La quête du bonheur peut-elle servir de principe législatif ?
Extrait du document
«
Introduction :
Chaque homme semble rechercher son bonheur, c'est-à-dire un état durable de plénitude, de joie, sans
peine.
En ce sens, cette quête du bonheur comme but de tous les hommes semblent être la chose la plus commune
au genre humain.
Or, l'homme vit en société, il est comme le définit Aristote un « animal politique ».
La politique est
l'art de gouverner la cité des hommes, et a pour fonction de produire un droit positif développant des lois, c'est-àdire un ensemble législatif cohérent.
Dans ce cas, si les hommes se regroupent dans une société, il faut bien qu'ils y
trouvent un certain intérêt et puisque le bonheur est la préoccupation de tous les hommes, il semble possible que
voir dans la quête du bonheur un principe législatif.
Cela signifie que la loi, donc l'ensemble juridique du droit, aura
pour tâche de promouvoir le bonheur de ses citoyens.
Le but de l'Etat sera donc d'amener le peuple au bonheur et il
le fera en promulguant des lois en ce sens.
Cependant, n'est-on pas manifestement là face à un ensemble de contradictions ? En effet, le bonheur est
individuel et peut rentrer en conflit avec le bonheur d'autrui, or comment l'Etat pourrait-il légiférer sur du singulier et
cela d'autant plus qu'il ne peut pas connaître la définition personnelle qu'a chacun de son propre bonheur, et cela
d'autant plus qu'une telle définition est souvent inconnue aux individus.
Dans ce cas, faire de la quête du bonheur
un principe législatif n'est-ce pas aussi risquer le despotisme dans la mesure où le législateur imposera par la loi une
norme du bonheur ?
Dès lors, on remarque que derrière la question « la quête du bonheur peut-elle servir de principe législatif ?
», c'est le rôle de l'Etat, de sa fonction et de son but, relativement aux individus, qui est en jeu.
Et c'est en ce
sens que nous allons interroger le sujet suivant ce mode de questionnement.
En effet, dans la mesure où les
hommes se retrouvent en société, on peut supposer qu'en raison de l'aspiration de tous au bonheur, l'Etat est pour
principe législatif cette recherche de bonheur (1 ère partie).
Néanmoins, ne serait-ce pas méconnaître l'essence et le
but de l'Etat (2nd partie).
Dans ce cas, il nous appartiendra aussi de définir positivement ce rôle (3ème partie).
I – La quête du bonheur comme principe législatif
a) Aristote dans l'Ethique à Nicomaque (I, 5) montre que le bonheur consiste
dans un état de satisfaction, qui est la fin naturelle et ultime de l'homme.
Or
être heureux c'est réaliser son humanité pleine et entière.
Le bonheur dépend
de la vertu éthique et elle est donc liée à l'action politique.
Et ce n'est que
dans la cité, dans la vie en commun, que les hommes peuvent atteindre cet
état d'épanouissement qu'Aristote appelle du nom commun de « bonheur »
(eudaimonia).
Le bonheur vient aux citoyens par l'exercice d'une vertu
spéciale, la vertu politique.
Et cela ne peut que se réaliser dans la vie en
commun des citoyens fondamentalement égaux dans le cadre des institutions
politiques.
b) Et c'est en ce sens qu'Aristote en Politique I, 2 définit l'homme comme un
« animal politique » car l'homme ne peut s'épanouir que dans la cité qui lui
permet de rechercher son bonheur.
En tant que l'homme vit en société et qu'il
recherche le bonheur, la cité si elle doit développer les potentialités de ses
membres devra donc avoir comme principe législatif celui de la quête du
bonheur.
C'est donc dans ce cadre que prend toute son importance le rôle de
l'éthique chez Aristote car il s'agit pour lui de former des législateurs qui
tiendront entre leurs mains les clefs de la vertu, et donc du bonheur, publics.
c) Autrement dit, cela signifie que la société a pour but l'avantage commun.
Et c'est bien ce que montre Aristote en Politique (III, 6).
En effet, la
question de la sociabilité, du lien social est bien celui le problème de la
cohésion politique.
C'est pourquoi une question fondamentale est celle de la constitution politique dans la mesure où
c'est elle qui détermine la manière de vivre des citoyens : elle est le premier objet des soins du politique et elle
devra varier selon les personnes.
En ce sens, il n'y aura pas un Etat idéal mais à chaque société correspondra une
constitution particulière selon les aspirations au bonheur de ces citoyens.
Et c'est bien cette question de l'avantage
commun qui est constitutif du principe législatif au sein d'un Etat que reprendra le courant utilitariste comme on
peut le voir à travers Bentham dans ses Fragments sur le gouvernement : « Le bonheur le plus grand pour le
grand nombre doit fonder les mœurs et les lois.
»
Transition :
La quête du bonheur peut donc être considéré comme un principe législatif dans la mesure où le lien social entre les
individus doit être avantageux et donc leur être utile afin de se réaliser pleinement.
La cité a donc pour but de
promouvoir le bonheur de ses citoyens.
Cependant, n'est-ce pas méconnaître la nature de l'Etat ? N'est-ce pas non
plus laisser la porte ouverte au despotisme ou à la tyrannie ?
II – Bonheur, despotisme et Etat (risque & exclusion conceptuelle).
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Un savant, invité à préciser l'influence que lui semblait pouvoir exercer sur le bonheur de l'humanité le progrès scientifique, formulait la réponse suivante : « La science est aveugle elle est capable de servir tous les maîtres et de répondre à tous les
- La quête du bonheur constitue-t-elle un esclavage ?
- La morale se réduit-elle à la quête du bonheur ?
- Expliquez et discutez cette formule de Gide : « Envier le bonheur d'autrui c'est folie; on ne saurait pas s'en servir. Le bonheur ne se veut pas tout fait mais sur mesure. » ?
- Texte de Hobbes : Explication de texte - Thèmes : le désir, le bonheur , la définition du bonheur