La raison peut-elle vouloir la violence ?
Extrait du document
«
Termes du sujet:
VOLONTÉ / VOULOIR: Du latin voluntas, «volonté», «désir», «intention».
1.
Faculté de vouloir, pouvoir de se déterminer pour des
motifs raisonnables.
2.
Acte particulier de la faculté de vouloir (exemple: ses «dernières volontés»), volition.
3.
Chez Schopenhauer,
vouloir-vivre universel, «poussée aveugle et irrésistible» qui vise, en tout être vivant, la survie de l'espèce.
Un acte est volontaire quand il trouve son principe dans une libre décision du sujet.
À la différence du désir, qui est une inclination ou
un penchant subi, la volonté est un principe actif par lequel l'homme affirme sa capacité à se détacher de ses désirs et pose ainsi sa
liberté.
Violence: Mal physique ou moral infligé délibérément à autrui.
Violent: Qui s'impose à un être contrairement à sa nature.
Qui
s'exerce avec une grande force (une passion violente).
RAISON: Du latin ratio, « calcul », « faculté de calculer, de raisonner » (en grec logos).
* Au sens subjectif : mode de penser propre à l'homme (lui-même défini comme « animal raisonnable »).
* Par opposition à l'intuition : faculté de raisonner, c'est-à-dire de combiner des concepts et des jugements, de déduire des
conséquences.
* Par opposition à la passion ou à la folie : pouvoir de bien juger, de distinguer le vrai du faux, le bien du mal.
* Par opposition à la foi : la « lumière naturelle », naturellement présente en tout homme.
* Par opposition à l'expérience : faculté de fournir des principes a priori (c'est-à-dire indépendants de l'expérience)
* Au sens objectif : principe d'explication, cause (exemple : les raisons d'un phénomène).
* Argument destiné à légitimer un jugement ou une décision (exemple : donner ses raisons).
Le mot « raison » désigne une faculté humaine, celle de produire des enchaînements de phrases, que nous appelons des
raisonnements.
On l'appelle aussi le bon sens.
Le terme « violence » désigne, quant à lui, tout ce qui peut porter atteinte à l'intégrité d'autrui, sur le plan physique comme sur le plan
moral.
À travers le verbe « pouvoir », ce sujet nous interroge sur une possibilité dont il faut préciser le sens.
Une action est possible quand
elle peut, sous certaines conditions, se réaliser.
Ainsi, si je déclare « je peux nager très rapidement », cela signifie que je peux réaliser
une telle performance sportive.
Dans ce cas, le sujet proposé nous demande si l'utilisation de sa raison pour accomplir un acte de
violence est quelque chose de réalisable, de concevable, de pensable.
On sait que le verbe « pouvoir » peut avoir un autre sens : un sens moral que l'on perçoit dans des phrases comme « puis-je fumer
dans cette pièce ? » ou encore « puis-je conduire sans permis ? ».
Dans ce cas,« peut-on » est synonyme de « a-t-on le droit de...
», «
est-il légitime de...
».
À la lumière de cette nouvelle interprétation, le sujet peut alors se comprendre ainsi : la raison a-t-elle le droit de
vouloir la violence ?
Est-il légitime d'utiliser sa raison au service d'actions violentes ?
Est-il concevable que la raison conduise les hommes à faire usage de la violence, que cette violence soit physique ou morale ? N'estelle pas au contraire, par principe, refus de la violence, recherche du dialogue et du respect d'autrui ?
Il nous faut nous demander, en outre, si les hommes ont le droit d'utiliser leur raison pour favoriser des actions violentes, et s'il est
légitime d'utiliser son efficacité au service du mal.
Par définition, tout crime rationnellement programmé n'est-il pas le plus
condamnable et le moins pardonnable ?
Les hommes vivent en société et des litiges peuvent parfois les opposer, à tous les niveaux de la vie sociale : conflits d'intérêt dans une
entreprise, désaccords entre les membres d'une même famille, problèmes entre un commerçant et ses clients, etc.
Toutefois, partout
où les hommes font usage de leur raison pour régler leurs litiges, il semble que la violence qui risque d'en découler est remplacée par
les voies du dialogue, par une entente respectueuse d'autrui et de ses propres arguments.
La raison aspire en effet à l'accord des
esprits, par la reconnaissance de principes qui sont ceux de la logique ou du simple « bon
sens ».
Cette fonction est à l'oeuvre de manière la plus claire dans le domaine du droit.
En effet, une société ne s'établit vraiment que lorsque
ses membres confient à des juges et à des tribunaux le soin de régler leurs conflits éventuels, et renoncent à l'usage de la violence ou
à la vengeance.
La justice règle les problèmes qui lui sont soumis, en s'appuyant sur le débat contradictoire, l'examen du pour et du
contre, qui est le coeur même de la rationalité.
Quand un procès ne respecte pas cette « dialectique », il n'est qu'une parodie de
justice, une violence faite au droit et à la raison.
Ce que nous avons dit de la raison, à travers la rationalité du droit, s'applique aux individus entre eux, mais aussi aux relations que les
États entretiennent les uns avec les autres.
Lorsque deux peuples ne s'écoutent plus, par les voies de la diplomatie ou de la
négociation, pour régler un litige, on dit souvent alors que « les armes vont parler ».
Cette expression qui annonce la guerre est
paradoxale car elle indique, en réalité, la surdité qu'implique toute violence à l'égard de la parole d'autrui.
La sagesse des nations qui
essaie de promouvoir l'existence d'un droit international, à travers des institutions comme l'Organisation des Nations Unies, incarne
alors la raison et cherche à résoudre les conflits entre États par un retour au dialogue et à la négociation.
Nous sommes parvenus à la conclusion que là où les hommes discutent et raisonnent pour régler leurs litiges, ils dépassent le stade de
la violence.
Mais les débats contradictoires, ceux d'un procès par exemple, ne sont-ils pas une autre forme de violence, inscrite dans
les mots ? Chercher à réfuter son adversaire, montrer ses torts au moyen d'arguments, n'est-ce pas aussi, d'une autre manière, lui
faire violence en faisant violence à ses idées ? Il nous faut donc maintenant envisager la possibilité d'une autre violence, située sur le
plan de la discussion.
L'opposition entre la raison et la violence, que nous venons d'établir, ne doit pas nous tromper.
Certes, la raison s'oppose à la violence
lorsque celle-ci est tournée vers autrui, mais la philosophie a montré qu'elle est capable de développer cette violence particulière qui
est celle de l'affrontement des idées.
Dans ce contexte, il nous faut modifier la définition que nous donnions de la violence en
introduction.
Celle-ci ne désigne plus à présent tout ce qui peut porter atteinte à l'intégrité d'autrui, sur le plan physique comme sur le
plan moral.
Nous entendrons plutôt par « violence », toute argumentation qui permet le triomphe
d'une idée sur une autre..
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