La philosophie doit-elle aller contre le sens commun ?
Extrait du document
«
Introduction
Dès le début du Discours de la Méthode, Descartes affirme que le «bon sens» est la chose du monde la mieux
partagée.
Mais pour très vite déplorer qu'il soit presque toujours utilisé à mauvais escient et n'aboutisse qu'à des
erreurs communément partagées.
C'est par cet énoncé fracassant que Descartes ouvre le « Discours
de la méthode, pour bien conduire sa raison et chercher la vérité dans
les sciences ».
Ce texte est le premier livre de philosophie en langue vulgaire, cad en
français.
Écrire en français un ouvrage de philosophie et de science, que
« même les femmes pourraient comprendre », manifeste une volonté de
démocratisation du savoir ; c'est vouloir que le plus grand nombre de lecteurs
possible soit touché par la véritable révolution qu'il prépare.
Nous oublions souvent que le « Discours » n'est qu'une petite préface à trois
gros essais scientifiques qui intéressaient les contemporains beaucoup plus
que le « Discours ».
Cet ouvrage paraît en 1637, à peine quatre ans après le procès de Galilée.
Galilée fut traduit devant un tribunal de l'Inquisition pour avoir confirmé
l'hypothèse de Copernic selon laquelle « ce n'est pas le Soleil qui tourne
autour de la Terre, mais la Terre qui tourne autour du Soleil, et sur ellemême ».
Or, cette révolution scientifique, qui signe une révolution dans la façon de
voir le monde et d'y définir la place de l'homme.
Descartes en est partie
prenante.
Il pratique la physique comme Galilée et aboutit à des thèses aussi « dangereuses ».
Les résultats
scientifiques et philosophiques auxquels il est parvenu, Descartes veut les livrer au public, en français.
Le « bon sens » est synonyme de « raison », cela veut dire que «la raison est naturellement égale en tout homme »,
que chacun possède « la puissance de bien juger et de distinguer le vrai d'avec le faux ».
Car cela signifie, après
tout, que si ma mémoire ou mon imagination sont moins étendues que celles de Descartes ou d'Einstein, ils n'ont
pas plus de raison que moi !
Cependant, un lecteur scrupuleux du « Discours » est assez vite désarçonné par la justification que Descartes
donne de sa thèse : la preuve que la raison est égale en tout homme, c'est que si l'on désire être plus riche, ou
avoir plus de mémoire, personne ne désire avoir plus de raison.
C'est notre orgueil qui fournit la preuve.
En fait, ce qui intéresse Descartes, n'est pas cette égalité de la raison.
Ce thème est déjà à l'époque un lieu
commun.
Ce n'est pas avec cette thèse que commence le cartésianisme, mais avec le problème suivant : « La
diversité de nos opinions ne vient pas de ce que les uns sont plus raisonnables que les autres » ; ou encore, si la
raison est égale en chacun, comment se fait-il que « autant de têtes autant d'avis », que certains se trompent et
d'autres pas ? La vraie question est là, la véritable thèse de Descartes suit : « Ce n'est pas assez d'avoir l'esprit
bon, mais le principal est de l'appliquer bien.
»
L'essentiel réside donc dans la méthode.
« Méthode » est un mot qui vient du grec et qui signifie à l'origine
« chemin » : c'est la voie qu'on emprunte pour mener sa pensée, pour ne pas s'égarer.
Si tous les hommes ont une
raison égale, savent également marcher, il semble clair à Descartes que certains s'égarent, se perdent, dissipent
leurs forces.
Il y a une sorte d'obsession cartésienne à ne pas se perdre.
Pour un savant ou un philosophe qui,
comme lui, sort des sentiers battus et balisés de la tradition, rien ne saurait être plus important que de ne pas
s'égarer dans les terres inconnues à découvrir.
Aussi trouve-t-on chez Descartes une magnifique définition de la méthode :
« Par méthode, j'entends des règles certaines et
faciles, grâce auxquelles tous ceux qui les observent
exactement ne supposeront jamais vrai ce qui est
faux, et parviendront sans se fatiguer en efforts
inutiles, mais en accroissant progressivement leur
science, à la connaissance vraie de tout ce qu'ils
peuvent atteindre.
»
« Règles pour la direction de l'esprit » (IV).
La méthode garantit donc :.
»
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