La puissance de choix exclut-elle le soumission à des règles de vie pratiques et morales ?
Extrait du document
«
Introduction :
A voir le choix, pouvoir choisir « selon son cœur », est une situation que chacun appelle de ses vœux, et est, en tant qu'expression d'une liberté individuelle
et collective, un objectif de la condition humaine.
C hoisir, c'est exercer pleinement sa liberté de jugement et d'opinion.
C ette puissance, instituée dans le
libre-arbitre, peut-elle exclure une soumission à des règles, à un savoir, pour ne s'exercer qu'elle-même ? En d'autres termes, les limites du choix ne sontelles que les limites de sa puissance ? Le choix est l'expression d'une préférence, d'un intérêt, d'un goût.
Nous agissons ainsi « en conséquence », nous
choisissons « en connaissance de cause ».
Ainsi, la puissance de choix, pour ce qu'elle semble avoir d'infini, ne peut pour autant s'affranchir de
considérations pratiques et morales, car leur examen est une nécessité préalable au bon accomplissement du choix, à l'efficacité de celui-ci.
A u vu d'une
situation contraire à celle souhaitée, on estime avoir mal jugé, pas assez réfléchi, plutôt qu'avoir mal choisi.
Parce que la puissance du choix ne peut
supporter toutes les responsabilités de l'acte, elle est intimement liée à l'entendement et à la volonté, et sans se soumettre elle doit s'accorder à certains
principes.
I.
Le choix est une affirmation de la liberté
-
En toutes choses, au cours de l'histoire de l'homme, le pouvoir suprême, celui de Dieu, a laissé la place au pouvoir humain.
Il revient à
l'individu de pouvoir choisir ce qui lui semble bon et juste.
Sans pousser trop avant l'analyse psychologique, la « volonté de puissance »
nietzschéenne est une violente réaction à la perte des forces vitales, dont la puissance de choix notamment (Par-delà Bien et Mal).
-
A première vue, la puissance de choix ne supporte pas de contraintes.
Opération intellectuelle garante de la liberté, elle s'exerce sans
retenue.
Ainsi cette puissance semble s'opposer à la situation où nous devons faire quelque chose, où sans pouvoir choisir nous sommes
contraints à l'action.
-
Si la puissance du choix s'oppose traditionnellement à la contrainte du devoir, il faut constater que le libre-arbitre est aussi une illusion, celle
de pouvoir choisir en toutes circonstances.
Pour ne pas s'enfermer dans une dualité choix/devoir stérile, où les deux termes s'excluent, il faut
examiner plus profondément leurs rapports.
II.
Le choix s'exerce selon un état particulier des choses
-
Le dilemme du prisonnier est une situation stratégique formulée pour deux individus, dans laquelle chacun a intérêt, quelle que soit la conduite
d'autrui, à s'abstenir d'une conduite qui conduit pourtant à un résultat meilleur pour chacun lorsqu'elle est adoptée par chacun.
Ce type de
situation montre combien il faut disposer d'un certain savoir pour bien décider de son choix (dans ce dilemme, chaque individu ignore la conduite
de l'autre).
-
Le choix, parce qu'il s'effectue selon l'intérêt, nécessite un savoir préalable pour bien s'appliquer.
Chez Kant, la puissance de choix peut
garantir un bien et être juste si elle est accordée à l'impératif catégorique : « Agis selon des maximes qui puissent en même temps se prendre
elles-mêmes pour objet comme lois universelles de la nature.
» ( Fondements de la métaphysique des mœurs).
Il doit donc y avoir un impératif moral
préalable à tout choix.
Le devoir est une loi de la raison.
«Agis de telle sorte que tu traites l'humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre
toujours en même temps comme une fin et jamais simplement comme un moyen.» Kant, Fondements de la
métaphysique des moeurs (1785).
• L'impératif catégorique de Kant est distinct du commandement christique quant à son fondement.
En effet le
commandement d'amour du Christ vient de l'extérieur et est fondé sur un commandement antérieur qui prescrit
l'obéissance inconditionnelle au C hrist.
L'impératif kantien vient, lui, de la raison.
C'est en nous-mêmes que
nous le trouvons, comme une structure de notre propre esprit, qui fonde notre moralité.
• Que ce soit un «impératif» ne signifie pas que nous soyons contraints à nous y plier, mais il est en nous
comme une règle selon laquelle nous pouvons mesurer si nos actions sont morales ou non (d'où la «mauvaise
conscience»).
• I l se distingue aussi par s a portée.
En effet, traiter les autres «comme une fin» ne signifie pas
nécessairement les «aimer».
C 'est à la fois moins exigeant, car il s'agit «seulement» de les respecter, en
reconnaissant en eux la dignité humaine.
Mais c'est aussi plus exigeant, car il faut maintenir le respect même
quand on n'aime pas! C 'est là que le «devoir» est ressenti comme tel.
-
Les conditions de vie pratique et les règles morales donnent au choix une situation sur laquelle il va
s'appuyer.
Les choix de la vie quotidienne sont dictés par l'urgence, la nécessité, l'habitude.
Sa puissance est
donc soumise à plusieurs paramètres.
Ceux-ci ne s'opposent pas à cette puissance, mais la canalisent et la
justifient.
C 'est dans l'accord du choix avec le jugement que la puissance est exprimée et justifiée.
III.
Le choix doit s'accorder au principe moral et aux nécessités de la vie pratique
-
La puissance de choix n'est pas exclusive, car elle se fonde sur un accord de principes.
D'une part, un principe moral « théorique », d'autre
part un principe d'action « pratique ».
Si l'individu accorde ces principes pour guider son choix, il ne se soumet pas à une contrainte, puisqu'il fait
lui-même l'accord.
C et accord est donné, en d'autres termes, par Descartes dans son Discours de la Méthode : il faut s'accorder moralement aux
choses que nous devons faire, et il faut garantir son choix par une méthode rigoureuse.
-
Le choix fait partie d'un processus d'action tripartite : délibération, décision, accomplissement.
Le choix est essentiellement la décision, où
une fois que l'on a délibéré sur la situation, on choisit l'accomplissement.
Le choix est donc intimement lié à la délibération et à
l'accomplissement, et c'est une visée morale et pratique qui unit le processus.
-
La puissance de choix exclut une soumission à des règles autres que les siennes, mais surtout elle s'exprime correctement lorsqu'elle
s'accorde aux conclusions d'un jugement pratique et à un principe moral.
Elle se nourrit de l'accord parfait des différentes facultés de l'esprit
réunies pour mener à bien une action.
Conclusion :
La puissance de choix est l'exercice de la liberté, à ce titre elle ne peut se soumettre aveuglément.
Il est nécessaire de détenir un savoir préalable et une règle morale pour bien exercer son choix.
Pour éviter une opposition entre le choix et le devoir, absolument opposés par un excès de liberté et par un excès de contrainte, il faut
constater que la puissance de choix s'établit et s'effectue dans un accord avec des règles de vie pratique et un principe moral..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Nietzsche: La volonté de puissance comme essence de la vie
- Bergson: La conscience est mémoire, puissance de choix et liberté
- Les règles morales doivent-elles être interprétées comme des règles de conduite (« fais » ceci ou « ne fais pas » cela) ou comme des règles de caractère (« sois » ceci ou « ne sois pas » cela) ?
- Qu'est-ce qui fonde véritablement mes règles morales ?
- Nietzsche: La volonté de puissance comme essence de la vie