c'est avoir la liberté d'en user sans en être empêché, et pouvoir exercer une
contrainte sur quiconque me fait obstacle quant à la disposition et la jouissance de la chose.
è A insi rechercher des biens matériels est une marque de ma liberté, puisque prendre possession d'une chose, affirme ma
liberté et mon pouvoir sur le monde extérieur.
III/ Il ne faut pas se laisser posséder par ses possessions :
● M ais il n'est pas rare d 'ent endre des cons eils de modération qua nt à la posse ssion d e b iens maté rie ls.
En effet, la
recherche de richesses entraîne la recherche d'autres richesses, et finalement l'aveuglement.
C elui qui possédait alors
de nombreux biens en devient esclaves.
● C 'e st c e q u'e xplique Epictète da ns Le Manuel.
Selon lui, il faut saisir les occasions de s'enrichir, et s'en donner les moyens.
Il prend l'exemple de la
distribution gratuite d'oignons : si quelqu'un distribue des oignons, « tend ton tablier » au lieu de geindre que tu n'en as pas.
Dans ce cas, la recherche de
richesses ne prive pas de liberté, puisqu'elle est due à l'occasion.
Mais une fois ces richesses acquises, il faut savoir en profiter et ne pas en devenir
esclave.
C 'est ce qu'illustre Epictète par un autre exemple, lorsque le navire fait une escale, et que l'on en profite pour se promener sur la rive, il peut arriver
de trouver des coquillages.
Mais si le commandant appelle, il faut laisser là les coquillages et rejoindre le bateau.
● A utrement dit, il est possible de recherche r d es richesses matérielles, mais il ne faut pas qu'elles entravent la libert é, ni qu'elles dét ournent
l'individu du droit chemin.
En effet, pour Epictète, les choses matérielles ne dépendent pas intégralement de moi, puisque qu'elles me sont extérieures et
donc livrées à la fortune.
Il vaut mieux donc travailler à devenir un homme sage plutôt qu'un homme riche, car les richesses ne dépendent pas de moi et
peuvent me rendre esclave.
Je suis en effet soumis à la fortune qui les fournit.
● P our Epictète , il est do nc p ossible d e re chercher de s b iens maté riels, mais il faut ne jamais oublie r q u'e lles ne dépendent pas de moi, et je ne d ois
pas y attacher plus d'importance que ce qu'elles méritent, sous peine d'en être l'esclave..
»
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