La raison peut-elle éliminer l'irrationnel ?
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«
Introduction
Depuis les Egyptiens qui vénérait le Nil pour ses crues la connaissance a indéniablement progressé et avec elle la
raison.
Nous sommes parvenu à rendre raison de ces crues et de nombreux autres phénomènes.
Devant la
progression des connaissances et l'élimination d'un tas de phénomènes qui semblaient magiques ou mystérieux on
est en droit de se poser une question, pourquoi ne parviendrions nous pas à rendre raison de tout ? En d'autres
termes, la raison ne peut-elle éliminer l'irrationnel ?
Cette question et notre exemple tendent à faire penser qu'il existe un combat entre la raison et l'irrationnel qui ne
peut se solder que par l'élimination de l'un des protagonistes.
C'est à ce présupposé que nous attaquerons en
définissant la raison et l'irrationnel.
Nous montrerons pour notre part que si l'on considère l'irrationnel dans un sens
plein la raison n'a aucun motif, et aucun moyen, de l'éliminer, c'est à dire de tenter de le rendre rationnel.
Nous
montrerons même que le contraire conduirait à des illusions et à un mauvais usage de la raison.
Pour ce faire, nous étayerons notre réflexion en éclaircissant tout d'abord les liens entre l'irrationnel et la raison pour
voir ensuite que si l'irrationnel peut être considéré comme une borne du rationnel il pourra enfin en constituer la
limite.
1.
Quel lien existe-t-il entre la raison et l'irrationnel ?
Les mathématiques sont, de l'avis commun, une activité rationnelle, étudions les donc afin de savoir ce qu'est une
démarche rationnelle.
La démonstration mathématique procède par déduction, ou par induction, c'est à dire par
enchaînement de vérités afin de parvenir à en prouver une autre.
Cet exposé de la démarche mathématique est
peut-être trivial mais il permet de comprendre ce en quoi consiste le fait de « rendre raison » d'un théorème par
exemple.
C'est expliquer ce théorème et, dans le cas des mathématique, en démontrer la raison, la cause.
On peut
ainsi, à l'aide du théorème de Pythagore et de données concernant un triangle, démontrer qu'il est rectangle.
De
même on peut, à l'aide d'autres vérités, démontrer le théorème de Pythagore lui-même.
Par conséquent, si l'on reprend cet exposé rapide, on peut voir qu'une démarche rationnelle consiste à mettre en jeu
un « raisonnement », c'est à dire un enchaînement de vérités selon des règles, notamment logiques, afin de pouvoir
« rendre raison » de la vérité que l'on aura établie.
Dès lors la raison peut, dans un premier temps au moins et de
manière minimale, être définie comme la faculté de raisonner et de rendre raison ou la faculté de discerner le vrai du
faux.
On remarquera tout de même que nous avons ici établi une distinction entre la raison et le rationnel.
La raison est
une faculté qui s'applique dans un champs, le rationnel.
C'est à ce titre que le rationnel peut être défini, ici aussi de
manière liminaire, comme le champs contenant ce dont on peut rendre raison ou ce qui est logique (c'est à dire
conforme aux règles de la déduction).
Par conséquent, on comprend aussi que l'irrationnel, s'il est un contraire (ce
que semblerait indiquer le préfixe privatif « ir », n'est pas le contraire de la raison mais celui du rationnel.
Certes
étymologiquement il signifie littéralement « ce qui est dépourvu de raison » (le terme grec alogos étant composé du
terme logos signifiant raison et du préfixe privatif « a ») mais en fait l'irrationnel est un domaine au même titre que le
rationnel.
Cette dernière thèse est illustrée, dans la Critique de la raison pure, par la métaphore de « l'île de la
raison » que Kant emploie afin d'établir une cartographie de notre connaissance.
Cette île, qui offre un fondement
solide à l'élévation de la science est en effet entouré d'eaux troubles et tumultueuses, l'irrationnel.
Tout l'enjeu de
notre réflexion est donc de savoir si la raison peut « coloniser », parcourir et dompter, ces eaux.
2.
L'irrationnel borne-t-il le rationnel....
Comme nous le précisions en introduction, la connaissance rationnelle progresse indéniablement.
Pourquoi, après
tout, ne finirait-elle pas par effacer toute trace de l'irrationnel ?Dans le Discours de la méthode, Descartes
remarque que la connaissance qu'il a accumulé jusqu'ici est mal jointe et contradictoire.
Il décide donc de la
remettre en question afin de lui offrir un fondement mieux assuré et de pouvoir se prévaloir d'une connaissance
certaine.
On remarquera que la méthode choisie par Descartes est, par analogie, une méthode mathématique ce qui
tend à lui conférer un degré certain de rationalité.
De plus, Descartes l'affirme, au sortir de l'application de sa
méthode il bénéficie non seulement d'une connaissance mieux assurée mais aussi de nouvelles connaissances.
Par
conséquent, l'exemple de Descartes nous apprend que la connaissance progresse au moyen de révolutions
méthodologiques (cette expression ne peut d'ailleurs que nous ramener à Kant qui cite Copernic et la création de
l'héliocentrisme comme exemples de révolutions intellectuelles fécondes).
Surtout, on ne voit pas de fin à
l'entreprise cartésienne.
Pourquoi Descartes ne pourrait-il pas, en subdivisant les points difficiles en points plus
simples, en progressant méthodiquement, parvenir à une connaissance parfaite ? Après tout il ambitionne même,
dans les Méditation métaphysiques, de prouver l'existence divine et d'en faire donc une connaissance et non plus
une supposition.
La voie ouverte par Descartes est donc tentante, ne pourrait-on rendre raison de tout en
corrigeant nos erreurs méthodologiques ?
A cette question, Auguste Comte répond par l'affirmative dans son Cours de philosophie positive notamment.
Pour
Comte la rationalité s'exprime sous la forme de la science.
En effet, il est tentant d'assimiler la rationalité à l'activité
scientifique car l'enchaînement des vérités opéré par la raison trouve une expression naturelle dans l'entreprise
scientifique de systématisation.
Comte établit que cette rationalité se développe dans le temps selon trois âge, l'âge
théologique, l'âge métaphysique puis enfin l'âge positif.
A l'âge positif, le plus avancé, toute la connaissance est
systématique.
Grâce à des révolutions méthodologiques chaque science est aboutie et les illusions sont.
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