Aide en Philo

La politique est-elle une science ou un art ?

Extrait du document

« Termes du sujet: SCIENCE : Ensemble des connaissances portant sur le donné, permettant la prévision et l'action efficace.

Corps de connaissances constituées, articulées par déduction logique et susceptibles d'être vérifiées par l'expérience. POLITIQUE: 1) comme adjectif, qui a rapport aux affaires publiques, à l'État.

2) Comme nom au féminin: science ou art de diriger les affaires publiques, de gouverner un État.

3) Comme nom masculin, personne qui gouverne. [Introduction] Il est de plus en plus fréquent qu'une population critique son personnel politique : on lui reproche volontiers de ne pas tenir ses engagements, de ne chercher que pouvoir, honneurs et parfois enrichissement malhonnête, d'être aussi bavard qu'inefficace...

De tels reproches impliquent qu'il ne devrait pas se produire d'écart entre un programme et sa réalisation, que la détermination rigoureuse du premier devrait être automatiquement suivie de son application, autrement dit que la réalité d'une nation, après avoir été soigneusement analysée, devrait sans difficulté être façonnée ou transformée par les décisions annoncées.

Dans le monde contemporain, la rigueur évoque souvent la science.

La politique serait-elle donc une science ? De celle-ci, on constate pourtant une pluralité d'applications, alors que la politique peut être de ce point de vue impuissante.

Faut-il alors admettre que la politique n'est qu'un vague savoir-faire empirique, une sorte de technique ou d«< art » approximatif dont la réussite est soumise à des conditions sur lesquelles elle n'a pas de maîtrise ? [I.

Du côté de la science] Lorsque Platon élabore ce que devrait être une cité juste, il prévoit que le pouvoir y appartiendra aux «philosophes dirigeants ».

C'est que ces derniers sont en effet parvenus, au terme d'un long parcours, à la connaissance du Bien, et seront capables d'en tenir compte pour diriger les affaires publiques.

L'appropriation d'une « science » — évidemment différente de ce que nous nommons ainsi — les rend aptes à la direction des hommes.

On doit toutefois noter que la mise en application du savoir ne va pas sans perte : le passage de l'Idée dans la cité soumise au temps implique une dégradation.

Bien que de tels dirigeants prennent soin d'assurer l'étanchéité des différentes catégories sociales, et s'autorisent, pour le bien de tous, à truquer notamment les unions, la cité est condamnée à ne pas demeurer parfaite : l'alliance du savoir et d'un certain « art » nécessaire à l'appliquer semble impuissante pour lutter contre la corruption inhérente à tout le monde sensible. Bien que plus personne n'adhère au modèle platonicien de la justice, et que l'on reproche volontiers à la cité juste de ressembler à un camp de concentration, on peut sans doute retenir de Platon la différence qui existe entre la connaissance pure de ce qui doit être fait, et les aléas de sa mise en application : la science politique (au sens strict, il ne s'agit encore que d'organiser une polis) est obligée de mettre en pratique quelques ruses pour atteindre les buts qu'elle se donne.

Science et art sont alors liés dans la réalité de la vie politique, même si l'on peut les distinguer d'un point de vue plus théorique. Mais notre science n'est plus celle de Platon, et sa «leçon » n'est peut-être, pour cette raison, plus d'actualité.

Il n'en reste pas moins que l'on évoque volontiers l'existence de « sciences politiques », auxquelles il serait même possible de se former.

Faut-il comprendre que la politique constitue en elle-même une science, ou que sa pratique peut s'appuyer sur d'autres sciences, auxquelles elle emprunte des éléments de son « savoir » ? [II.

Repérage de la politique] Pour répondre à cette question, il est d'abord nécessaire de cerner en quoi consiste la politique.

Dans les sociétés contemporaines, elle implique une séparation entre l'ensemble des citoyens et leurs dirigeants.

D'un point de vue démocratique, cette différence n'est aucunement synonyme d'une opposition : les dirigeants ne sont au contraire que les représentants (élus, dans la plupart des cas) de l'ensemble de la population.

On peut alors admettre que la politique consiste à diriger l'ensemble de la nation, en ayant en vue le bien de tous.

Une telle conception doit sans doute beaucoup à ce qu'énonce Rousseau dans son Contrat social, ou du moins à une interprétation démocratique de ce dernier : c'est dans cet ouvrage que le concept de « volonté générale» devient insistant, et qu'il apparaît qu'elle est nécessairement liée à un bien lui aussi « général ».

Rousseau lui-même, dans l'introduction de son texte, souligne que, s'il devait faire de la politique, il ne se mêlerait pas d'en faire la théorie : il ferait ce qu'il convient de faire, et se tairait.

Ce qui ne peut signifier qu'une chose : si le dirigeant ne doit pas faire de théorie, c'est qu'il doit déjà la connaître — et peut-être est-ce aussi ce qui le distingue des citoyens de base, qui en savent cependant assez pour juger son action, et la sanctionner éventuellement. Un tel savoir peut-il être assimilé simplement à une science ? Si l'on prend ce terme au sens qu'il a usuellement aujourd'hui, les conséquences ne sont pas nécessairement toutes positives.

D'un côté, l'idée d'une politique scientifique a sans doute quelque chose de rassurant : elle semble impliquer une certitude dans l'action et dans sa réussite, et la connaissance sans faille de ce qu'il convient de faire.

Mais, d'un autre côté, lorsqu'on admet l'existence de relations entre la science et le pouvoir, c'est pour indiquer aussi que la science donne le pouvoir d'agir sur le domaine auquel elle s'intéresse : faudrait-il admettre qu'il appartient au personnel politique de transformer la population au nom de laquelle il exerce son action ? On se retrouve là dans une situation qui rappelle celle de la cité platonicienne : les dirigeants auraient en effet la possibilité, ou pour tâche, de transformer « le peuple », dans la mesure où ce dernier ignorerait la nature du bien commun ou les moyens de le réaliser – ce qui contredit le fondement même de la mentalité démocratique, et se rapproche de ce que Burnham a nommé la « technocratie », système dans lequel le pouvoir appartiendrait en effet à des « experts » en différents domaines, tandis que le peuple stagnerait dans l'ignorance.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles