La notion de justice
Extrait du document
«
I.
Le mot même de « justice » implique une idée de rigueur rationnelle et quasi mathématique.
Songez que la justice
n'est que la
justesse en matière de morale.
Évoquez le symbole de la balance, les termes équité, égalité.
La rectitude, la droiture
définissent une ligne géométrique et aussi la conduite de l'homme juste.
II.
La justice est le respect rigoureux des droits de chacun (justicia vient de jus, droit).
C'est le fait d'accorder à
chacun son droit (jus suum cuique tribuere).
Ainsi la justice raisonnable exige avant tout que chaque individu ne
compte que pour un.
Tandis que l'égoïsme nous persuade de tout réclamer pour nous seuls, la justice substitue la
raison à cette spontanéité biologique : à chacun sa part, dit-elle.
Il faut tenir compte des autres et partager avec
eux selon une juste proportion.
III.
La justice est la vertu des distributions et des partages.
On distingue traditionnellement :
a) la justice commutative qui préside aux échanges et qui est strictement mathématique.
Un échange est juste
lorsque les deux termes échangés ont la même valeur (c'est-à-dire lorsque chacun d'eux est échangeable contre le
même troisième).
b) la justice distributive.
Cette justice établit une égalité entre les rapports de quatre termes (deux choses et deux
personnes).
Le bon candidat recevra la bonne note, le mauvais candidat la mauvaise note.
c) la justice répressive.
Elle proportionne les sanctions à la gravité de la faute.
Sous sa forme primitive, elle tient
compte seulement de l'importance du dommage.
C'est la loi du talion, véritable équation : oeil pour oeil, dent pour
dent; une justice plus évoluée tient compte des intentions du coupable et proportionne la punition à la mauvaise
volonté de celui-ci plutôt qu'à l'importance des dégâts.
La justice selon Aristote.
S'il y a lieu de distinguer les vertus morales et les vertus intellectuelles (ou
dianoétiques, de discernement), la justice s'apparente aux premières (la vertu
éthique et la justice supposent même disposition) et aux secondes (un acte
de l'intelligence intervient, qui évalue, rectifie, met en relation).
Elle a trait à
notre conduite envers les autres hommes.
On ne saurait être « juste » ou «
injuste » envers soi-même (Éthique à Nicomaque, V, 15, 1138 a 26).
Comme
l'a vu Platon, c'est la vertu toute entière.
Mais en un sens plus spécial, c'est
elle qui préside aux partages (justice « distributive ») ; c'est elle aussi qui
redresse (justice « réparatrice ») ce qui a été faussé lorsqu'un tort a été
causé ; enfin elle intervient pour régler les échanges et les transactions
commerciales.
La justice distributive préside à la répartition des charges, des biens et des
honneurs dans la cité.
Elle ne procède pas selon l'égalité arithmétique, car elle
tient compte des inégalités effectives de mérite.
Le juste, alors, est
proportionnel aux services rendus et aux qualités manifestées par les
membres de la communauté politique, à leur degré de participation à la
réalisation du bien commun (Éthique à Nicomaque, V, 5, 1130 b 30).
En revanche la justice réparatrice ou corrective repose sur la stricte égalité.
On ne demandera pas si l'homme qui a subi un préjudice est un misérable et
s'il a été lésé par un homme de bien.
Ici, la justice doit procéder au rétablissement d'une égalité que le délit (vol,
coup, meurtre) a rompue ; le jugement ne fait pas acception des personnes.
Il ne s'agit pas de considérer la qualité
des parties, mais le délit.
Or le code ne s'applique pas tout seul ; il faut, pour appliquer l'universalité de la loi à la
singularité du cas, l'acte de juger, de rectifier (selon l'image implicite du droit) en tenant compte des circonstances,
en appréciant.
Aussi, venir devant le juge, est-ce venir devant la justice vivante.
La peine prononcée a quelque
chose d'une indemnité réparant autant que faire se peut l'échange injuste imposé à la victime.
La justice dans les échanges économiques a quelque chose de la justesse.
On échange des choses utiles, des
services.
L'échange peut-il tendre à la justice, quand les circonstances sont hétérogènes ? Comment rendre égaux
des biens échangés qui diffèrent qualitativement ? Le cordonnier devra-t-il fournir au maçon une quantité de
chaussures dont celui-ci n'aura pas l'usage en toute une vie ? La monnaie est instituée ; son nom le dit bien,
nomisma signifie la « chose légale », mais aussi « ce qui assure le partage » (de némô, partager).
Elle a pour
fonction d'assurer l'échange économique ; unité de mesure conventionnelle, elle n'est pas arbitraire : il faut que
toutes choses soient évaluées pour que chacun, alors qu'il est encore en possession de ses produits, puisse
échanger.
La monnaie permet de passer du troc (échange d'une marchandise contre une autre) à l'échange
proprement économique.
Cette région ne constitue pas le plus haut de la vie humaine, mais sans échanges, il n'y a
pas de vie sociale (ibid., V, 8).
IV.
L'exigence de justice implique donc qu'aucun des échangeurs en cas de partage, aucune des parties prenantes
en cas de distribution, ne soit lésé.
Proudhon écrivait magnifiquement : « La justice c'est le respect de la dignité
humaine en toutes les personnes.
» L'idée de justice implique, dit-on communément, l'égalité des personnes..
»
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