La raison peut-elle remplacer la religion ?
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Introduction
Lorsqu' Épicure prescrit de ne « pas craindre les dieux », parce qu'ils ne participent pas du même monde que
les hommes, il ouvre ainsi la même voie que Socrate ouvrait avant lui, c'est-à-dire la voie de la raison
(« logos » en grec) contre celle des croyances.
La philosophie naît ainsi comme pouvoir de réflexion et
d'interrogation du monde qui contrevient à celui, dogmatique, de discours préétabli du « mythe » (du grec
« muthos » signifiant fable, légende ou récit) qui doit guider et orienter la vie des hommes.
Cette rationalité
naissante, qui constituera l'emblème de l'activité philosophique jusqu'à nos jours, est consacrée comme
faculté, proprement humaine, de former des idées, de discerner le vrai du faux, de comprendre les
enchaînements des faits et la liaison des vérités.
Elle s'oppose en cela fondamentalement au principe de toute
religion, comme ensemble de croyances et de pratiques institutionnalisées relatives à un domaine sacré
(distingué du profane), liant en une même communauté morale tous ceux qui y adhèrent, et exprimant les
modalités strictes du rapport des hommes aux dieux ou a Dieu.
Tandis que la religion fonde son discours sur la
foi individuelle et collective, la philosophie prône au contraire la fin des croyances au profit de la raison
humaine.
Ce sont alors deux conceptions radicalement distinctes du monde et de l'homme qui se confrontent.
Cette faculté rationnelle peut-elle, à terme, remplacer la croyance humaine persistante ?
Le savoir s'accomplit-il en supprimant la croyance ?
Raison et foi ne sont-elles pas, par nature, opposées ?
I.
Un mystère dévoilé par la raison ?
Nous l'avons compris, l'ordre religieux s'appuie sur le mystère inhérent de la foi en Dieu (ou dieux de la
mythologie) qu'il faut accepter comme tel.
Les préceptes religieux proposent certes une vision explicative de la
création, mais celle-ci est fondée elle-même sur les mythes ou les textes sacrés faisant office de fondements
absolus.
En Grèce antique, c'est justement et précisément d'un refus de ce modèle « cosmogonique » (théorie
mythique sur l'origine et la formation du monde) que débute la philosophie.
Refus du dogme qui conduit à
chercher, selon les facultés réflexives propres à l'homme (et non selon les coutumes et croyances reçues), les
raisons et principes qui gouvernent le monde sensible.
Au modèle « cosmogonique » (du grec « kosmos » :
« ordre » et « gonos » : « action d'engendrer, génération, procréation ») se substituera philosophiquement un
modèle « cosmologique » (remarquons le terme « logique »), c'est-à-dire une théorie fondée sur une
observation et un discours rationnel, mathématique (le logos) du monde.
Cette conquête du logos sur le
mythos, nous la devons aux penseurs « présocratiques » (ce sont les premiers philosophes avant Socrate !)
isolés (Héraclite, Empédocle, Anaxagore) ou répartis en cinq écoles (Millet, Pythagore, Élée, Abder, sophistes).
Ils recherchent tous, indépendamment du mythe établi, le principe (« arché ») premier de l'univers, son origine
(« l'élément fondateur de l'explication causale », au sens aristotélicien).
C'est l'acte de naissance de la
philosophie elle-même puisque, par l'interrogation personnelle, cette recherche se conclue par un dépassement
du mythe vers la science et la sagesse rationnelle.
Le savoir ainsi conçu repose sur le primat du logos (qui est
à la fois le discours intelligible de la nature et cette faculté humaine de compréhension de ce discours) contre
le mythos, remplacement de l'explication mythique fabulante par le questionnement ordonné de la raison
humaine.
Cette façon de s'interroger est l'avènement même de la raison humaine, au sens ou nous le
comprenons aujourd'hui.
Cependant, si cette rationalité naissante tend à s'imposer contre le mythe dans la Grèce antique, n'oublions
pas qu'elle ne remplace aucunement le dogme religieux au regard de notre actualité.
Elle est certes active pour
commenter, étudier par elle-même (ontologie, théologie, métaphysique...), critiquer ou faire sien tout discours
religieux (islamique, judéo-chrétien, Hindouiste, bouddhiste...), mais elle ne remplace ni ne supprime
aucunement le culte religieux et ses croyants.
Le savoir tant attendu, par ses instigateurs Grecs, ne semble
pas en mesure de proposer une vérité dévoilante, une vérité mettant fin au mystère, fondement de la foi.
La
science, se déclinant toujours plus en sciences particulières, peut moins que jamais répondre à la question de
l'existence de Dieu.
Ce constat amène à s'interroger sur la nature même des deux discours, rationnel et
religieux : ne sont-ils pas hétérogènes au point d'être indépendants l'un de l'autre ?
II.
Deux fondements irremplaçables ?
Tout porte à penser que la raison humaine et la foi ont quelque chose de commun lorsque l'on considère le
nombre de philosophes qui s'intéressèrent de près au discours religieux.
Combien furent également, de leurs
aveux même, pratiquants d'un culte religieux déterminé.
Nous nous souvenons de Descartes et Pascal qui, bien
qu'ébranlant le culte établi, appelaient de leurs voeux la commune foi en Dieu.
Mais l'interpénétration des deux
discours ne va pas de soi si l'on considère deux aspects.
Le premier est que le Dieu des religions n'est pas identique.
En outre celui des philosophes est encore différent
puisqu'il est assujetti à une interrogation et réflexion personnelle sur l'existence de Dieu et ce qui en découle
en termes de règles.
La foi du philosophe est-elle rationnelle pour autant ?.
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