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La philosophie peut-elle se passer de la foi ?

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« [L'homme est une fin pour lui-même. La raison philosophique suffit à donner un sens à son existence.

La foi est figée.

La philosophie avance.

Elle agit, ici et maintenant, en faveur de l'existence humaine.] Dès ses origines, la philosophie s'est affranchie de la foi – La naissance de la philosophie grecque, aux VIe-Ve siècles avant J.-C.

correspond à une remise en cause de la valeur des mythes grecs, à la fois dans leur vertu explicative des origines du monde et dans leur rôle de légitimation de l'ordre social (justifiant la domination des prêtres et des familles nobles sur les autres). – Remplacement du discours dit « d'autorité », conféré aux puissants et aux religieux, par un discours où chacun à un rôle équivalent et un droit égal à la parole. – « La parole n'est plus le mot rituel, la formule juste, mais le débat contradictoire, la discussion, l'argumentation.

Elle suppose un public auquel elle s'adresse comme à un juge qui décide en dernier ressort, à mains levées, entre les deux partis qui lui sont présentés », J.-P.

Vernant, Les Origines de la pensée grecque. Ce qui distingue la philosophie du mythe, de la religion, et même de la simple sagesse, c'est qu'elle se fonde sur le Logos, c'est-à-dire un examen et un discours fondés en raison.

La rationalité du Logos est une expression autonome de l'intelligence humaine.

Les premiers philosophes grecs ont revendiqué une telle autonomie en s'opposant à la religion traditionnelle. Croire en Dieu procède du sentiment.

Croire, ce n'est pas savoir.

Aussi est-elle souvent opposée à la raison. Toutefois, on peut penser que comme la raison, la religion tente de rendre compréhensible, intelligible le monde.

En cela, la religion peut être rapprochée du mythe.

En effet le mythe offre une explication concernant les grandes interrogations métaphysiques et existentielles.

Mais la présence d'une part d'irrationnel et d'imaginaire dans les croyances religieuses, tout comme l'arbitraire apparent dans des rites et des cultes, peut conduire à ne voir dans le fait religieux qu'une forme de superstition.

Épicure, par exemple, nous dit que les religions sont tissées de superstitions absurdes dont la philosophie matérialisme peut nous défaire.

Dans la Lettre à Ménécée, il montre que les croyances de la multitude reposent sur une conception fausse de la divinité. La foi n'est qu'une espérance Ludwig Feuerbach a été l'un des premiers penseurs à montrer avec autant de force que l'homme n'a cessé de se déposséder de son propre esprit pour l'attribuer à Dieu.

Ce faisant, plus sa foi en Dieu était grande, plus il méprisait sa propre existence.

La foi est espérance, mais une espérance toujours déçue.

Seule la foi en l'homme est réellement salvatrice. La religion s'enracine dans le sentiment du sacré.

Mais dans la société moderne, depuis le triomphe de la bourgeoisie, il semble que ce sentiment du sacré se soit évanoui ou ait été perverti.

Feuerbach est l'un des premiers philosophes à avoir pris toute la mesure du caractère profane de notre société.

Il reconnaît que les hommes se sont si bien « appropriés » « le vrai », « l'humain » et « l'antisacré » que le « christianisme a perdu toute force de résistance ».

Le christianisme, écrit-il, « est nié », « nié dans l'esprit et le coeur, dans la science et la vie, dans l'art et l'industrie, radicalement, sans appel ni retour » : « L'incroyance a remplacé la foi, la raison la Bible, la politique la religion et l'Eglise, la terre a remplacé le ciel, le travail la prière, la misère matérielle l'enfer, l'homme a remplacé le chrétien ».

Et, ajoute Feuerbach, « si dans la pratique l'homme a remplacé le chrétien, il faut alors que dans la théorie aussi l'être humain remplace l'être divin ».

Ce qui signifie que la philosophie doit cesser d'être « théologie » pour devenir « anthropologie ».

Dans « L'essence du christianisme », Feuerbach montre que, dans la religion, l'homme est aliéné, cad dépossédé de lui-même, de sa propre essence.

La religion n'est jamais que le mystère de l'homme fait Dieu.

Autrement dit, ce ne sont jamais que ses propres perfections et ses propres attributs que l'homme adore en Dieu.

L'homme s'est ainsi dépouillé de son être pour l'attribuer à une réalité étrangère, Dieu : « Pour enrichir Dieu, l'homme doit s'appauvrir ; pour que Dieu soit tout, l'homme doit n'être rien » (« L'essence du christianisme ») La religion est « la première conscience de soi de l'homme, mais elle est indirecte ».

En elle, l'homme « a pour objet son propre être sous forme d'un autre être ».

La religion chrétienne est « la relation de l'homme à lui-même, ou plus exactement à son essence, mais à son essence comme à un autre être ».

Aussi la tâche de la philosophie est-elle de faire reconnaître à l'homme sa propre essence au lieu qu'il adore en un autre être, nommé Dieu.

Pour Feuerbach, il y a du divin, car le savoir ou l'amour sont choses divines mais il n'y a pas de Dieu.

Il peut donc exister une religion sans Dieu. Le véritable athée est seulement « celui pour lequel les prédicats de l'être divin, comme par exemple l'amour, la sagesse, la justice, ne sont rien, et non pas celui pour lequel seul le sujet de ces prédicats n'est rien ».

Il ne suffit donc pas de nier l'existence de Dieu ou « le sujet de ces prédicats » pou être athée, il se propose seulement de renverser la théologie en intervertissant le sujet et le prédicat : au lieu de dire « Dieu est sage et bon », il dit « l'homme est sage et bon ».

Feuerbach substitue donc à la religion de Dieu celle de l'homme. Autrement dit, l'homme doit adorer en lui-même les qualités qu'aucun individu ne peut sans doute réaliser entièrement, mais qui sont cependant celles de l'espèce humaine.

Réaliser l'essence humaine est l'affaire de la politique.

Cette finalité est en son fond religieuse,. »

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