La psychanalyse est-elle une science ?
Extrait du document
«
Sujet : La psychanalyse est-elle un savoir positif ?
1.
La psychanalyse procède comme les autres sciences.
L'objet de la psychanalyse n'est connu qu'indirectement.
Mais cela ne dévalorise pas celle-ci par rapport aux autres
sciences.
Ainsi en sciences physiques, la force d'attraction qui attire les masses les unes vers les autres ne fait l'objet
d'aucune expérience directe.
On ne voit que les objets qui tombent, on ne voit pas la force qui les fait tomber.
La
force est une hypothèse que le scientifique doit former pour expliquer des phénomènes, qui eux font l'objet d'une
observation.
Toute science est ainsi amenée à forger des hypothèses pour expliquer les faits dont elle s'occupe.
L'inconscient n'est qu'une de ces hypothèses.
Comme la vérité de la force d'attraction ne réside que dans l'étendue des faits expliqués par elle, c'est son plus ou
moins grand pouvoir explicatif qui fait la valeur du postulat de la psychanalyse.
C'est pourquoi Freud a cherché à
généraliser l'usage de la notion d'inconscient : des maladies mentales vers la vie « normale », de la vie individuelle
vers l'ensemble de la culture.
Nous voyons donc qu'il n'y a pas à proprement parler de science de l'inconscient.
Il n'y a qu'une science des pensées
et des actions humaines qui forge comme l'une de ses hypothèses explicatives l'idée d'un inconscient.
L'inconscient
en lui-même ne fait l'objet d'aucune science.
Il n'est connu que par les faits qu'il sert à expliquer.
2.
L'inconscient n'est pas l'objet d'un savoir métaphysique.
Si l'on se rendait mieux compte de ce statut de l'inconscient, bien des malentendus seraient évités.
Il n'est pas
équivalent de dire que l'inconscient doit être posé à partir de certains faits, et de prétendre en parler comme si on le
connaissait directement.
Ce qu'est l'inconscient en lui-même n'est pas connaissable.
Ainsi lorsqu'on dit : «
l'inconscient nous gouverne », « l'inconscient nous pousse...
», ce sont là des abus de langage : on transforme une
simple hypothèse scientifique en un être réel, en une force qui agit et pense à notre place.
On fait de l'inconscient
une sorte de « démon » qui nous possède.
On sort de la science pour entrer dans la métaphysique (= la
connaissance de ce qui n'est pas accessible à partir de l'expérience) et à la limite dans la mythologie ! Dire que
l'inconscient explique les rêves, les actes manqués, est une chose ; en faire un sujet, un Moi auquel il faut rapporter
mes actes et mes pensées, c'est outrepasser les limites de la science.
En résumé donc, s'il y a bien une science qui a recours à l'inconscient, il ne s'agit là que d'une science, et non d'une
connaissance qui percerait le secret de l'inconscient.
3.
La psychanalyse, une science de l'interprétation.
Nous avons montré que la psychanalyse se rapproche par sa démarche des autres sciences.
Nous devons à présent
en montrer la spécificité.
La psychanalyse considère tous les phénomènes humains comme s'ils avaient un sens.
Exemple : Si je ferme la fenêtre, les gens autour de moi comprendront que j'ai froid.
L'acte de fermer la fenêtre revêt
une signification.
L'hypothèse de Freud est que ce type de raisonnement doit pouvoir s'appliquer dans tous les cas.
Rien n'échappe à une signification.
Si j'oublie mon parapluie, cela veut dire quelque chose.
Or, dans bien des cas, il se
trouve que le sens que l'observateur donne à mon acte ou à mes paroles n'est pas le sens que je lui donne moimême.
Soit je ne lui donne aucune signification, soit je lui donne une signification différente de celle que donne le
psychanalyste qui interprète ma conduite.
C'est la différence entre le sens donné par la conscience, et le sens donné
par un observateur étranger qui autorise à parler d'inconscient.
Puisqu'il y a un sens qui n'est pas présent à la
conscience, on dira qu'il est inconscient.
Nous découvrons donc une spécificité de la psychanalyse : on ne cherche pas seulement des causes.
On cherche du
sens.
En sciences physiques, il n'est question que de cause : qu'est-ce qui fait que les corps tombent ? En
psychanalyse, l'inconscient peut être dit cause du rêve, d'abord parce qu'il en révèle le sens.
La psychanalyse est
donc une science de l'interprétation, car interpréter, c'est rechercher le sens.
On peut donc la rapprocher des
disciplines littéraires : quand je lis un texte, je peux y mettre des sens dont l'auteur n'avait pas conscience.
Paul Ricoeur part de ce postulat: «Le Je pense, je suis est le fondement réflexif de toute proposition concernant
l'homme.» En ce sens, il s'inscrit dans une tradition philosophique on ne peut plus classique.
Or, il se trouve que
Freud s'est toujours défendu d'être un philosophe.
Le problème n'a jamais été pour lui de questionner le sujet de la
pensée, mais de comprendre, en homme de science, les mécanismes qui déterminent le fonctionnement de l'appareil
psychique.
On peut donc dire que l'entreprise de Paul Ricoeur est d'avance biaisée puisqu'elle repose sur un
postulat que Freud, sciemment, rejette.
Par ailleurs, Ricoeur reproche à la psychanalyse de ne pas être une
psychologie de l'observation.
Pour ce faire, il invoque la psychologie du comportement, laquelle refuse toute idée
d'intériorité pour se limiter à l'étude des réactions du sujet face à une situation donnée.
Or, cette forme de
psychologie a fait l'objet des plus graves critiques.
Si la psychanalyse n'est qu'une interprétation, l'analyse de Paul
Ricoeur n'est, au fond, qu'une interprétation de l'oeuvre de Freud..
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