La réalité : qu'entendons-nous par là ?
Extrait du document
«
THÈMES DE RÉFLEXION
• Indications lorsqu'on tente de définir la notion de « réalité ».
Le terme réalité se dédouble de la façon la plus simple en « réalité sensible » (matrice de l'apparence, du fictif, de l'imaginaire) et en «
réalité intelligible » (lieu de la « vraie » réalité, de la certitude).
Que l'homme se débarrasse du négatif de l'erreur qui le séduit ou par
lequel il se séduit lui-même, qu'il renonce à ce qui lui semble son intérêt, mais qui n'est que le désir de la partie non raisonnable de son
être, et la « réalité vraie » se montrera telle qu'elle est en elle-même.
Est erreur ce qui est individuel : il ne peut y avoir une vérité ni pour
l'individu en tant que tel, ni au sujet de l'individu en tant que tel.
L'homme est raisonnable, non les hommes et c'est la réalité qui se
montre dans la vérité, non les chose; qui semblent être.
La Réalité vraie (opposée à l'apparent, à l'illusoire) c'est
ce qui se comprend selon l'ordre de la nécessité univoque de part en part.
La contradiction est ce qui doit avant tout être rejeté par le
discours sur la réalité puisque ce que l'on recherche c'est ce sur quoi l'on peut compter toujours : le permanent, l'identique.
Ce qui est est.
Ce qui n'est pas n'est pas.
Ce « mode de penser » tourne le dos aux « choses » et s'occupe de lui-même : la réalité ne peut être pensée
que par de longs détours et par la création de termes nouveaux, précis, susceptibles de fonctionner sans hiatus et sans jeu tels que
l'Essence, l'Être en tant qu'Être.
Il s'ensuit que les relations entre les concepts sont rigides, donc rigoureuses et qu'elles s'imposent à l'esprit avec un caractère de
nécessité que ne présente aucun des autres modes de connaissance.
Ce que ce « mode de penser » présente de plus impressionnant
c'est que l'homme, lorsqu'il le pratique, ne se sent pas libre de penser d'une façon ou d'une autre.
C'est un succès puisque c'est cette
appréhension de la réalité nécessaire, immuable, univoque, qui était recherchée.
L'appréhension de la réalité cesse ainsi d'être quelque
chose de subjectif (la subjectivité étant impliquée dans l'apparent, l'illusoire, le fictif, l'imaginaire) : elle représente une dé-subjectivisation
de l'homme et, n'imposant pas ses propres lois à celui qui la choisit, apparaît comme la révélation de la Réalité elle-même.
La Réalité
authentique ou ce qui est à proprement parler est ce que pense la pensée logique (commune à tous les hommes).
Nous pourrions, sans plus, nous contenter de l'état actuel de nos investigations; mais quel est l'envers de cette façon d'appréhender « la
réalité »? la réalité n'est réalité qu'en tant qu'elle coïncide avec les concepts; on exige à priori qu'elle possède les attributs du Logos, on^
réclame que ce sur quoi l'on s'interroge possède la perfection qui est propre à l'Idée et qui est — ou prétend être — l'exactitude univoque.
On confond donc la Réalité et l'Idéal d'une réalité.
Ce mode de connaissance non seulement idéel mais idéal est donc une pensée qui
idéalise et invente peut-être des perfections.
Ainsi, étant parti d'une méthode d'appréhension de la Réalité conçue comme devant
s'opposer définitivement à l'apparence, au fictif, à l'illusoire, on aboutit à se demander si cette Réalité ainsi pensée n'est pas du domaine
de l'Idéal, de l'Imaginaire, de l'Illusoire.
• D'une certaine façon on peut se demander si Kant ne fait pas apparaître clairement ce qui est en jeu (dans sa position même du
problème).
Pour lui, la réalité (les choses en soi) ne peuvent être connues : seules peuvent être déterminés les phénomènes.
Par contre elle peut
être « pensée » (de façon non déterminée).
Comme la notion de Réalité est pensée comme incluant l'existence, la seule Réalité certaine
que nous pouvons établir à priori comme fondement inconditionné est la réalité pratique de Dieu, réalité que nous pouvons établir de
façon certaine (sans d'ailleurs la connaître) à partir de la réalité pratique de la moralité qui est avant tout commandement.
C'est un renversement prodigieux de la façon d'appréhender la réalité, et corollairement un changement total de la conception de la
notion de réalité.
La notion de réalité n'est plus du monde de l'indicatif mais de celui de l'impératif, un impératif encore conçu selon le mode de l'universel.
Pour que l'opération soit radicale, il faut abattre le dualisme (entre le monde vrai et le monde des apparences, de l'illusion; entre l'objectif
et le subjectif) et se demander quelle est la source de ce dualisme, de cette opposition.
C'est cette opération radicale que tente Nietzsche en remplaçant le dualisme par la pluralité « des points de vue » (le « perspectivisme »)
conformément à une appréhension de la Réalité comme Interprétante-Interprétée (seule apte à rendre compte du fait et du sens de
notre exigence et de notre instauration du sens).
« Que les choses puissent avoir une nature en soi, indépendamment de l'interprétation et de la subjectivité, c'est une hypothèse
parfaitement oiseuse; elle supposerait que l'interprétation et la subjectivité ne sont pas essentielles, qu'une chose détachée de toutes ses
relations est encore une chose.
» Volonté de Puissance
En effet la notion de « réalité » sous-tendant l'ensemble des systèmes métaphysiques ne rend pas compte du caractère essentiel de
l'activité connaissante et se condamne ainsi à lui donner un caractère parfaitement illusoire, voire imaginaire en convainquant les
apparences et la subjectivité d'illusion.
C'est pourquoi l'on peut se demander si la volonté d'appréhender la réalité selon les schémas de la logique n'est pas ce qui nous
condamne le plus sûrement à l'illusion et nous écarte le plus de la réalité (tout en étant l'une des manifestations de la Réalité
interprétante-interprétée).
« Parménide a dit : « on ne pense pas ce qui n'est pas » nous sommes à l'extrémité opposée et nous disons : ce qui peut être pensé doit
être assurément une fiction.
» (Le Crépuscule des Idoles)
Certes, l'homme, y compris dans cette attitude, est toujours, ou plutôt se fait toujours nécessairement le sens et la mesure des choses.
Mais ce qui n'est pas légitime, ce qui est évitable, c'est la naïveté dont s'accompagne son interprétation, naïveté qui — précisément —
nous cache la réalité effective.
« L'homme cherche la « vérité » : un monde qui ne puisse ni se contredire, ni tromper, ni changer, un monde vrai...
Il ne doute pas qu'il
existe un monde tel qu'il devrait être; il en voudrait chercher le chemin...
Où l'homme est-il allé chercher le concept de la réalité ?
Pourquoi déduit-il justement la souffrance du changement, de l'illusion, de la contradiction ?...
II est visible que la volonté de trouver du
vrai n'est que l'aspiration à un monde du permanent.
» Volonté de Puissance
Le terme « réalité » correspond ici à la notion métaphysique du monde intelligible qui est structuré selon le « schéma de l'être » et est
placé en antithèse des apparences, de l'illusion.
« Des logiciens fanatiques sont parvenus à faire du monde une illusion et à ne plus trouver que dans la pensée le chemin de « l'être », de
« l'absolu ».
Tout au contraire je prends plaisir au monde, même s'il n'est
qu'illusion.
» Volonté de Puissance
« Notre monde, c'est bien plutôt l'incertain, le changeant, le variable, l'équivoque, un monde dangereux peut-être, certainement plus
dangereux que le simple, l'immuable, le prévisible, le fixe, tout ce que les philosophes antérieurs, héritiers des besoins du troupeau et
des angoisses du troupeau ont honoré par-dessus tout.
»
Volonté de Puissance
Nietzsche tente de montrer que l'illusion est propre à l'être lui-même, à « la Réalité », en ce que d'une part toute appréhension de la
réalité est appréhension (au deuxième sens du terme de « la Réalité ») et que d'autre part celle-ci est nécessairement « InterprétéeInterprétante ».
• Consulter le chapitre intitulé Le Jeu de l'Illusion et de la Vérité dans Le Problème de la Vérité dans la philosophie de Nietzsche livre de
Granier (Seuil)..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- L’art nous détourne-t-il de la réalité ?
- L'art nous détourne-t-il de la réalité ?
- L'opinion publique: mythe ou réalité?
- L'art doit-il nous faire oublier la réalité ?
- l'opinion publique: mythe ou réalité?