La passion est-elle spirituelle ?
Extrait du document
«
La passion est spirituelle.
— En refusant de séparer la passion et la liberté, la nature et l'esprit, nous entrevoyons une réhabilitation de la
passion.
Elle n'est plus un simple instrument qu'un esprit extérieur et supérieur à elle utiliserait.
Elle peut être habitée
de l'intérieur par une aspiration vers la grandeur ou l'absolu.
Tout comme certaines passions attestent une
déchéance, d'autres peuvent être le signe d'une élévation.
La passion n'est pas subie ; elle n'est pas l'action
mécanique provoquée par un objet extérieur.
Elle est suscitée par l'appel intérieur vers un absolu, par une disposition
de l'esprit qui accueille cet appel.
— C'est ainsi que Platon dans Le Banquet interprète la passion amoureuse comme un désir du Beau.
Certes la
passion peut ignorer sa propre signification.
Elle peut croire que sa raison d'être est dans les objets successifs
auxquels elle s'attache.
On peut même penser que cette illusion est le propre de la passion.
Le passionné est
toujours porté à croire que l'objet auquel il s'attache est la véritable réalité.
C'est du reste ce caractère illusoire qui
motive une certaine dévalorisation de la passion.
Mais lorsqu'elle se fait philosophe, la passion découvre que ce qui la
meut n'est point un objet extérieur, mais un appel intérieur.
Ainsi l'amoureux devenu philosophe découvrira, selon
Platon, qu'à travers les beautés périssables, c'est à la Beauté inaltérable qu'il aspire.
— Cette liaison de la passion et de l'absolu explique sans doute le caractère insatiable, exclusif, de la passion.
Ce
caractère, on le retrouve jusque dans les passions les plus tristes, les plus opposées aux exigences de l'esprit.
Comme si en se détournant de l'absolu, elles en subissait encore l'influence.
La conscience du vide de l'existence —
qui justifie que l'on se précipite avec avidité vers ce qui, faute de combler le vide, le rendra du moins plus supportable
— se fait sur le fond d'une aspiration.
Il n'y a de vide et d'ennui que pour qui attend quelque chose de l'existence.
— S'il en est ainsi, la passion ne sert pas les fins de l'esprit qui seraient extérieures à elle, mais elle est elle-même
proprement spirituelle.
Elle ne s'oppose pas davantage à la liberté, car l'aspiration comme la déchéance supposent un
acte par lequel le moi accueille ou se détourne d'un appel intérieur.
— C'est la maîtrise du désir qui permet de l'encourager.
«Toutes les passions ont une période où elles sont seulement néfastes, où
elles rabaissent leur victime de tout le poids de leur bêtise — et plus tard une
autre, beaucoup plus tardive, où elles se marient à l'esprit, se "spiritualisent".
[...] Nous n'admirons plus les dentistes qui arrachent les dents pour qu'elles
cessent de faire mal».
Nietzsche, Crépuscule des idoles (1888).
• Nietzsche résume bien ici le double aspect du désir: d'un côté il est néfaste,
mais de l'autre, il permet à l'homme d'accéder au meilleur de lui-même.
Comme
Rousseau, il condamne les philosophies ou les religions qui veulent éradiquer le
désir comme si c'était une rage de dents.
De nos jours, arracher une dent qui
fait mal apparaît comme primitif.
On admire le dentiste qui sait la soigner sans
l'arracher.
Il en va de même avec le désir, il faut le «soigner» pour lui permettre
de durer.
Il est la vie et le vrai bonheur, mais à condition d'être cultivé, comme
une plante.
• «Comment spiritualiser, embellir, diviniser un désir?» Telle est la vraie
question pour Nietzsche.
Et la réponse, pour lui, se trouve du côté de l'art et de
l'écriture: c'est dans l'art en effet, dans la musique par exemple, que le désir
peut se déployer et se transformer indéfiniment, et cesser d'être une simple
compulsion morbide.
Mais cela suppose l'éducation et la culture de soi.
C'est la maîtrise du désir qui permet de l'encourager.
«Toutes les passions ont une période où elles sont seulement néfastes, où elles rabaissent leur victime de tout le
poids de leur bêtise — et plus tard une autre, beaucoup plus tardive, où elles se marient à l'esprit, se "spiritualisent".
[...] Nous n'admirons plus les dentistes qui arrachent les dents pour qu'elles cessent de faire mal».
Nietzsche, Crépuscule des idoles (1888).
• Nietzsche résume bien ici le double aspect du désir: d'un côté il est néfaste, mais de l'autre, il permet à l'homme
d'accéder au meilleur de lui-même.
Comme Rousseau, il condamne les philosophies ou les religions qui veulent
éradiquer le désir comme si c'était une rage de dents.
De nos jours, arracher une dent qui fait mal apparaît comme
primitif.
On admire le dentiste qui sait la soigner sans l'arracher.
Il en va de même avec le désir, il faut le «soigner»
pour lui permettre de durer.
Il est la vie et le vrai bonheur, mais à condition d'être cultivé, comme une plante.
• «Comment spiritualiser, embellir, diviniser un désir?» Telle est la vraie question pour Nietzsche.
Et la réponse, pour
lui, se trouve du côté de l'art et de l'écriture: c'est dans l'art en effet, dans la musique par exemple, que le désir peut
se déployer et se transformer indéfiniment, et cesser d'être une simple compulsion morbide.
Mais cela suppose
l'éducation et la culture de soi..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Maine de Biran écrit dans son journal, en 1822 : « Une personne que je croyais spirituelle me niait aujourd'hui qu'il y ait énergie sans passion et elle paraît avoir lié étroitement ces deux idées. J'ai soutenu fortement que là où il y avait passion entr
- ALAIN : toute passion est malheureuse
- HEGEL : rien de grand sans passion
- Peut-on parler de conflit entre la raison et la passion ?
- Une passion peut-elle durer ?