La paix n'est-elle qu'absence de guerre ?
Extrait du document
«
La guerre est une notion politique qui désigne un état de lutte armée entre groupes sociaux ou entre Etats.
A
ce titre la paix se donne bien de prime abord comme l'absence de guerre, puisque la paix désigne précisément sur le
plan politique la situation d'une nation ou d'un Etat qui est exempt de conflits armés, tant du point de vue interne
(absence de guerre civile) qu'externe (guerre avec d'autres Etats).
Le problème est qu'en envisagent les choses de
la sorte on tient pour acquis que l'absence de guerre est une condition suffisante pour garantir la paix.
Or il se
pourrait que l'absence de guerre ne soit en réalité qu'une condition nécessaire mais non suffisante pour garantir la
paix.
Autrement dit il se pourrait que la paix puisse se définir partiellement comme l'absence de guerre, mais qu'elle
exige en plus davantage que l'absence de guerre.
En effet il semble par exemple difficile de dire qu'un Etat qui est
sous le coup d'une menace de guerre imminente soit véritablement et pleinement en paix (de la même façon qu'un
individu qui peut encore jouir de sa liberté de mouvement mais qui risque de se faire arrêter à tout moment n'est pas
pleinement libre).
La paix véritable devrait donc ne pas être seulement un état passager, mais garantir la paix à
venir.
I.
La paix peut être envisagée comme l'absence de la guerre, car dans les relations entre les hommes, la
guerre précède la paix
Pour poser le problème de savoir si la paix est une simple absence de guerre, on peut se demander dans
quels rapports se trouvent les hommes, lorsqu'ils sont guidés par leurs
penchants naturels.
Hobbes considère que ce rapport initial est une guerre
généralisée de chacun contre tous.
En effet dans l'état de nature, c'est-àdire avant l'état civil, aucune loi n'existe pour brimer la puissance de chaque
individu, si bien que le droit naturel de chaque individu s'étend aussi loin que
sa force le lui permet.
Cela signifie que si un individu a la force d'en voler ou
d'en tuer un autre, il peut le faire (car aucune loi ne le lui interdit).
Or décrire
ainsi l'état de nature, c'est dire que le premier type de rapport que les
hommes ont entre eux, c'est la guerre.
Dans le chapitre 17 du Léviathan,
Hobbes explique que la seule façon d'obtenir la paix est que tous les hommes
se soumettent à une personne unique, appelée le Souverain, qui concentre
tout le pouvoir.
La guerre cesse alors d'un coup, parce que le pouvoir
souverain édicte des lois, obligeant les individus à ne plus se nuire les uns aux
autres.
Dans cette perspective la paix est bien assimilable à l'absence de
guerre.
« Aussi longtemps que les hommes vivent sans un pouvoir commun qui
les tienne tous en respect, ils sont dans cette condition qui se nomme
guerre, et cette guerre est guerre de chacun contre chacun.
Car la
guerre ne consiste pas seulement dans la bataille et les combats effectifs ; mais dans un espace de temps
où la volonté de s'affronter en des batailles est suffisamment avérée : on doit par conséquent tenir
compte, relativement à la nature de la guerre, de la notion de durée, comme on tient compte,
relativement à la nature, du temps qu'il fait.
De même en effet que la nature du mauvais temps ne réside
pas dans une ou deux averses mais dans une tendance qui va dans ce sens, pendant un grand nombre de
jours consécutifs, de même la nature de la guerre ne consiste pas dans un combat effectif, mais dans une
disposition avérée, allant dans ce sens, aussi longtemps qu'il n'y a pas d'assurance du contraire.
Tout
autre temps se nomme paix.
» HOBBES
Hobbes, dans ce texte, définit la guerre d'une manière qui peut étonner car sa définition ne rejoint pas celle que l'on
a habituellement.
Ce contraste commande l'ordre de ses idées.
Définition négative : la guerre n'est pas seulement l'acte violent qui oppose les hommes, "bataille" ou "combats
effectifs".
Ces actes sont momentanés et objectivement repérables.
Définition positive : la guerre est la disposition avérée des volontés à s'affronter en batailles.
Ces volontés, le texte
le précise, sont celles de "chacun contre chacun" Elle consiste plus en une manière d'être vis-à-vis des autres que
dans les actes qui la traduisent.
Or une manière d'être est une tendance qui peut rester longtemps latente avant de
passer à l'acte.
Insister sur l'opposition des termes : "momentanés""longtemps" et "objectivement
repérables""latente".
Conséquence : il faut pour définir la guerre introduire "la notion de durée" ou "espace de temps".
Éclaircissement de cette dimension de la définition par une analogie avec la nature.
Ce que l'on appelle "mauvais
temps" ne réside pas uniquement dans le fait d"une averse ou deux averses", mais dans la "tendance"
météorologique qui promet d'éventuelles averses.
Ce qui est vrai de la nature est applicable à notre sujet : de
même, la guerre n'est pas le combat de fait, mais la tendance des volontés à éclater éventuellement en combats,
que Hobbes désigne par le terme "disposition".
Mais poursuivons l'analogie : de même que la tendance au mauvais temps ne dure pas indéfiniment, la disposition à
la guerre peut prendre fin.
A quelles conditions ? Le texte répond : "aussi longtemps qu'il n'y a pas d'assurance du
contraire".
Quel est le sens de cette expression ? Le début du texte le révèle : ce qui assure du contraire de l'état
de guerre, c'est "un pouvoir commun qui les tiennent tous en respect".
La condition nécessaire au passage à un
temps de paix est donc la contrainte qu'exerce sur chacun des hommes un pouvoir qui s'impose à tous.
Conséquence sur la condition de l'homme : chaque individu a en lui une disposition à la guerre contre autrui, et seul.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Trêves et paix dans la guerre de Cent Ans
- Faire la guerre faire la paix
- Thème 2 HGGSP Thème 2 : Faire la guerre, faire la paix
- La nature humaine conduit-elle chaque individu à la paix ou à la guerre ?
- l'état de nature est-il un état de paix ou de guerre ?