La psychanalyse est-elle une science ?
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Thème : Se demander si un savoir disciplinaire quelconque peut, ou non, être qualifié de science suppose avant toute chose une définition de la notion même de science, et donc, corrélativement, des critères déterminant, en tant que principes de démarcation, la scientificité d’un savoir. Identifier un savoir (type particulier de connaissance constitué en discipline) procède d’une multitude de critères, à la fois internes et externes. Sur le plan externe, la question est d’abord d’ordre sociologique (une science exige l’existence d’une communauté scientifique de pairs, la reconnaissance de l’académie par l’enseignement universitaire, la constitution de revues savantes, etc.). Sur le plan plus strictement interne, la question est d’ordre théorique, elle se constitue d’une épistémologie et d’une méthodologie. C’est sur les deux dimensions internes constitutives de la scientificité d’une discipline que nous nous concentrerons. Une théorie se définit d’abord comme un savoir portant sur un domaine défini d’objets. Ce domaine est identifié et délimité, c’est-à-dire déterminé comme champ objectif d’investigation ou de recherche par la théorie elle-même.
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« La psychanalyse est-elle une science ? »
Incipit : La psychanalyse est une discipline stabilisée dans l'institution occidentale du savoir humain.
Elle a même, au cours du siècle dernier, pu prétendre
au statut de discipline pilote des connaissances portant sur le psychisme.
C'est qu'au principe de son projet et de la formulation de son programme de
recherche dans le texte fondateur de Freud (1900), il y a la prétention à s'élever au statut de science, égale alors en cela, ou plutôt concurrente de la
psychiatrie clinique.
Qu'en est-il donc aujourd'hui, plus d'un siècle après son invention : les objectifs de principe ont-ils été atteints et peut-on dire d'elle
qu'elle est une science ?
Thème : Se demander si un savoir disciplinaire quelconque peut, ou non, être qualifié de science suppose avant toute chose une définition de la notion même
de science, et donc, corrélativement, des critères déterminant, en tant que principes de démarcation, la scientificité d'un savoir.
Identifier un savoir (type
particulier de connaissance constitué en discipline) procède d'une multitude de critères, à la fois internes et externes.
Sur le plan externe, la question est
d'abord d'ordre sociologique (une science exige l'existence d'une communauté scientifique de pairs, la reconnaissance de l'académie par l'enseignement
universitaire, la constitution de revues savantes, etc.).
Sur le plan plus strictement interne, la question est d'ordre théorique, elle se constitue d'une
épistémologie et d'une méthodologie.
C 'est sur les deux dimensions internes constitutives de la scientificité d'une discipline que nous nous concentrerons.
Une théorie se définit d'abord comme un savoir portant sur un domaine défini d'objets.
C e domaine est identifié et délimité, c'est-à-dire déterminé comme
champ objectif d'investigation ou de recherche par la théorie elle-même.
Les objets relèvent toujours dans une certaine mesure de l'ordre factuel (en notant
que les faits peuvent être abstraits et non expérimentaux tout en étant à proprement parler objectifs – le cas des sciences pures (mathématiques, logique)).
Sur ce domaine défini d'objets, la théorie opère par l'imposition d'une structure rationnelle établissant leur ordre d'intelligibilité.
A utrement dit, une théorie
procède à la mise en ordre d'un domaine défini de faits par leur structuration rationnelle.
Idéalement, sur le plan formel, l'élaboration d'une telle structure
doit répondre à des principes d'ordre logique : une théorie scientifique repose sur un système d'axiomes ; leur nombre est limité, ils sont mutuellement
indépendants, doivent assurer la complétude systémique de la théorie (la possibilité d'une déduction exhaustive), et ne jamais conduire à la déduction de
contradiction internes (en cas de contradiction, ils sont simplement rejetés, et la science entre dans une phase de crise de paradigmes avant d'à nouveau
se normaliser (dans le lexique de Kuhn)) – telle est la formulation de la méthode axiomatique par Hilbert (1917).
Théoriser est donc une activité agissant
formellement sur la réalité qu'elle se propose d'investiguer.
C es remarques sont d'ordre épistémologique (théorie de la connaissance scientifique).
Et c'est
précisément de cet ordre et parce que toute science se compose d'une épistémologie, que relève l'élaboration d'une méthodologie propre à chacune.
Une
méthodologie se rapporte à la constitution d'un savoir pratique, d'une technique déterminant les conditions d'application de l'abstraction théorique formelle
à la réalité des faits du domaine délimité.
En ce sens, si le formalisme logique détermine les conditions de validité d'une théorie, la méthodologie en
détermine les critères de vérification empirique (méthode hypothético-déductive, théorisée par Poincaré, mais déjà présente dans le positivisme de Comte).
Les hypothèses théoriques formellement valides sont confrontées à l'ordre empirique des faits observables (cette méthodologie est celle dite du
vérificationnisme, doctrine élaboré par les membres du C ercle de Vienne (1927)).
Ceci en constitue la testabilité.
L'invalidation par le test implique la
falsification de la théorie.
Problème : Le problème est dès lors simple : nous disposons des critères permettant d'évaluer la scientificité d'une théorie (principalement réductibles
à l'objectivité, la formalisation, la testabilité) ; la psychanalyse les satisfait-elle ?
*
I.
Domaine d'objectivité
La psychanalyse a pour matériau d'investigation le psychisme humain.
En le déterminant comme domaine de recherche, elle le construit comme objet.
C ette
objectivité, qui procède de définitions dudit champ se focalise sur l'inconscient.
Si l'invention de la psychanalyse comme méthode analytique est certes de
Freud, le concept d' « inconscient » est pour autant dans l'air du siècle.
Hartmann publie un Science de l'inconscient ; Bretano, dont Freud lui-même suivit les
cours, y voit la possibilité d'en faire le principe explicatif de ce qui échappe à la conscience ; et à vrai dire, la notion remonte, en termes de filiation
philosophique, à Leibniz qui, s'élevant contre la conception cartésienne de la pensée (Nouveaux essais, Monadologie), en fait un principe dynamique dont les
variations d'intensité produisent ce qui est perçu comme qualités, elles-mêmes variant dans une mesure infinitésimale et imperceptible, et tel est
l'inconscient : est la variation d'intensité imperceptible de la pensée – pour Leibniz, l'imperceptible de la perception est l'inconscient.
L'objet apparaît ainsi
historiquement défini et théoriquement stable.
Ce à quoi procède la psychanalyse tient à sa structuration formelle interne, ou encore à sa modélisation.
A insi avec Freud la structuration interne du psychisme du sujet peut se concevoir comme l'articulation de trois complexes (inconscient – préconscient –
conscience) dont la transition est assurée selon un filtrage progressif par l'autorité du surmoi.
Et vouloir connaître les manifestations de l'inconscient
consiste à les décoder.
Par là, ces dernières peuvent être assimilées au fonctionnement d'un langage (Lacan), organisé en structures hiérarchisées selon un
ordre de différences caractéristiques, arbitrairement articulées comme l'est le signe développé par le structuralisme saussurien.
On a donc bien un domaine
de recherche délimité et un objet théoriquement structuré, donc : les conditions nécessaires de départ à la constitution d'un savoir scientifique.
Mais cela
ne saurait suffire.
II.
Méthode d'application et épistémologie
C omme tel et par définition, l'existence de l'inconscient n'est pas un fait, mais plutôt le négatif d'une manifestation empirique réelle, effective et factuelle de
la conscience.
Il constitue en quelque sorte les structures immergées de l'identité d'un moi sujet.
Il est d'abord une hypothèse théorique, certes.
Mais il
peut également, en tant même qu'hypothèse théorique, se trouver confirmé indirectement par manifestation dans la vie psychique du sujet.
Et l'on conçoit
dès lors que le domaine d'étude privilégié par la psychanalyse à s e s commencements soit l'onirique.
C ar faire l'hypothèse de l'inconscient permet
l'élaboration d'une herméneutique des rêves, c'est-à-dire la théorisation de leurs modalités d'interprétation : le contenu manifeste du rêve, celui éprouvé
par le sujet, est révélateur de son négatif inconscient, à savoir, son contenu latent.
Dans le sommeil, par le relâchement de l'intervention sélective du
refoulement, l'inconscient pénètre le contenu du rêve pour s'y manifester sous des formes dites déguisées.
Le rêve apparaît en conséquence comme le
symptôme de l'existence réelle et effective de l'inconscient psychologique.
La psychanalyse intervient ici alors sur le mode d'une symptomatologie.
Elle a
pour fonction le décryptage, ou le décodage des manifestations patentes de l'inconscient pour en évaluer et en déterminer le contenu latent (comme c'est le
cas du rêve).
C onnaître l'inconscient passe donc par le décryptage des figures de style, quasi linguistiques (le rêve procède selon la Traumdeutung à des
manipulations de signifiance pensables en termes métaphoriques de déplacement et métonymiques de condensation), propres à ses manifestations réelles.
L'inconscient se démontrerait ainsi précisément en vertu de la positivité de sa manifestation empirique.
C ette herméneutique symptomatologique que
pratique la psychanalyse ressort de sa méthode, mais implique également une réflexion épistémologique.
Lacan théorise ainsi formellement la structure
‘linguistique' de l'inconscient en s'efforçant d'en faire un système d'axiomes déductivement clos, c'est-à-dire complet, et non contradictoire (entreprise
dans l'ère d'un temps contemporain de Gödel (1931), et qu'ensuite prolongera Kristeva).
Le problème est que les contradictions sont dans ce domaine
inévitables (l'inconscient échappant au principe de non-contradiction), et que le manque de formation de la psychanalyse à la logique mathématique formelle
voue à l'échec son programme de fondation scientifique (les modèles mathématisés échouent, tout simplement).
Et ceci est rédhibitoire : puisque la
psychanalyse se réduit nécessairement à n'être qu'une théorie interprétative, une herméneutique symptomatologique, la soumettre au test pour en évaluer
la validité conduit toujours à dénier sa scientificité, soit parce qu'elle y échoue simplement, ou de manière plus perversement psychanalytique, parce qu'elle
refuse de s'y soumettre.
La falsifiabilité étant l'un des critères démarcatifs de la science, l'une de s e s caractéristiques définitoires (P opper), la
psychanalyse ne peut pas être qualifiée de science.
Une preuve factuelle de base est qu'elle ne produit pas de résultats… (autres que thérapeutiques, bien
entendu).
*
Conclusion
- L'objet de la psychanalyse est négatif par définition ; la psychanalyse est impuissante à sa formaliser ; ses hypothèses ne peuvent pas être vérifiées.
Sa
non-scientificité est par-là établie..
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