« La psychologie, écrit Ribot, sera purement expérimentale : elle n'aura pour objet que les phénomènes, leurs lois, leurs causes immédiates; elle ne s'occupera ni de l'âme, ni de son essence, car cette question, étant au-dessus de l'expérience et en deho
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INTRO. — Le Dictionnaire de l'Académie de 1935 se contente encore de la définition qu'on lit dans l'édition de 1835 : « Psychologie : Partie de la philosophie qui traite de l'âme, de ses facultés et de ses opérations ». Or, dès 1870, dans son introduction à La psychologie anglaise contemporaine, après avoir consacré quelques pages à l'origine et à l'évolution de cette discipline, Théodule Ribot écrivait : « la psychologie dont il s'agit ici sera donc purement expérimentale... », Pour bien apprécier la conception de ce grand théoricien français de la psychologie, il est indispensable de la préciser, et pour cela il convient de rappeler brièvement en quoi consistait la psychologie pour la génération précédente. I. — LA PSYCHOLOGIE AVANT RIBOT Si nous prenons ce mot dans les diverses acceptions qu'il a aujourd'hui, nous devrons distinguer deux formes générales de psychologie. C'est la psychologie pratique qui, dans le langage courant, fait qualifier quelqu'un de psychologue. La psychologie ainsi comprise est moins un savoir qu'un don particulier de pénétrer par intuition les sentiments et les intentions des autres comme aussi les replis ténébreux de sa conscience. Dans le domaine des lettres, elle fut représentée par nos principaux écrivains de l'époque classique, mais spécialement par les moralistes comme LA BRUYÈRE et LA ROCHEFOUCAULD. Leurs oeuvres relèvent de la littérature plus que des sciences ou de la philosophie.
«
« La psychologie, écrit Ribot, sera purement expérimentale : elle n'aura pour objet que les phénomènes,
leurs lois, leurs causes immédiates; elle ne s'occupera ni de l'âme, ni de son essence, car cette question,
étant au-dessus de l'expérience et en dehors de la vérification, appartient à la métaphysique.
» Que
pensez-vous de cette conception de la psychologie ?
INTRO.
— Le Dictionnaire de l'Académie de 1935 se contente encore de la définition qu'on lit dans l'édition de 1835 :
« Psychologie : Partie de la philosophie qui traite de l'âme, de ses facultés et de ses opérations ».
Or, dès 1870,
dans son introduction à La psychologie anglaise contemporaine, après avoir consacré quelques pages à l'origine et à
l'évolution de cette discipline, Théodule Ribot écrivait : « la psychologie dont il s'agit ici sera donc purement
expérimentale...
», Pour bien apprécier la conception de ce grand théoricien français de la psychologie, il est
indispensable de la préciser, et pour cela il convient de rappeler brièvement en quoi consistait la psychologie pour la
génération précédente.
I.
— LA PSYCHOLOGIE AVANT RIBOT
Si nous prenons ce mot dans les diverses acceptions qu'il a aujourd'hui, nous devrons distinguer deux formes
générales de psychologie.
C'est la psychologie pratique qui, dans le langage courant, fait qualifier quelqu'un de psychologue.
La psychologie
ainsi comprise est moins un savoir qu'un don particulier de pénétrer par intuition les sentiments et les intentions des
autres comme aussi les replis ténébreux de sa conscience.
Dans le domaine des lettres, elle fut représentée par nos
principaux écrivains de l'époque classique, mais spécialement par les moralistes comme LA BRUYÈRE et LA
ROCHEFOUCAULD.
Leurs oeuvres relèvent de la littérature plus que des sciences ou de la philosophie.
Toutefois, il est bien évident que le terme de « psychologie » a été créé pour désigner, non la psychologie que nous
avons qualifiée de « pratique », mais la psychologie théorique ou technique des spécialistes de cette discipline, celle
des professeurs et des auteurs de traités.
Pour eux, la psychologie était, jusque vers le milieu du XIXe siècle, ce
qu'indique l'étymologie du mot : « La science de l'âme.
»
A la suite du philosophe allemand Christian WOLFF, on y distinguait bien deux parties : une partie empirique,
consistant dans l'observation et l'analyse de l'activité spirituelle de l'homme; une partie rationnelle qui, à partir des
données de l'expérience, établissait la nature du principe de cette activité et de sa nature concluait son origine et
sa destinée.
Mais la psychologie empirique entrait aussi bien que la psychologie rationnelle clans le domaine du
philosophe et, par suite, était traitée avec des préoccupations philosophiques : elle « suinte la critique
métaphysique à toutes ses articulations », disait encore W.
JAMES dans son Précis (p.
622), qui date de 1892.
C'est la conception de la philosophie théorique que RIBOT entreprit de réformer.
II.
— LA PSYCHOLOGIE D'APRÈS RIBOT
Nous pouvons, dans l'exposé des points essentiels de la conception de notre auteur, suivre l'ordre même du texte
soumis à notre jugement.
1.
En premier lieu, la méthode de la psychologie nouvelle sera expérimentale.
Cet adjectif s'oppose d'abord à « rationnel ».
Sans doute le psychologue n'utilisera pas une méthode irrationnelle, ce
qui constitue une contradiction dans les termes.
Il procédera rationnellement, cherchant la raison des choses,
discutant la valeur probante des données de l'expérience, généralisant les résultats des observations, raisonnant
même pour vérifier ses hypothèses.
Mais il ne s'appuiera jamais sur le seul raisonnement comme le fait le
mathématicien et même, dans une certaine mesure, le philosophe.
Lorsque le géomètre a démontré l'égalité de deux
triangles, il n'a pas l'idée de recourir à l'expérience, c'est-à-dire à la superposition des figures ou à la mensuration
des angles : la démonstration tient par elle-même.
Le philosophe que l'observation des faits psychiques a convaincu
de la spiritualité du principe dont ils dépendent et qui conclut de là à l'immortalité, voudrait bien vérifier la vérité de
sa conclusion; mais il ne le peut; il doit se fier à son raisonnement.
La méthode de la philosophie et celle des
mathématiques est une méthode essentiellement rationnelle, c'est-à-dire qu'elle ne comporte pas de vérification
expérimentale.
Au contraire, la psychologie nouvelle sera expérimentale.
Expérimental » s'oppose aussi à « empirique », bien qu'il soit parfois employé à sa place.
Une recherche
expérimentale a le savoir pour but et procède suivant une technique rationnellement établie.
La connaissance
empirique s'acquiert au hasard et, en tout cas, indépendamment du désir de comprendre et d'expliquer.
Il n'y a pas
de méthode empirique et cet accouplement de mots constitue une contradiction dans les termes.
Sans doute, les connaissances empiriques présentent une grande valeur : elles font la richesse du commerçant qui
estime au coup d'oeil la valeur d'une bête ou la qualité d'un tissu; dans notre domaine, elles permettent les
profondes remarques d'un PASCAL sur l'homme.
Mais il leur manque certaines conditions pour accéder au niveau
scientifique : la précision, car il n'y a guère de science que du mesurable; une certitude rigoureusement contrôlée;
l'organisation en un corps de doctrine communicable aux autres.
Pour réaliser l'idéal d'une psychologie scientifique,
RIBOT préconise le recours aux moyens qui ont permis la constitution des sciences de la nature.
La psychologie d'autrefois se contentait de l'observation et des expériences que comporte toute existence humaine.
« La psychologie nouvelle, au contraire, a recours à l'expérimentation », provoquant les phénomènes pour les
observer dans les conditions les plus favorables, recourant en particulier à la méthode des variations concomitantes
qui fait apparaître si nettement les rapports de causalité.
Le psychologue expérimentera surtout en laboratoire,
comme le physiologiste; de plus, comme les faits psychiques sont fugaces et ne peuvent être mesurés, c'est
principalement sur leur concomitant physiologique que portera son expérimentation : la psychologie nouvelle est une.
»
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