La philosophie peut-elle être populaire ?
Extrait du document
«
[Il faut que la philosophie garde le contact
avec la rue et qu'elle touche chacun d'entre nous.
Réservée aux spécialistes, elle risque de perdre sa raison
d'être pour n'être plus qu'un pur exercice verbal.]
Le philosophe doit s'engager politiquement
Le savoir et l'acuité intellectuelle qui découlent de l'étude philosophique font obligation à ceux qui les ont acquis de se consacrer à la direction des
affaires publiques.
Par exemple, le philosophe de la République de Platon a pour devoir de « redescendre dans la caverne » (livre VII) pour éclairer ses
concitoyens.
De lui-même, il serait plutôt enclin à éviter les charges politiques pour se consacrer à ses réflexions théoriques, mais cette obligation
est comme la rançon de sa science.
On peut même considérer, à l'instar de Jean-Paul Sartre dans l'Existentialisme est un humanisme, que l'engagement politique est moins un impératif
contraignant qu'une véritable vocation.
La confrontation de ses pensées avec la réalité sociale est, pour le philosophe, une étape indispensable à la
construction de sa pensée : elle le rappelle à la réalité et à ses responsabilités.
La philosophie concerne chacun d'entre nous
Il faut que la philosophie réponde aux questions que se pose l'homme de la rue, qu'elle suscite des débats.
Le plus pure des philosophes est celui qui
s'adresse à tous.
Par exemple, Socrate s'entretenait avec les citoyens et même les esclave d'Athènes.
Socrate se comparait volontiers à sa mère qui
était sage-femme.
Il n'enseignait rien mais se contentait d'« accoucher» les esprits, de les aider à mettre au jour les problèmes et les difficultés qu'ils
portaient en eux-mêmes.
Socrate est le philosophe par excellence en ceci précisément qu'il n'enseigne rien mais nous fait réfléchir.
Confier la
philosophie aux spécialistes serait le meilleur moyen de causer sa perte, car elle finirait par n'être plus qu'une querelle de mots.
[La philosophie, lorsqu'elle se popularise, devient affaire
de mode, soulève des polémiques, et ne peut, en fin de
compte, que retomber dans le néant.
Il faut donc confier
la chose philosophique à des spécialistes.]
On n'écoute plus les vrais philosophes
La demande philosophique est aujourd'hui très forte: de tous côtés, on réclame de la philosophie.
Cependant, on fait appel à des personnalités
médiatiques, à des poeple au lieu de s'adresser à des penseurs dignes de ce nom.
La philosophie tend alors à se populariser, à suivre la mode et à
devenir affaire d'éloquence plutôt que de raison.
On pourra prendre pour exemple, le développement des cafés-philo ou le succès rencontre par des
vulgarisateurs tel Michel Onfray.
La philosophie devient une affaire d'éloquence verbeuse et surtout une affaire marchande.
La philosophie est affaire de spécialistes, le philosophe ne doit pas s'engager.
La philosophie est une affaire de spécialistes.
Personne n'accuse le mathématicien de ne pas être compris par les non-spécialistes.
Pourquoi, alors, le
philosophe devrait-il être compris de tous pire devenir populaire ?
Sous peine de périr, la philosophie doit au contraire jouir d'un véritable statut d'extraterritorialité à l'égard des querelles politiques.
Sa pratique exige
en effet du temps et de la liberté que la vie politique, domaine par excellence de l'urgence, est incapable de lui accorder.
De plus, les convictions
politiques varient selon une conjoncture contingente.
Au contraire, le philosophe a pour tâche d'atteindre des principes nécessaires et éternels.
Il ne
doit donc pas s'engager, selon Plotin (Ennéade, II, 9), dans les affaires de la cité.
La philosophie rend celui qui l'étudie inapte à comprendre la « réalité effective » de la vie politique, selon Machiavel (Le Prince, chapitre XV).
Dès qu'il
se mêle de politique, le philosophe se contente d'utopies et de déclarations morales.
Il est incapable de préserver la cité de ses ennemis.
Philosopher
en politique est le plus sûr moyen de nuire à sa propre cité.
Il est pourtant fort simpliste d'opposer ainsi la cité réelle à la « République des
Philosophes ».
[]
Jacques Bouveresse défend un certain nombre d'idées que la communauté philosophique ne partage pas forcément.
Il pense notamment que le
philosophe est un spécialiste et qu'il n'est pas donné à tout le monde de comprendre les travaux de ce dernier.
A la suite de l'écrivain autrichien
Robert Musil, Bouveresse dénonce la dérive que connaît la philosophie à notre époque: si Platon revenait aujourd'hui parmi nous, on en arriverait vite, dit-il, à réduire son temps d'antenne et à lui reprocher son attitude élitiste.
Ce que
Bouveresse tente de montrer, c'est qu'on a travesti la philosophie: ceux qui aujourd'hui tentent de la pratiquer à la manière de Kant ou de Spinoza,
c'est-à-dire de façon sérieuse et durable, sont accusés d'élitisme, alors que ceux qui font des exercices d'éloquence dans les cafés passent pour des
disciples de Socrate..
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