La raison est-elle productrice d'illusions ?
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«
Introduction
Les termes du sujet sont conceptualisés, en vue de les problématiser, comme ceci : la raison est la faculté de juger,
de distinguer le vrai et le bon.
Les principes de la raison sont le principe d'identité et le principe de causalité.
User
de la raison, c'est donc relier entre elles les données sensibles ou les idées pour affirmer ou nier.
Le terme garantie
peut s'entendre en deux sens, soit prémunir contre pour que l'on évite, soit empêcher qu'on reste victime de ce
qu'on ne peut pas éviter.
L'illusion est étymologiquement le fait d'être joué, trompé.
Il faut distinguer l'illusion de
l'erreur ; tandis que cette dernière peut être supprimée et remplacée par un jugement vrai, l'illusion persiste et
demeure comme le montrent les illusions des sens ; mais il y a aussi des illusions attachées à l'usage de la raison.
Le sujet sera traité en trois questions : L'homme peut t'il se libérer de l'illusion ? Dans quelle mesure et à quelles
conditions est-ce possible ? Quel est le rôle de la raison ?
Pour savoir si l'homme à la possibilité de se libérer de l'illusion, il faut d'abord faire la distinction entre illusion et
erreur.
En effet, l'erreur doit être soigneusement distinguée de la faute, qui engage plus nettement notre responsabilité que
de l'illusion, qui elle n'est pas vaincue par le savoir.
L'erreur procède toujours de notre jugement : elle résulte, selon
Descartes, d'un décalage permanent entre notre volonté, qui est infinie, et notre entendement, qui ne l'est pas.
Nous nous trompons parce que nous outrepassons nos possibilités intellectuelles, par étourderie ou par vanité :
l'erreur n'est donc qu'une privation de connaissance.
L'épistémologie contemporaine, au contraire, donne à l'erreur
un tout autre statut, plus positif.
Bachelard, notamment, montre que les vérités scientifiques ne sont jamais que
provisoires, qu'elles doivent constamment être remaniées et corrigées.
La connaissance scientifique ne peut pas
faire l'économie de l'erreur.
L'illusion, cependant, se distingue de l'erreur.
Descartes, par exemple, dans les Méditations, montre comment c'est
par abus de langage que nous disons que les sens nous trompent.
L'erreur est le résultat d'un jugement, c'est à dire
d'une activité de l'esprit.
Or les sens sont passifs et fournissent des informations qui, en elles-mêmes, ne sont ni
vraies ni fausses.
Si donc nous nous trompons, c'est que nous conduisons mal notre jugement.
Un bâton plongé
dans l'eau paraît effectivement brisé, mais si nous jugeons qu'il l'est, nous ne sommes victimes d'une illusion, mais
responsable de notre erreur.
L'illusion peut bien, si nous n'y prenons garde, induire en erreur, mais elle n'est pas en
elle-même une erreur.
D'ailleurs l'erreur, une fois rectifiée, disparaît, tandis que l'illusion, au contraire, persiste.
L'illusion peut être expliquée, mais non dissipée.
C'est que les « illusions » des sens sont bien réelles, et obéissent à
des lois d'organisation du champ perceptif tout aussi régulières que celles qui régissent notre perception dite «
normale ».
La perception dans son ensemble, et sans en exclure les « illusions », constitue un premier niveau de
connaissance qui peut être compris à partir de la science, mais non dépassé.
Simplement la science oblige à un
décentrement, à l'abandon du point de vue subjectif que nous occupons.
La perception, quant à elle, nous
renseigne davantage sur le sujet qui perçoit que sur l'objet perçu.
Comme l'étymologie du mot le suggère (illusion vient du latin « illudere », qui signifie « tromper », « se jouer de »),
l'illusion est une tromperie, c'est-à-dire à la fois une erreur et une mystification.
Dans l'illusion, nous serions victimes
d'une puissance trompeuse impossible à vaincre, contrairement à l'erreur dont nous serions responsables et que
nous pourrions corriger.
Si tel était le cas, l'illusion compromettrait gravement toute recherche de vérité et rendrait
vaine toute prétention au savoir.
C'est d'ailleurs ce qu'affirme le scepticisme, qui voit dans l'illusion, notamment dans
l'illusion des sens, la justification de sa théorie.
L'illusion est en tout cas une forme d'épreuve pour la philosophie,
une question qu'elle ne peut éluder, dans la mesure ou elle se définit comme quête et amour de la vérité.
Seule
l'illusion des sens peut être vaincue, l'illusion propre au désir ne disparaît jamais totalement.
Ce qui caractérise l'illusion, et la distingue de la simple erreur, est la part de désir qu'elle contient, ou le besoin
qu'elle cherche à satisfaire, lorsqu'elle nous fait prendre « nos désirs pour la réalité ».
Selon Nietzsche, par exemple,
l'illusion remplit une fonction, celle de protéger du désespoir ou du vide de l'existence.
Renversant la perspective de
Platon, qui, dans La République, condamne l'art comme copie du réel, comme simple apparence mensongère et
illusoire, Nietzsche, au contraire, voit dans l'art une illusion vitale.
Freud, à son tour, dans L'Avenir d'une illusion,
qualifie la religion d'illusion, non pas parce qu'elle serait fausse, mais par la part de désir qu'elle contient : désir de
retrouver l'image protectrice et rassurante d'un père tout-puissant.
On le voit, dans l'illusion, si nous sommes
victimes, c'est d'un piège que nous avons bâti ou d'un désir non reconnu.
La tache de la philosophie, par rapport à
l'illusion, est alors une tache essentiellement critique.
Non pas qu'il faille condamner l'illusion, ou la détruire, ce qui
pas forcément souhaitable, ni possible, mais la philosophie doit en produire l'analyse et faire la part de ce qui, dans
nos jugements ou représentations, relève de nos désirs et de ce qui relève de la réalité, dans un souci de lucidité et
de vérité.
Pour Pascal, pour se débarrasser de l'illusion qu'est le divertissement, qui nous empêche de penser à notre condition.
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