La philosophie est-elle compatible avec l'enseignement politique ?
Extrait du document
«
La vie de la cité paraît bien éloignée des universités et des bibliothèques où débattent et étudient les
philosophes.
Ces derniers doivent-ils pour autant vivre en dehors de la politique et de ses controverses.
[Il ne sert à rien de se consacrer à la philosophie
si c'est pour rester passif au niveau politique.
La réflexion
philosophique doit déboucher sur une morale politique
et sur une action concrète au sein de la cité.]
La philosophie est toujours politique
Le savoir et l'acuité intellectuelle qui découlent de l'étude philosophique font obligation à ceux qui les ont
acquis de se consacrer à la direction des affaires publiques.
Par exemple, le philosophe de la République de
Platon a pour devoir de « redescendre dans la caverne » (livre VII) pour éclairer ses concitoyens.
De luimême, il serait plutôt enclin à éviter les charges politiques pour se consacrer à ses réflexions théoriques, mais
cette obligation est comme la rançon de sa science.
« Tant que les philosophes ne seront pas rois dans les cités, ou
que ceux qu'on appelle aujourd'hui rois et souverains ne seront
pas vraiment et sérieusement philosophes [...] il n'y aura de
cesse aux maux des cités, ni, ce me semble, à ceux du genre
humain.
»
Ainsi que le rappelle Léo Strauss en tête de son ouvrage « La cité et
l'homme », la tradition tient Socrate pour le fondateur véritable de la
philosophie politique.
Cicéron aurait dit de lui qu'il « fut le premier à
faire descendre la philosophie du ciel pour l'établir dans les cités, pour
l'introduire également dans les foyers, et pour l'obliger à faire des
recherches sur la vie et les manières des hommes aussi bien que sur le
bien et le mal ».
en ce sens, il n'est pas d'histoire de la pensée politique
qui ne doive commencer avec ce livre majeur que constitue la
« République ».
Rédigé par Platon, ce livre expose la conception de la justice de
Socrate.
Tout y est présenté sous la forme habituelle mais hautement
complexe du dialogue.
Répondant aux questions de ses interlocuteurs,
Socrate développe une image de la cité idéale.
Socrate n'est-il que le
porte-parole de Platon, un simple personnage dont le philosophe se
sert pour exprimer ses propres idées tout en restant masqué ? A
l'inverse, Platon n'est-il rien d'autre que le fidèle secrétaire du maître dont il se contente de noter
scrupuleusement la pensée ? Et dans ce jeu mobile et contradictoire où s'enchaînent et s'entraînent questions
et réponses sans que l'ironie soit jamais totalement absente, est-il seulement légitime de dégager une
doctrine ? Derrière la fausse simplicité d'une conversation entre philosophes, l'art du dialogue soulève
d'insurmontables difficultés qu'il nous faudra ici ignorer pour tenter de cerner l'image du politique qui se dégage
de la « République ».
Dans cet ouvrage, Socrate présente donc l'idée qu'il se fait de la cité idéale.
Il décrit une société fortement
hiérarchisée au sein de laquelle les « gardiens » forment une classe dans laquelle règne une communauté
parfaite.
Au livre V, Glaucon, qui est l‘un de ses principaux interlocuteurs, demande à Socrate si une cité
aussi parfaite que celle qu'il a décrite peut exister dans la réalité.
Avec beaucoup de prudence, car il sait ce
que sa réponse peut avoir de ridicule et de scandaleux, Socrate répond qu'une seule réforme est nécessaire à
qui veut changer radicalement la société: il suffit que se conjuguent le pouvoir politique et la philosophie.
Socrate déclare : « Tant que les philosophes ne seront pas rois dans les cités, ou que ceux qu'on appelle
aujourd'hui rois et souverains ne seront pas vraiment et sérieusement philosophes ; tant que la puissance
politique et la philosophie ne se rencontreront pas dans le même sujet ; tant que les nombreuses natures qui
poursuivent actuellement l'un ou l'autre de ces buts de façon exclusive ne seront pas mises dans l'impossibilité
d'agir ainsi, il n'y aura de cesse, mon cher Glaucon, aux maux des cités, ni, ce me semble, à ceux du genre
humain, et jamais la cité que nous avons décrite tantôt ne sera réalisée, autant qu'elle peut l'être, et ne verra
la lumière du jour..
»
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