La politique peut-elle être morale ?
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Analyse du sujet :
Du point de vue conceptuel : «politique» vient du grec politeia [politeia], qui signifie vivre-ensemble.
La politique est
l'art d'accorder un peuple afin d'éviter la guerre civile.
Mais que signifie faire de la politique? C'est une question dont
il faudra partir pour ce sujet (ce qui n'est pas synonyme de problématique).
Le dirigeant politique, afin de mener à
bien la politique (en temps que projet), devrait certainement être moral lui-même, puisque son but est de rendre
chaque citoyen le plus moral possible.
Mais se fixer un tel but, et plus généralement obéir à un projet, est-ce
compatible avec la moralité ? Car vouloir une fin, c'est vouloir aussi ses moyens, par-delà les considérations morales.
Si le meilleur moyen de rendre chaque citoyen moral était de sacrifier des innocents (on peut penser aux sacrifices
faits aux dieux, ou à la peine de mort en cas d'erreur judiciaire), alors la politique serait hautement immorale.
Noter
que les mots politique et morale s'applique à deux choses différentes : la morale reste un ensemble de concepts
impersonnels, tandis que politique réfère à l'influence de la fonction politique sur une personne : le dirigeant
politique.
«morale» : désigne un ensemble de règles qui portent sur le devoir-être.
C'est la discipline qui peut guider
nos actions et conseiller nos choix.
La morale, ou éthique, connaît trois écoles :
L'éthique des vertus : C'est l'éthique de Grecs antiques, présente dans la philosophie de Platon et Aristote.
Elle ne pose pas de règles d'actions (fait ceci, mais pas cela...) mais des maximes portant sur le caractère
personnel.
Elle préconise de cultiver ses vertus, celles-ci guidant nos choix par la suite.
Il faut donc cultiver ses
talents, se donner des modèles auxquels on estime devoir ressembler, pour viser un but : le bien, la justice, le
bonheur.
Le problème de l'éthique des vertus est qu'elle dépend de deux choses : une essence humaine perfectible,
et des traits de caractères dont dépendent nos actes.
Or, ces deux notions sont contestées dans la philosophie
contemporaine.
L'utilitarisme moral, qu'on appelle aussi la téléologie ou le conséquentialisme : Consiste à choisir, non selon
des règles, mais d'après les conséquences connues de nos choix.
Il s'agit de se donner un but : augmenter le degré
de bien-être dans le monde (selon Jeremy Bentham), ou ne jamais nuire à autrui (selon John Stuart Mill), et de faire
ses choix en sélectionnant l'option la plus adéquate à ce but.
Cela permet de résoudre quelques conflits moraux que
l'éthique des vertus, ou la déontologie, laissent de côté.
Un exemple célèbre des philosophes utilitaristes est le
suivant : Un conducteur de bus a un grave problème ; ses freins ne marchent plus, il peut tourner, mais pas
s'arrêter.
A un carrefour, il a le choix entre tourner à droite, où une petite fille traverse la rue, ou à gauche, alors
qu'un marché regroupe plusieurs dizaines de personnes.
Si le conducteur de bus ne va ni à droite ni à gauche, il
fonce dans un mur et tue tous ses passagers.
Que faire ? L'injonction : «Tu ne tueras point!» n'est d'aucune utilité.
L'utilitariste dira : «Tue le moins de monde possible, de façon, soit à diminuer le moins possible le bien-être dans le
monde, soit à nuire au moins de monde possible.» donc, le chauffeur de bus doit choisir d'écraser la petite fille.
L a déontologie ou morale : Est celle qui nous intéresse dans ce sujet.
Elle consiste à choisir, non en
fonction d'un but, ou d'après des conséquences, mais d'après des règles choisies.
Le décalogue (les dix
commandements) présent dans la Bible (Exode 20; 2-17 et Deutéronome 5; 6-21) est une déontologie parmi
d'autres.
Une grande partie du Coran, qui joue le rôle de code pénal dans bien des pays, relève également de la
déontologie.
Il s'agit de maximes qui décident des actions à suivre.
Le problème de la déontologie est qu'elle laisse
de côté les conséquences (un exemple kantien : la maxime «ne pas mentir» s'applique-t-elle lorsqu'un assassin vous
demande où est l'ami que vous cachez chez vous et qu'il veut tuer?)
Problématisation :
La politique s'oppose à la morale, comme la philosophie à la naïveté.
Emmanuel Lévinas
Cette phrase de Lévinas est paradoxale.
Il est de sens commun que les hommes politiques sont des gens
peu scrupuleux, et qui tendent facilement à abuser de leur pouvoir.
La politique est-elle morale ? Que serait un
dirigeant immoral ? Une telle personne ne serait pas soutenue par son peuple, et ne pourrait pas compter sur ses
citoyens en temps de guerre.
Et dans une démocratie, on pourrait s'attendre à ce que les votes ne favorisent pas
une personne immorale.
Cependant, la morale est l'ensemble des lignes d'actions qui permettent de gérer dans la
paix les situations quotidiennes.
Parce qu'elle permet de vivre ensemble (politeia signifie vivre-ensemble en grec), la
morale à un rôle de politique de l'ordinaire.
Mais la fonction politique, décision de guerre ou de paix, d'alliance ou de
trahison, confronte celui qui la reçoit à des situations qui n'ont rien d'ordinaires, qui sont extraordinaires.
Est-il
possible, ou simplement souhaitable, que le dirigeant politique obéisse à la morale ? La fonction politique semble
exiger une moralité exemplaire.
Mais cette vertu porte peut-être en elle le principe de sa propre corruption, qui se
révèle au contact du pouvoir, il serait alors bon de la limiter.
Enfin, si le maintient du dirigeant politique dépend de
l'image qu'il renvoie au peuple, ce n'est pas tant sa moralité qui est nécessaire, que l'apparence d'une telle moralité.
Plan suggéré :
I – Le dirigeant politique doit être moral.
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