La quête de la beauté est-elle la seule fin de l'art ?
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Introduction
Dans leurs contrastes, les deux tableaux les plus célèbres du monde, la Joconde et Guernica, témoignent de l'opposition
de deux esthétiques : au sourire énigmatique du premier, expression souveraine de l'intelligence, s'oppose la beauté «
convulsive » du second qui casse définitivement les reins à l'idéalisation, et fait place à tous les mythes mortifères de la
modernité.
Il nous apparaît aujourd'hui qu'une beauté qui n'aurait pas « quelque chose de sauvage, de brut, de frappant
et d'énorme » (Diderot) trahirait la réalité du réel, la douleur et la mort et ferait de l'art une dérisoire évasion.
« Le beau
est le commencement du terrible » (Rilke).
Mais cette « Terribilità » comme disait Vasari parlant des sculptures de MichelAnge, n'est-elle pas ce que l'art a justement cherché d'abord à domestiquer dans sa quête de la beauté ?
I - Le beau est la vérité du sublime
LE SUBLIME CHEZ KANT
Kant distingue deux sortes de jugement en matière de goût: l'un portant sur le
BEAU et l'autre sur le SUBLIME.
Kant oppose le sublime au beau comme l'infini au
fini.
Est dit sublime ce en comparaison de quoi tout le este nous apparaît comme
petit et
insignifiant.
On peut citer pour exemple l'océan déchaîné ou la
majestueuse et inaccessible montagne.
Avec le sublime, nos facultés de
connaissance (sensibilité et entendement) sont dépassées et comme anéanties.
Mais c'est précisément cet anéantissement, cet écrasement de nous-même à la
limite du déplaisir qui nous exalte.
a) C'est sa victoire sur le Minotaure qui fit de Thésée le premier roi d'Athènes.
L'art,
dans sa quête de la beauté, exprime le même triomphe ; il n'est devenu « art »
qu'en « sortant » de la religion archaïque.
b) C'est avec la statuaire grecque que s'est accomplie cette unité de la vie intérieure
et de la forme extérieure que l'on appelle la beauté.
Les monuments énigmatiques
de l'ancienne Égypte restent, en comparaison, marqués par une inadéquation entre
la forme et le fond qui est le propre du symbole équivoque ; ils sont sublimes, non
encore beaux.
Pour Kant, le jugement sur le sublime nous rattache à l'infinité de la raison et à la
supériorité de notre destination morale.
Le jugement « cela est sublime » diffère du
jugement sur le beau en ce qu'ici l'objet, par l'infinité de sa grandeur (une pyramide par exemple) ou de sa puissance (une
tempête), sublime mathématique et sublime dynamique, se réfléchit dans notre faculté de juger en entraînant un
sentiment quasi simultané de peine et de plaisir.
Peine parce que, à la différence de ce qui se passe dans le jugement sur
le beau, l'imagination est ici forcée d'éprouver ses limites.
Plaisir parce que cette même infinité semble une présentation
d'une Idée de la raison, présentation qui nous rappelle, comme une fulgurance, notre destination morale, notre
appartenance simultanée au monde nouménal de la raison théorique et de la raison pratique, qui veut saisir l'infinité de la
nature comme un tout ou l'absoluité du devoir, capable de dominer les intérêts et les plaisirs.
c) « L'inventeur de la peinture doit être ce narcisse qui fut transformé en fleur » écrit Alberti pour qui la pulsion picturale
s'accomplit aussi dans la figuration de la forme humaine dans laquelle se réalise l'idéal du beau puisqu'en chaque point du
corps humain la vie intérieure de l'esprit y palpite et se manifeste comme la pulsation du sang sous la peau.
Dès qu'il y a
beauté c'est que la vérité, le Sujet ou l'homme en tant qu'il est conscience de soi commencent à se manifester.
«Il s'agit
toujours de retrouver l'homme partout où nous avons trouvé ce qui l'écrase» (Malraux ).
Mais l'art occidental après avoir connu, en sa jeunesse, le style sublime, puis le beau style de la maturité (Winkelmann)
n'était-il pas condamné à entrer en une décadence, celle qui provoquera la réaction moderniste ?
II - Le retour du tragique.
a) « Sers Dieu, abandonne les idoles » (Le Coran, sourate 16), « ne fais pas d'images sculptées » (Exode XX, 5-6).
Pendant deux siècles les byzantins connurent aussi le vertige iconoclaste.
Notre époque fascinée par les images est en
même temps celle où, pour les artistes, aucune forme n'arrive à correspondre à la vérité douloureuse à laquelle ils se
sentent appelés.
Déjà dans la Critique de la faculté de juger c'est dans l'analytique du sublime que s'opère le passage de
l'ordre de la nature à celui de la liberté.
C'est au moment où mon imagination, rabrouée par un excès de grandeur ou de
puissance, échoue à «comprendre» qu'elle connaît une exaltation dévastatrice : la négation de l'esthétique (de la
sensibilité) est le plus haut moment de l'esthétique.
b) «Pas de surface vraiment belle sans une terrifiante profondeur » (Nietzsche).
L'art, défi et déni de l'abîme est accès
apotropaïque à la vérité.
c) C'est ce choc de l'oeuvre d'art qui d'un coup nous arrache à notre monde familier que Heidegger interprète comme le
choc insolite du «il y a» (l'ekphanestaton).
L'art n'est pas d'abord forme et figure : ce qu'il fait briller ou resplendir, c'est
qu'il y a de l'étant présent.
Mais comme on le voit, on ne peut parler du beau sans utiliser le lexique du sublime..
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