la nature entre ordre et désordre
Publié le 20/10/2022
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CPGE – ECT 2ème ANNEE
Plan :
Introduction
I- La nature est chaotique :
1- l’ordre, une illusion anthropomorphique :
2- Le chaos est le revers de la démesure :
2- Le chaos, produit de l’intervention humaine :
II- La nature, un idéal d’ordre :
1- La nature comme cosmos :
2- La nature comme mesure:
3- L’ordre de la nature, un ordre divin :
III- La nature, un lieu hétéroclite :
1- La nature comme principe dynamique:
2- Le chaos, une donnée originaire :
3- L’ordre rationnel de la nature :
Conclusion
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LYCEE Mohammed VI
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Définir la nature, en donner l’essence, c’est la situer par rapport au diptyque ordre//désordre.
Autrement dit, la nature est-elle ordonnée ou chaotique ? C’est justement à cette question que répond
Nietzsche dans le Gai Savoir, en affirmant que « le caractère général du monde est (….) chaos (….) au sens
de l’absence d’ordre, d’articulation, de forme, de beauté, de sagesse et de tous nos anthropomorphismes
esthétiques quelque nom qu’on leur donne ».
Il entend privilégier une conception dévalorisante de la nature.
Il présente celle-ci comme un chaos.
C’est dire que la nature se définit relativement au désordre, un désordre
non pas uniquement cosmologique ou morphologique mais également moral.
Le chaos serait en ce sens la
règle générale dans une nature qui n’est pas un monde ordonné.
Nietzsche est dans une logique de définir la
nature, en en donnant une définition négative.
Il montre que celle-ci s’inscrit sous le signe de l’absence,
absence « d’ordre, d’articulation, de forme, de beauté, de sagesse… ».
Le propos de l’auteur du Gai Savoir
est une critique de toute tentative anthropomorphique d’attribuer à la nature des attributs humains (la
sagesse, la beauté), de la considérer comme un être organisé.
Pour ce faire, il s’attaque à cette manie de
l’homme qui se projette sur tout ce qui l’entoure, la nature en l’occurrence.
La thèse de Nietzsche va à
l’encontre de toute conception valorisante consistant à humaniser la nature.
Qu’est ce que l’auteur du Gai
savoir entend donc par nature ? Nietzsche cherche, par contre, à dévaloriser, à déshumaniser et à dédiviniser
la nature au sens de lui ôter la valeur que les Anciens lui ont attribuée, valeur humaine, esthétique, divine et
morale.
Dans une perspective nihiliste, il nie l’existence d’un ordre naturel.
Cela revient à dire que l’ordre
serait une exception dans la nature et non son « caractère général ».
Cette vision critique peut se lire comme
une tentative de retrouver la nature véritable, une nature pure et purifiée de tout préjugé humaniste et de
toute interprétation anthropomorphique.
Elle peut se lire également comme l’expression du refus de toutes
les conceptions qui visent à assigner à la nature une positionde supériorité (le vitalisme, le mécanisme, le
naturalisme, le panthéisme).
La nature n’est-elle plus donc cet idéal d’ordre, d’harmonie de beauté et de
bonté ? Dans cette perspective, on est en droit de se demander dans quelle mesure la nature peut être le point
d’intersection de deux surfaces distinctes, l’ordre et le désordre.
Pour ce faire, après avoir montré que la
nature est chaotique, nous verrons ensuite que celle-ci n’est pas totalement désordonnée et qu’elle peut
dénoter un certain ordre, avant d’affirmer enfin que la nature est un lieu d’articulation où s’entrecroisent
ordre et désordre.
I- La nature est chaotique :
Si pour Nietzsche, le chaos est le trait distinctif de la nature, c’est parce que l’ordre n’est qu’un
préjugé humain.
Le désordre de la nature est donc le revers d’un désordre moral mais aussi d’un ordre
fragilisé.
1- L’ordre, illusion anthropomorphique :
En effet, la nature n’est pas un monde ordonné.
L’ordre naturel est une illusion anthropomorphique.
C’est
du moins ce que Nietzsche affirme en défendant une conception nihiliste.
Il déclare dans Le Gai Savoir «
Gardons-nous de lui attribuer insensibilité et déraison ou leurs contraires : il n’est ni parfait, ni beau, ni
noble, et ne veut rien devenir de tout cela, il ne cherche absolument pas à imiter l’homme ! Il n’est nullement
concerné par aucun de nos jugements esthétiques et moraux ! Il ne possède pas non plus de pulsion
d’autoconservation, et pas de pulsions tout court ; il ne connaît pas non plus de lois ».
Ceci dit, l’homme
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tente d’humaniser la nature en y voyant un certain ordre.
Or, pour Nietzsche, celle-ci n’est ni un être vivant
ni une machine.
La nature doit donc être purifiée de toute interprétation anthropomorphique, que ce soit
valorisante, moralisante ou esthétisante.
De même, Plotin cherche à dépasser dans sa troisième Ennéade
l’anthropomorphisme.
Pour ce faire, il explique que la nature ne calcule ni ne combine comme le fait
l’ingénieur humain.
Elle ne dénote donc aucun ordre.
Spinoza, quant à lui, s’attaque, dans l'appendice à la
première partie de l'Éthique, à la conception finaliste de la nature.
Le finalisme qui valide généralement
l’idée de l’ordre n’est donc pour lui qu’un simple préjugé humain.
Le philosophe hollandais affirme, dans
cette perspective, que les hommes « ont dû se persuader qu'il existait un ou plusieurs directeurs de la nature,
doués de la liberté humaine, ayant pourvu à tous leurs besoins et tout fait pour leur usage.
» Il critique ainsi
la doctrine anthropomorphique qui consiste à considérer l’homme, fin ultime de toutes choses, comme un
principe régulateur en fonction duquel s’organisent tous les éléments de la nature.
L’ordre est donc le produit
du désir humain de se projeter sur la nature.
2- Le chaos est le revers de la démesure :
Au chaos physique, caractère général de la nature, s’ajoute, par ailleurs, un désordre moral.
Dans ce
même ordre d’idées, Baudelaire soutient dans son « Eloge du maquillage » que la nature est « une mauvaise
conseillère en matière de morale ».
C’est dire qu’elle constitue un lieu de dissolution, d’anarchie, de
dépravation, d’autant plus que « le mal se fait sans effort, naturellement, par fatalité ».
Le naturel ne peut
donc être assimilé ni au bien ni au beau.
L’auteur du Peintre de la vie moderne, affirme un peu plus loin
dans le même article que « l’artifice n’embellissait pas la laideur et ne pouvait servir que la beauté ».
L’art
permet de surpasser la nature grâce à l’artifice pour créer un univers plus beau que le monde réel.
La nature
n’est pas uniquement un désordre cosmologique mais elle est également une source de désordre morale.
On
peut remarquer à ce propos que Darwin considère la nature comme une jungle impitoyable, puisqu’elle est
déterminée par la survie du plus apte.
Il n’y donc aucune logique dans la nature.
Celle-ci ne peut pas régir
des lois morales.
L’auteur de la Sélection naturelle écrit dans une lettre « Je ne puis me persuader qu’un
Dieu omnipotent et plein de bonté aurait créé à dessein les ichneumonidés ».
L’existence de ces insectes
difformes et déplaisants remet en question l’idée d’une nature harmonieuse et belle.
La nature n’est plus,
d’après Darwin, cet idéal dont on rêve.
Il reste à savoir donc d’où vient cette dimension destructrice et
immorale que l’on attribue à la nature.
3- Le chaos, produit de l’intervention humaine :
En revanche, pour Aldo Léopold, la nature est un écosystème équilibré dont il faut connaître les
mécanismes et le fonctionnement pour ne pas en abuser.
Cela revient à dire que la nature dont il faut savoir
garder l’ordre risque de se transformer en espace nuisible.
Si cet écologiste américain défend une « éthique
de la terre » pour protéger l’équilibre de la nature, Hans Jonas prône lui aussi une éthique pour la nature et
l’âge technologique, en affirmant dans la Préface du Principe de responsabilité que « « Le Prométhée
définitivement déchaîné, auquel la science confère des forces jamais encore connues et l'économie son
impulsion effrénée, réclame une éthique qui, par des entraves librement consenties, empêche le pouvoir de
l'homme de devenir une malédiction pour lui.
La thèse liminaire de ce livre est que la promesse de la
technique moderne s'est inversée en menace, ou bien que celle-ci s'est indissolublement liée à celle-là.
Elle
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va au-delà du constat d'une menace physique.
La soumission de la nature destinée au bonheur humain a
entraîné par la démesure de son succès, qui s'étend maintenant également à la nature de l'homme lui-même,
le plus grand défi pour l'être humain que son faire n’ait jamais entraîné.
» Ceci dit, Les progrès des sciences
et des techniques ont doté l'homme d'une puissance inégalée sur la nature et les autres espèces vivantes.
Cependant, celui-ci est devenu une menace non seulement pour lui-même mais pour la biosphère toute
entière.
L’ordre naturel s’est changé donc en son contraire, puisqu’il est de plus en plus menacé par
l’intervention humaine.
C’est dans cette perspective que Luc Ferry inscrit le mouvement écologique.
Celui-ci
déclare à ce propos dans Le Nouvel ordre écologique que pour l’écologie la nature est un ordre qu’il faut
restituer, puisqu’il se trouve malencontreusement fragilisé par l’homme.
D’où la nécessité d’un retour à ce
monde ordonné et harmonieux.
Le désordre n’est pas donc une donnée originaire, mais c’est l’homme qui en
est responsable.
II- La nature, un idéal d’ordre :
La nature peut renvoyer, en contrepartie, à un système ordonné, harmonieux, cohérent, unifié au sein
duquel s’organisent tous les éléments de la nature.
1- La nature comme cosmos :
La conception naturaliste de la nature comme ordre trouve ses origines dans l’Antiquité.
En effet, les
présocratiques voient dans celle-ci le grand tout, voire le grand principe d’où émane tout ce qui est.
Cela
l’érige en ordre.
Il en va de même pour Aristote qui introduit de la finalité dans la nature.
Pour lui celle-ci «
ne fait rien en vain ».
Tous les éléments de la nature ont une raison d’être.
La nature est donc un monde
finalisé et hiérarchisé dans lequel toutes les espèces naturelles tiennent la place qui leur est propre.
C’est
dans ce sens que Cicéron affirme que « Chaque animal, fidèle à son instinct, sans pouvoir changer sa façon
de vivre, suit inviolablement la loi de la nature ».
Ceci dit, La nature est également une instance législatrice.
Elle régit l’ensemble des choses existantes.
Elle donc une loi absolue et une limite infranchissable.
Pour les
Anciens, le monde est une totalité rationnelle soumise à un ordre éternel.
De plus, si la nature est un ensemble de lois, elle est aussi un idéal de déterminisme.
On peut
remarquer à ce propos que dans la conception stoïcienne, la nature s’inscrit sous le signe d’un «
entrelacement de causes », comme le souligne Chrysippe, en définissant le destin.
De même, si « Nous
devons [...] envisager l'état présent de l'univers comme l'effet de son état antérieur et comme la cause de celui
qui va suivre.
», la nature sera prévisible et déterminée par le principe de causalité, telle que l’affirme
LaPlace dans son Essai philosophique sur les probabilités.
On est passé ainsi d’une vision chaotique de la
nature, selon laquelle ce qui se produit n’est dû qu’au hasard imprévisible à une vision d’ordre parfait où tout
est régi par des lois qui permettent d’envisager l’évolution de l’univers pour l’éternité.
2- La nature comme mesure morale :
L’opposition entre ordre et désordre est une opposition de valeur, dans la mesure où elle entraîne des
conséquences du point de vue moral, humain, social et juridique.
Et c’est justement sur la base de l’ordre
naturel que les stoïciens ont conçu leur credo « vivre conformément à la nature ».
La nature n’est pas
uniquement belle et harmonieuse, elle est également bonne et sage.
Cela la transforme en modèle pour
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