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La psychologie du désir.

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Amoureux des faits d'observation bien nets, dont il est facile de suivre les contours et de discerner les éléments, le psychologue s'attarde vol cuillers à l'étude de quelques rares phénomènes qui se passent en pleine lumière, au foyer de la conscience; au contraire, de l'importante activité mentale qui reste dans la pénombre du subconscient et ne paraît au jour que par instants fugitifs, il ne traite que rapidement et, le plus souvent, pour éclairer encore un peu mieux quelqu'un de ces autres phénomènes déjà clair par lui-même. Ainsi, l'étude de l'acte volontaire occupe un chapitre important de tous les traités de psychologie; au contraire, on y rencontre fout juste quelques réflexions sur le désir; et le plus souvent pour préciser, par opposition, les caractères essentiels de l'acte volontaire. Et cependant, pour .une action délibérée, quelle masse de désirs a passé par notre âme ! Une volition est-elle autre chose que l'aboutissement d'un désir privilégié entre mille? Aussi, allant à rencontre de notre tendance naturelle à nous cantonner à la partie claire de notre vie intérieure, nous tâcherons de poursuivre le désir jusque dans ses mystérieux retranchements, cherchant à préciser sa nature; à déterminer ses causes, à le suivre enfin jusqu'à ce qu'il soit satisfait ou qu'il meure.

 

« Amoureux des faits d'observation bien nets, dont il est facile de suivre les contours et de discerner les éléments, le psychologue s'attarde vol cuillers à l'étude de quelques rares phénomènes qui se passent en pleine lumière, au foyer de la conscience; au contraire, de l'importante activité mentale qui reste dans la pénombre du subconscient et ne paraît au jour que par instants fugitifs, il ne traite que rapidement et, le plus souvent, pour éclairer encore un peu mieux quelqu'un de ces autres phénomènes déjà clair par lui-même.

Ainsi, l'étude de l'acte volontaire occupe un chapitre important de tous les traités de psychologie; au contraire, on y rencontre fout juste quelques réflexions sur le désir; et le plus souvent pour préciser, par opposition, les caractères essentiels de l'acte volontaire.

Et cependant, pour .une action délibérée, quelle masse de désirs a passé par notre âme ! Une volition est-elle autre chose que l'aboutissement d'un désir privilégié entre mille? Aussi, allant à rencontre de notre tendance naturelle à nous cantonner à la partie claire de notre vie intérieure, nous tâcherons de poursuivre le désir jusque dans ses mystérieux retranchements, cherchant à préciser sa nature; à déterminer ses causes, à le suivre enfin jusqu'à ce qu'il soit satisfait ou qu'il meure. *** Si nous allons à la racine du désir, nous trouvons la tendance puissance et besoin d'action essentiel à l'être vivant dont elle manifeste le vouloir-vivre.

Ce vouloir-vivre est antérieur à la conscience, et la tendance à agir précède la connaissance de l'intérêt ou du plaisir que procure faction.

Mais l'expérience des états affectifs qui résultent de la satisfaction des tendances entraîne de profondes transformations dans le psychisme naissant de l'être vivant : au lieu de tendre aveuglément et automatiquement vers certains objets, il peut se les représenter, organiser méthodiquement son action pour les atteindre, mettre en jeu toutes ses forces pour surmonter les obstacles qui l'en séparent.

Grâce à la conscience, la tendance s'est transformée en désir. Nous pouvons donc définir le désir : la tendance à se procurer un état affectif (sensation, sentiment, émotion) déjà éprouvé. Le désir n'est qu'une tendance à se procurer un état affectif, et l'homme peut éprouver un désir très vif sans prendre effectivement aucun dés moyens aptes à le satisfaire.

Par là le désir se distingue de la volition, qui consiste dans la mise en jeu de ses forces pour atteindre le but visé : ils sont innombrables les rêveurs qui, aspirant à la fortune, à la gloire ou bien à la maîtrise de soi, attendent dans leur fauteuil que l'objet de leur désir leur tombe du ciel.

Le désir se distingue encore de la volonté par son indépendance à l'égard de la réalité et à l'égard des autres désirs eux-mêmes : je puis désirer l'impossible — le vieillard peut désirer recommencer sa vie et redevenir enfant —; je puis éprouver plusieurs désirs qui se contredisent l'un l'autre — le soldat peut rêver qu'il atteint aux sommets de l'héroïsme, sans avoir le sentiment d'un sacrifice douloureux.

La volonté est plus logique : l'homme volontaire juge ses désirs et ne s arrête qu'à ceux dont la réalisation est possible; les diverses aspirations s'organisent dans son âme, les désirs dominants annihilant peu à peu les désirs plus faibles incompatibles avec eux. Mais si le désir n'est pas la volonté, il est le ressort indispensable de l'acte volontaire.

Un homme sans désirs serait totalement aboulique, et la richesse des désirs donne de l'aisance et de la force dans l'action.

Le désir, en effet, est une tendance, c'est-à-dire, avons-nous dit, puissance et besoin d'action, bien plus, ébauche de mouvement.

En effet, lorsque la satisfaction du désir est facile et que rien ne s'y oppose, l'action se déclenche comme d'elle-même. Si la satisfaction du désir présente de trop grandes difficultés, en rester au stade du désir consiste à se représenter le désir satisfait, ce qui constitue déjà un certain mode d'activité et entraîne infailliblement quelques essais de réalisation effective : désirant dire des paroles blessantes à mon ennemi et retenu par crainte des représailles, je m'imagine le stigmatisant de quelques épithètes déshonorantes, et mes lèvres esquissent les mouvements par lesquels s'articulent ces mots vengeurs. Tendance à un état affectif, le désir est lui-même un phénomène affectif.

Phénomène complexe et presque contradictoire, fait de plaisir et de douleur : de plaisir, car il y a du plaisir à se représenter un plaisir, à songer qu'on peut le posséder, à faire effort pour l'atteindre; de douleur, car constater et sentir qu'on manque d'un plaisir est pénible.

Mais il semble bien que le désir soit surtout un plaisir et peut-être le plus agréable des plaisirs.

En effet, dans la satisfaction du désir, le plaisir ne nous est donné que par instants et comme goutte à goutte; au contraire, dans le désir lui-même, c'est de tous les instants de plaisir possible que nous jouissons à chaque instant.

Ensuite, à l'instant de la jouissance, le souvenir du vide ressenti en l'absence du plaisir est bien vague, et, par suite, il est bien difficile alors d'apprécier équitablement notre gain; au contraire, tout en désirant, nous sentons à la fois et pouvons comparer la peine de la privation et la joie de posséder.

Sans doute, lorsqu'il s'allie à la conscience de l'impossibilité de sa réalisation, le désir peut se tourner en douleur : mais, dans ce cas, c'est devant un regret que nous nous trouvons et non devant un désir. La jouissance que l'on éprouve à désirer a donc pour cause essentielle une représentation.

Mais cette représentation n'est pas purement intellectuelle; elle subit la contagion du sentiment qu'elle provoque et se fond intimement avec lui : c'est une représentation affective, auréolée en quelque sorte d'un halo de bonheur.

Liée à toute la vie psychologique et inséparable des faits de connaissance et des faits d'activité, le désir est essentiellement un état affectif, et c'est avec raison qu'on le range parmi les faits d'affectivité. * * * L'expérience, avons-nous dit, est à l'origine du désir : on ne peut désirer un objet inconnu.

Mais il ne faudrait pas croire que le désir suppose, comme rétablissement d'une loi, une expérience méthodique et une connaissance précise.

Au contraire, c'est à des objets lointains et à demi-connus que, le plus souvent, s'attache le désir.

Cet attrait du mystère s'explique en partie par le besoin d'émotions.

Mais il semble résulter principalement de l'importante marge que le lointain et le demi-connu laissent à l'imagination, nous permettant de nous représenter mille bonheurs possibles et d'en jouir d'avance, au lieu du seul bonheur réel que pourrait nous procurer un objet parfaitement. »

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