La morale peut-elle rendre immoral ?
Extrait du document
«
Analyse du sujet :
-
-
-
Il s'agit de s'interroger sur un paradoxe : comment la morale entraînerait-elle l'immoralité, c'est-à-dire sa propre
négation ?
Pour donner sens au sujet, il convient de remarquer que la morale n'est pas une simple qualité, ne se réduit pas au
fait d'être moral.
Dès lors, une disjonction peut s'instaurer entre morale et moralité, entre un ensemble constitué de
normes et de valeurs (pensable à part des individus qui s'y conforment) et la qualité des actions rapportable à cet
ensemble, la morale en tant qu'elle est pratiquée par un sujet.
Mais cette distinction ne résout pas à elle seule le paradoxe soulevé : comment la qualité morale pourrait être
rendue possible par la morale ? Comment cet ensemble de règles et de valeurs pourrait-il engendrer l'immoralité de
l'agent qui veut s'y conformer ?
Il convient alors de remarquer que l'action dite « morale » ne l'est que d'un certain point de vue : elle peut entrer en
conflit avec une morale autre.
Autrement dit, il ne faut pas présupposer une morale unique et absolument donnée,
mais s'attacher à sa pluralité ; ainsi une morale donnée peut rendre immoral aux vues d'une morale différente.
C'est
la notion de règle ou de normes qu'il faudra aussi interroger : ce qui détermine la conduite d'un individu peut-il être
absolument bon, conforme à une valeur absolue, de sorte que la morale est unique et ne permet nullement d'être
immoral dès lors que l'on s'y conforme, ou bien, peut envisager une morale plurielle qui soit telle qu'elle permet
l'immoralité, c'est-à-dire des actions qui ne tombent sous le coup d'aucun jugement de valeur objectivement et
universellement valable ?
Enfin, l'enjeu d'un tel sujet = le bien et le mal sont-ils des concepts absolus ou relatifs, donnés à l'homme ou posés
par lui ?
Problématique : On admet volontiers que l'égoïsme et la faiblesse de la volonté vis-à-vis de ses passions rend immoral.
Poser
que la morale serait responsable de l'immoralité paraît ainsi contradictoire : comment pourrait-elle être à l'origine de sa
propre négation ? Pourtant on sait que la morale est un ensemble de règles et de normes fortement contraignantes.
Tout
comme l'état est le monopole de la violence légitime et recourt donc au même moyens que ceux qu'il entreprend de
supprimer, la morale ne pourrait-elle pas rendre immoral au sens où elle serait elle à l'instar de l'état, l'instance légitime de
l'immoralité ? La morale peut-elle rendre immoral ? Peut-elle être responsable du mal ou l'homme est toujours immoral de
par son propre fait, sa propre volonté ?
1- SEULE L' IGNORANCE DU VRAI BIEN REND IMMORAL
Pour Socrate, l'homme ne commet le mal que par ignorance : c'est parce que la science du bien est seule à même de fonder
l'action morale que ce lui qui agit mal ne le fait pas volontairement.
Autrement dit, erreur (cognitive) et faute (morale) sont
une même chose.
Telle est la thèse défendue dans le Protagoras.
Contre l'idée selon laquelle, on peut faire le mal en ayant
connaissance du bien ( = en sachant ce que dit la morale) sous le coup des passions, Socrate montre que les passions n'ont
d'effets que ceux que notre ignorance leur concède : un bien apparent (le plaisir) motive l'acte mais non le bien véritable.
Transition :
Il y a donc une contradiction à poser que la morale peut rendre immoral : dès lors que l'on sait ce qui est conforme à la moral,
il est impossible de se comporter en sens contraire.
Ce qui explique l'immoralité, c'est simplement l'absence ou le défaut de
science (la plaisir immédiat et sensible confondu avec le bien véritable, objet de l'intellect).
Cependant, Aristote disait de l'intellectualisme socratique qu'il était en désaccord avec les faits : on peut savoir très
exactement ce que pose la morale et pourtant, fléchir face à ses désirs en raison de leur force actuelle (exemple : je sais que
les bonbons en quantité trop importantes sont nocives pour la santé, et j'approuve l'interdit d'abus qui en découle, et
pourtant, que des bonbons me soient, offert, je cède à la tentation car je sais aussi que les sucreries sont douces et agréables
= pas de défaut de science mais disjonction du savoir et du vouloir).
En conséquence, la morale en elle-même, ne suffit pas à rendre moral ; mais alors peut-elle pour autant rendre immoral
au sens où elle serait en elle-même cause de production de l'immoralité ? Comment penser qu'elle puisse aboutir à sa propre
négation, se retourner contre elle-même ? Tout le problème est alors celui de son effectivité, de sa praticabilité.
2- LA MORALE, PRODUIT DE LA FAIBLESSE, REND IMMORAL AU REGARD DE LA NATURE
a) Le juste selon la nature
Contre Socrate, Calliclès, personnage du Gorgias, prend le parti de la nature contre la loi, de la force contre les normes de
conduite (bien et mal, juste et injuste).
En effet, pour le sophiste, il est juste et bon, selon la nature, que le plus fort ait
davantage que le plus faible.
Défenseur d'une aristocratie physique, il pose que la loi, de par sa généralité, ne prend
nullement en considération les prestations effectives : le plus fort et la faible sont égaux face de sorte que la morale rend
immoral le faible : ce dernier, grâce à l'artifice de la loi, dépouille alors le plus fort de ce qui lui revient naturellement en
raison de sa force.
b) Cruauté et volonté de faire souffrir
De façon plus radicale, Nietzsche défend lui aussi la thèse selon laquelle la morale rend immorale au sens où elle est.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- La princesse de Clèves: morale et société
- la morale peut-elle s'enseigner
- Suffit-il de faire son devoir moral pour être morale ?
- Philosophie morale et politique CM 5 Malebranche puis Leibniz
- Harry G. Frankfurt, « Partis contraires et responsabilité morale » (trad. M. Neuberg)