La politique peut-elle contribuer au bonheur des individus ?
Extrait du document
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Oui, mais indirectement : elle doit garantir les conditions du bonheur pour chacun, c' est-à-dire les droits de chacun
qui puissent lui permettre de mener une existence privée.
On n'est citoyen que pour être homme ; tout n'est pas
politique (l'affirmation du contraire définit une forme de totalitarisme).
La Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 stipule que "le but de toute association politique est la
conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme" le premier de ces droits étant la liberté (Art.
2).
La séparation de ces deux domaines (public, privé) dans 1 ' existence de chaque individu est très importante.
C'est
pour l'avoir ignorée que des régimes politiques sont passés de l'innocent projet d'assurer le bonheur de tous les
citoyens à une dictature intolérable (la Terreur par exemple, en 1793).
Donc, en établissant que ce n'est pas le bonheur, mais les conditions du bonheur, qui est l'affaire de la politique.
Analyse du sujet
Si nous considérons l'État comme une institution politique qui a pour but d'organiser la vie en société au moyen de lois, il
semble que la finalité de l'État ne soit pas véritablement d'assurer le bonheur des individus.
En effet, le bonheur est une
forme d'idéal ou de souhait profond qui correspond à la façon dont un homme parvient à satisfaire ses aspirations, à
correspondre à l'idée qu'il se fait de la meilleure vie possible.
En outre, s'il s'agit du bonheur de l'individu, il semble que le
problème soulevé par le sujet conduise d'autant plus à dissocier la sphère de l'État, c'est-à-dire du politique, de la sphère
de l'individu, dans la mesure où l'individu désigne un homme tel qu'il n'est pas l'identique de son prochain.
En effet, par
individu, il faut entendre ce qui est propre à chacun et non pas ce qui est commun comme homme.
Dès lors, il semble que
le bonheur de l'individu, loin de dépendre de ce qui est commun aux autres, se définisse justement par ce qui en diffère et
appartient à l'individu en tant qu'individu.
Cependant, cette façon d'isoler l'individu du reste des hommes peut être problématique.
Est-il véritablement possible de
dissocier ainsi un homme de son milieu ? Peut-on croire que le bonheur que vise chacun, même en tant qu'individu, ne
dépend aucunement de ce qu'il est vis-à-vis des autres et de ce que sont les autres pour lui ? En outre, quand bien même
cela serait effectivement le cas, ne faut-il pas que l'État assure à chacun les conditions de réalisation de son propre
bonheur ? Ne doit-il pas, en quelque façon, penser que la fin politique se doit d'intégrer et de viser, au moins en partie, les
bonheurs particuliers des individus afin que tous existent harmonieusement dans un espace politique qui leur apporte une
satisfaction morale minimale ?
Proposition de plan
1.
Au sujet de la théorie du bonheur, il peut sembler naturel d'opposer la fin politique commune à la fin morale individuelle.
En effet, si tout individu possède une identité différente d'autrui, il paraît se caractériser par le fait de posséder en propre
un critère subjectif du bien et du mal, c'est-à-dire une représentation individuelle de son bonheur (a).
Cette
représentation ne peut d'ailleurs, comme privée, être prise en compte par l'État puisque son rôle est d'assurer la
coexistence publique pacifiques des individus, c'est-à-dire le fait que les conceptions individuelles du bonheur n'entrent
pas en contradiction (b).
Dès lors, l'État doit viser un bien qui est nécessairement supérieur aux individus et dont la
primauté est incontestable (c).
2.
Cependant, si l'État veut durer, il est impensable qu'il s'oppose purement et simplement aux bonheurs individuels,
surtout dans la mesure où l'État n'existe que parce qu'il a pour fonction d'assurer la coexistence des individus.
Il est donc
paradoxal de faire de l'État la ruine du bonheur individuel.
Tout au contraire, il faut, au minimum, concéder le fait que l'État
est la condition négative du bonheur des individus puisqu'il leur assure une marge égale de liberté et de sécurité pour
assurer leurs bonheurs (a).
Plus profondément même, il faut que l'État prenne en compte l'utilité de chacun vis-à-vis de
chacun et favorise les rapports de collaboration entre les individus afin que chacun puisse se servir des autres tout en
respectant leurs propres bonheurs (b).
À cet égard, il semble que l'État soit autorisé à dépasser sa neutralité
fondamentale pour égaliser les chances de chacun au bonheur, c'est-à-dire donner plus à ceux qui ont moins de chances
d'être heureux parce qu'ils ont moins de possibilité d'être heureux du fait de leurs situations de base (c).
3.
Au regard de cette dernière dimension, il paraît possible de penser que l'État est amené de plus en plus à définir le
bonheur des individus, dans la mesure où il doit les aider à le réaliser.
Ainsi, si tout individu a droit à un bonheur qui ne
nuit pas à celui d'autrui et que l'État doit prendre en compte la compatibilité entre les différentes conceptions privées du
bonheur (a), il devient peut-être possible de penser que l'État doit éduquer chaque individu à son propre bonheur pour
qu'il puisse espérer le voir se réaliser dans la sphère publique (b).
Dès lors, l'État doit concrètement viser le bonheur des
individus puisque ce bonheur ne peut jamais s'exprimer de façon égoïste et n'a de droit de cité que s'il participe d'une
conception globale du bonheur de tous dans la cité (c)..
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