I/ La recherche du bon gouvernement Qu’est-ce que bien gouverner ? Il s’agit de réfléchir sur les moyens (comment gouverner) mais aussi sur ce que l’on peut entendre par un bon gouvernement. S’agit-il de satisfaire ceux qui sont gouvernés (le peuple ou l’opinion) ? de gouverner de manière efficace ? ou de gouverner de manière juste ? Sur ce point, l’approche antique et moderne diffèrent radicalement. Qu’est-ce qu’un bon gouvernement ? Y a-t-il une forme de gouvernement meilleure qu’une autre ? Nous centrerons d’abord nos analyses autour de cette question. En quoi la démocratie est-elle le meilleur régime ? Peut-elle surmonter la crise qu’elle traverse ? Peut-on la refonder ? 1) finalité de la politique Quelle est la finalité et l’essence de la politique ? • spécificité de la politique Quel est l’objet du politique ? Il est difficile de définir l’objet de la politique. La morale vise le bien, le droit vise le juste, mais que vise le politique ? Pour le comprendre, il faut déterminer sur quoi porte la délibération politique. Cf 2 Aristote l’activité politique est comme l’activité morale une activité pratique, qui doit se distinguer de l’activité technique, celle de l’artisan. Elle relève de la praxis et non de la poésis (de poien : faire). Dans les activités techniques ou artistiques, on ne délibère pas sur la fin (fabriquer une table ou soigner un malade car la fin de la médecine est la santé) mais sur les moyens appropriés pour atteindre cette fin. Le médecin ne délibère pas sur le fait qu’il doit guérir mais sur les moyens qu’il doit employer → la fin est déjà proposée et ne pose pas de problème de définition. Dans ce cas, la différence entre le bien et le mal réside dans le choix des moyens. Un médecin qui choisit mal les moyens de la guérison ne tue pas moins que celui qui déciderait d’empoisonner son patient. Mais l’activité politique est une activité pratique et non technique. La fin générale de l’action est le bonheur mais cette fin est trop générale → la fin de la politique doit être objet de délibération et de discussion, elle implique la nécessité d’un débat démocratique qui a pour but de délibérer sur ce qui est juste et quelles sont les fins de la Cité. La Cité peut ainsi se définir comme un espace public de discussion. C’est ainsi que Habermas comprendra la démocratie, un espace de discussion et de délibération rationnelle. → c’est pourquoi on ne délibère pas seulement sur la gestion et l’organisation de la Cité, mais sur sa fin. C’est ce que met en évidence Hannah Arendt dans Condition de l’Homme moderne. Elle définit la spécificité du monde politique. Le monde politique est celui de la parole et de l’action. La ‘polis’ est le lieu où l’on parle et on agit en public, ce qui présupposent la pluralité humaine. Hannah Arendt va préciser ses thèses sur la nature du politique dans un texte intitulé « Qu ’est-ce que la politique ? ».Elle repart de sa thèse fondamentale : « La politique repose sur un fait : la pluralité humaine. » On commet donc une erreur quand on veut dériver le droit de l’homme au singulier de la nature humaine présente dans tous les hommes. Vivre c’est pour l’homme vivre avec ses semblables au sein d’une polis. La politique est mise en relation des hommes. 3 La métaphysique comme la science s’intéressent à l’homme au singulier, leurs assertions seraient valables même s’il n’y avait qu’un seul homme ou si tous les hommes étaient similaires. C’est pour cette raison qu’elles n’ont jamais trouvé une réponse valable à la question « qu’est-ce que la politique ? » car elles éludent ce qui fait la réalité du politique : un ensemble de relations entre des individus dissemblables. « La politique traite de la communauté et de la réciprocité d’êtres différents. » Ce n’est pas l’homme au singulier qui est politique. La politique suppose les hommes au pluriel. « La politique prend naissance dans l’espace qui est entre les hommes ». Elle se constitue comme relation, c’est ce que Hobbes avait bien compris. La polis naît de « la mise en commun des paroles et des actes . » « La pluralité humaine, condition fondamentale de l’action et de la parole, a le double caractère de l’égalité et de la distinction. » Egalité pour que les hommes se comprennent, distinction car par la parole et l’action les hommes s’individualisent. La cité n’est donc pas l’addition d’individus, c’est un processus de distinction d’êtres qui s’individualisent par leur paroles et leurs actions effectuées dans l’espace public. « C’est par le verbe et l’acte que nous nous insérons dans le monde humain, et cette insertion est comme une seconde naissance dans laquelle nous confirmons et assumons le fait brut de notre apparition physique. » Pour Arendt, l’acte politique véritable n’est donc pas l’instauration du droit, mais l’action. • La politique comme souci de la communauté Ce qui caractérise tant la pensée de Platon que celle d’Aristote, c’est de considérer la cité comme une totalité qui ne se résume pas à être simplement la somme des individus qui la composent. Le tout est plus que la somme des parties. Le bien du tout n’est pas la somme des biens individuels. Dans ses Leçons sur Platon, Hegel met en relief cette différence : « Dans les Etats modernes, il y a la 4 liberté de conscience ; chaque individu peut exiger de pouvoir s’occuper de ses intérêts ; mais c’est exclu de l’idée platonicienne. » Il faut donc oublier nos idées libérales et modernes si on veut entrer dans la pensée politique grecque. La finalit é de la cit é n’est donc pas le bien-être ou la liberté de l’ individu. Le bien de la cité ne se résume pas à l’addition du bien de ses membres. Pour un Grec, l’intérêt général n’est pas la somme des intérêts particuliers. Et c’est ce bien commun de la cité qui constitue sa finalité et gouverne l’institution de ses lois et la répartition du pouvoir en son intérieur. Faire de la politique pour un Grec, ce ne sera donc pas assurer les intérêts des individus qui composent la cité ou alors préserver leur sécurité ou leur liberté individuelle. Faire de la politique pour un Grec, c’est se soucier de l’ordre, de l’harmonie et de l’équilibre du tout social. C’est cette finalité qui rend intelligible la pensée politique tant de Platon que celle d’Aristote. Le terme « Politique » (comme « histoire ») désigne à la fois une science et son objet et elle naît de la prise de conscience qu’il existe un domaine propre aux choses de la cité, un domaine qui émerge quand le pouvoir cesse d’être la propriété personnelle d’un homme. Il n’y a pas de politique sans volonté de vivre en commun. Pour les Grecs, la politique a pour objet le politeuein, le vivre-ensemble. Sur quoi se fonde cette volonté de vivre en commun ? Pourquoi l’homme vit-il en cité ? Aristote évoque lui la nature de l’homme qui n’est pas autosuffisant par lui-même et qui doit se grouper avec ses semblables pour atteindre l’autarcie. Celui qui vit seul est un dieu ou une bête et « la communauté est constituée en vue d’un certain bien » qui ne peut être atteint que collectivement. La cité est la fin, l’achèvement, le terme du développement historique qui conduit l’homme à s’associer en communautés.« La communauté achevée, formée de plusieurs villages est une cité dès lors qu’elle a atteint le niveau de l’autarcie pour ainsi dire complète ; s’étant donc constituée pour permettre de 5 vivre, elle permet une fois qu’elle existe de mener une vie heureuse. » (Politiques I, 2) La communauté parfaite est celle qui suffit à combler tous ses propres besoins. Elle peut donc se donner d’autres finalités que la satisfaction des besoins. Lorsque ne se pose plus le problème du vivre, on peut se demander comment bien vivre. La vraie cité répond au problème du bien vivre et non pas du survivre. « S’étant constituée pour permettre de vivre, la cité permet, une fois qu’elle existe de mener une vie heureuse. » la Cité est à elle-même sa propre fin. La communauté politique étant celle qui ne manque de rien, est la seule à être pleinement. C’est par elle seule que l’homme est pleinement. C’est dans et par la cité que l’homme peut réaliser l’excellence de sa nature. Aristote en tire les conséquences: La cité est naturelle. pour deux raisons: elle est composée de communautés naturelles et elle est naturellement la fin des autres communautés. Elle ne naît donc pas d’une convention, ni de la volonté de ceux qui la composent.« La cité fait partie des choses naturelles et l’homme est par nature un animal politique. » L’homme est donc naturellement politique. « L’homme est un être politique et naturellement fait pour vivre en communauté » répète Aristote dans son E. N. IX 9. L’individu n’existe donc pas comme un atome, comme un tout achevé. Il n’est parfait qu’à l’intérieur d’une communauté car c’est seulement dans la communauté qu’il peut atteindre l’autarcie. L’homme est un être naturellement en manque (de quelque chose (désir) ou de quelqu’un (s’associer) et cette déficiente originelle fait de lui un être de désir, de manque qui le sépare de son bien et c’est pourquoi il agit en communauté avec d’autres et avec le souverain bien comme horizon de son action. Un être sans désir et autosuffisant ne vivrait pas en cité: les dieux ne font pas de politique, ils n’ont pas besoin de vivre en cité. A l’inverse, un « être dégradé » serait condamné à une fuite indéfinie de besoins et ne pourrait jamais en s’unissant à d’autres se suffire à soi-même; les animaux ne font pas de politique. L’homme est un milieu et la cité est conforme 6 à sa nature d’intermédiaire. La vie politique est pour l’homme la meilleure des vies possibles. De plus, l’homme possède le langage, ce qui montre bien qu’il est fait pour vivre en communauté. « C’est pourquoi il est évident que l’homme est un animal politique plus que n’importe quelle abeille et que n’importe quel animal grégaire. Car comme nous le disons, la nature ne fait rien en vain ; or seul parmi les animaux, l’homme a un langage. » Le fait que l’homme soit doué de langage est le signe que l’homme est un animal politique car autrement le langage ne servirait à rien. Les animaux ont une voix pour exprimer des émotions, mais ils n’ont pas de langage. « Le langage existe en vue de manifester l’avantageux et le nuisible et par suite le juste et l’injuste. Il n’y a en effet qu’une chose qui soit propre aux hommes par rapport aux autres animaux : le fait que seuls ils aient la perception du bien, du mal, du juste, de l’injuste et des autres notions de ce genre. Or, avoir de telles notions en commun, c’est ce qui fait une famille et une cité. » Vivre en cité ce n’est donc pas seulement exprimer des affects, c’est mettre en commun des valeurs. Ce qui caractérise la cité c’est la mise en commun des opinions sur le juste et l’injuste et la discussion qui s’ensuit. L’homme n’est pas simplement sociable (au niveau de l’affect), il est politique (il s’exprime sur le juste). La parole est indispensable pour débattre et s’entendre sur les valeurs communes. Ce qui fait lien entre les hommes est la commune appréhension de l’utile et du nuisible, du juste et de l’injuste. Le caractère politique de l’homme se fonde sur la faculté qu’ont les hommes de communiquer entre eux et de partager des valeurs communes. Seuls la bête et le dieu peuvent vivre seuls. L’homme est un animal politique, c’est-à-dire qu’il n’a pas de réalité hors de sa dimension politique, hors de la cité. « La cité fait partie des choses naturelles et l’homme est par nature un animal politique, celui qui est hors cité, naturellement bien sûr et non par le hasard, est soit un être dégradé soit un être surhumain. » (Politiques I ,2) Le tout est antérieur à la partie bien qu’il soit composé des parties. C’est comme dans un corps vivant, la main n’est une main que dans un corps car c’est 7 seulement dans le corps qu’elle peut remplir sa fonction de main. Coupée du corps, elle n’est qu’une main par homonymie. Il en va de même pour l’individu, il n’est un homme que dans la vie politique par laquelle il manifeste sa capacité de dire le juste et l’injuste, de vivre selon le juste. L’homme n’est pas entièrement homme en dehors de la cité. « De même qu’un homme accompli est le meilleur des animaux, de même quand il a rompu avec loi et justice est-il le pire de tous. » (Politiques I,2) De la même façon que pour Platon, pour Aristote le but de la cité est le souverain bien. « Puisque toute cité est une certaine communauté et que toute communauté a été constituée en vue d’un certain bien, il est clair que toutes les communautés visent un certain bien et que avant tout c’est le bien suprême que vise celle qui est la plus éminente de toutes et qui contient toutes les autres. Or, c’est celle qu’on appelle la cité, c’est-à-dire la communauté politique ». (Politiques I,1) • La Cité prime sur l’individu Pour Aristote comme pour Platon le tout précède ses parties. Conception holiste: la cité est première, elle n’est pas vue comme une somme d’individus. C’est plutôt l’individu qui est vu comme un repli sur soi, un retrait par rapport à la cité. Seuls la bête et le dieu peuvent vivre seuls. L’homme est un animal politique, c’est-à-dire qu’il n’a pas de réalité hors de sa dimension politique, hors de la cité. Dans une telle perspective, le tout est supérieur à la somme de ses parties et celles-ci ne peuvent exister sans lui. C’est comme dans un corps vivant, la main n’est une main que dans un corps car c’est seulement dans le corps qu’elle peut remplir sa fonction de main. Coupée du corps, elle n’est qu’une main par homonymie. Il en va de même pour l’individu, il n’est un homme que dans la vie politique par laquelle il manifeste sa capacité de dire le juste et l’injuste, de vivre selon le juste. L’homme n’est pas entièrement homme en dehors de la cité. La cité ne naît donc pas d’un contrat, d’une convention. Aristote s’oppose au raisonnement des sophistes pour lesquels la cité n’est pas naturelle mais 8 purement conventionnelle. Les théories du contrat procèderont d’un individualisme méthodologique: on part des individus isolés comme des atomes et on en déduit la génération de l’Etat ou de la communauté politique par contrat. L’individu est indissociable de la cité, seul il n’est pas autarcique, il n’est rien. Dans le Criton Socrate refuse de s’enfuir même quand il est condamné injustement pour ne pas enfreindre les lois de sa patrie. « Il faut donc vénérer sa patrie, lui obéir et lui donner des marques de soumission plus qu’à un père, en l’amenant à changer d’idée ou en faisant ce qu’elle ordonne ou en supportant sans se révolter le traitement qu’elle prescrit de subir. »(Criton) Il estime que l’individu ne peut se penser sans les lois de la cité qui l’ont nourri. Socrate fait parler les lois. Les lois disent à Socrate qu’elles l’ont élevé, éduqué et qu’il est leur rejeton et esclave (au sens où il leur appartient). Il n’y a pas de réciprocité entre les lois et les individus: les individus doivent tout aux lois, ils ne peuvent leur rendre injure pour injure. L’individu n’a pas de droit en lui-même, en tant qu’individu. On peut amener la patrie à changer d’idée en lui montrant en quoi consiste la justice, mais on n’a pas le droit de se dérober aux lois, même si on les estime injustes. On voit bien transparaître cette idée que l’individu n’existe pas en tant que tel, mais seulement dans la totalité de la cité. Nous sommes responsables d’une tâche dans la cité et notre vie n’a d’intérêt que comme moyen d‘accomplir cette tâche. La cité n’est pas faite pour les individu, ce sont les individus qui sont faits pour la cité et qui sont à son service. Le citoyen vit d’abord en fonction de la cité et non pas pour son intérêt individuel. Le dévouement pour la Cité peut aller jusqu’au sacrifice. Rousseau avait vu juste avec le célèbre exemple de la citoyenne spartiate qu’il donne dans son Emile. Une mère vient demander des nouvelles de la bataille. On lui apprend que ses fils ont été tués, mais elle ne fait pas paraître sa douleur, seule l’issue de la bataille lui importe, elle veut savoir si Sparte a gagné contre Athènes. Ce qui est la finalité de la cit é, c’est le bonheur de la cité tout entière et non pas celui des individus particuliers ou d’une classe particulière. Platon dans sa République explique que ce qui est visé, ce n’est pas le bonheur des individus, ni même des gardiens, mais le bonheur de la cité dans sa totalité. 9 Le civisme naît avec la conscience de la cité comme d’un bien supérieur à celui de l’individu. Du point de vue de l’essence, la cité est donc un tout qui a pour finalité le bien commun et qui suppose que l’individu n’existe que dans et par la totalité. Nous sommes aux antipodes de l’individualisme libéral qui sous-tend notre conception du politique. Hegel emploie l’expression de « belle totalité grecque » pour décrire la cité. Dans ses Leçons sur Platon, Hegel dira qu’il ne faut surtout pas considérer la République de Platon comme une chimère, un idéal oiseux. Platon a dégagé la substantialité du fait politique : que les hommes puissent se rassembler en vue d’une finalité qui est le bien commun. La « polis » n’est pas seulement une association en vue de mieux satisfaire les intérêts individuels, elle n’est pas une ruse du désir, mais une incarnation de l’universel (ce qu’est l’Etat pour Hegel). L’individualisme n’avait pas de place dans le monde grec. Aujourd’hui, la politique a-t-elle encore un sens ? Le problème politique des modernes est de savoir comment concilier l’individualisme qui est théorisé dans le droit naturel du 17ème siècle avec la politique comme souci du Bien Commun. • La liberté des Anciens et des modernes La démocratie grecque est fondée sur l’idée de liberté mais pas au sens que les modernes vont donner à ce mot. La différence de la liberté antique et moderne sera marquée au 19ème par B. Constant de la liberté des anciens comparée à celle des modernes (1819) : « le but des Anciens était le partage du pouvoir social entre tous les citoyens d’une même patrie. C’était là ce qu’ils nommaient liberté. Le but des modernes est la sécurité dans les jouissances privées; et ils nomment libertés les garanties accordées par les institutions à ces jouissances. » Benjamin Constant oppose la liberté des anciens et la liberté des modernes. La liberté des anciens consiste à participer à la vie politique. Il n’y a donc pas de droit au bonheur individuel, mais se constitue l’idée d’une communauté politique qui a un bien commun auquel chacun doit être dévoué. Pas d’individualisme dans la pensée grecque. La liberté est conçue par les modernes comme un droit individuel, attaché à l’individu. Pour les grecs au contraire, la liberté est un don octroyé par la Cité : 10 on ne naît pas libre, c’est la Cité qui nous confère ce privilège. C’est ce qui explique que l’esclavage n’ait pas choqué les penseurs dans l’Antiquité. Pour les Grecs être libre, c’est être citoyen, avoir la capacité de décider ou de prendre part à ce qui concerne le bien commun. L’idée de « droits de l’homme » est inconnue dans le monde grec. Seul le citoyen peut avoir des droits, non l’homme en tant qu’il est homme. l’individu n’a par lui-même aucun droit, seul la cité peut lui en conférer. La liberté pour les modernes est fondée ontologiquement dans l’individualité. La finalité de la politique est d’assurer à chacun la sécurité individuelle et la garantie des libertés fondamentales (liberté d’opinion, de religion, de circuler, etc…) Pour les modernes, être libre, c’est avoir la jouissance de ses droits individuels. La « liberté des modernes » est fondée sur l’indépendance des citoyens contre le gouvernement, alors que la « liberté des Anciens » reposait sur la participation égalitaire de tous les citoyens au pouvoir politique. Cette distinction prend une portée nouvelle car elle s’insère dans la reconstruction d’ensemble de la doctrine libérale. 2) les formes de gouvernement Cette question va être vivement discutée. Tout débat concernant la vie des citoyens se rattache pour les grecs au régime politique. La Politieia (= constitution), terme qui ne désigne pas un texte juridique (la Constitution de la 5 ème République) mais un mode de vie dans laquelle tout se tient : pouvoir, mœurs, pratiques, valeurs. La politeia est ce qui fait fonctionner un régime politique, l’esprit de ses institutions. Il ne peut être le même s’il s’agit d’une monarchie ou d’une démocratie. Cf Montesquieu évoque l’esprit des nations et attribue à chaque régime une passion. La démocratie repose sur la passion de l’égalité, la monarchie sur le sens de l’honneur, la tyrannie sur la crainte. • La critique de la tyrannie 11 Le pouvoir du tyran représente le mal absolu dans toute la pensée politique grecque. La tyrannie est fustigée comme figure de l’hubris, de la démesure. Les Grecs condamnent toute démesure, tout excès dans la conduite individuelle (le trop). Il faut aussi éviter les excès par défaut (pas assez, le trop peu). La vertu pour Aristote consiste dans la médiété: par exemple le courage est entre la bravoure (excès de courage) et la lâcheté (défaut de courage) L'homme téméraire, qui se précipite au-devant du danger sans réfléchir n'est pas sage. Le tyran pour Platon est celui qui est d’abord esclave de ses propres plaisirs et qui ne sait pas se mettre de limites à lui-même. Emporté par la passion de la conquête, il ne mesure plus les limites auxquelles il doit se plier. Le tyran est donc fustigé. Le pouvoir doit tenir des limites. Pour autant, y- a-t-il une forme de gouvernement meilleur que les autres ? • La question du régime politique L’instauration du régime démocratique en Grèce s’est faite avec le besoin d’en dégager les principes, elle s’est accompagnée d’écrits, d’arguments, de justification, elle a donné lieu à l’élaboration de concepts valables pour d’autres formes de gouvernements comparables. Cette réflexion est présente dans les tragédies grecques mais aussi dans les écrits d’historiens et de philosophes. Athènes a installé le débat au centre de la vie publique et en a cerné les principes. Si l’Antiquité a ne place essentielle dans tout réflexion sur la démocratie, c’est parce que l’idée de démocratie paraît d’emblée dans un débat, dans une représentation de la politique comme délibération et conflit. La problématique de la démocratie apparaît au travers d’une question, celle de savoir quel est le meilleur gouvernement, au sens de régime politique. Une cité étant à fonder, convient-il de lui donner une constitution démocratique ? Et quand la démocratie existe, il s’agit de la définir et de l’évaluer.