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La morale ne peut-elle être fondée que sur une religion ?

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Liberté et responsabilité: devant Dieu ou devant les hommes? Loin de nécessiter un tutorat, la raison des Lumières est capable de décider seule de la conduite à suivre. Mais Dieu ne s'efface pas pour autant de la philosophie de Kant, puisqu'il est réintroduit par un postulat de la raison pratique, en même temps que l'immortalité de l'âme et la liberté. Le rôle de ces postulats est de garantir la cohérence de la pensée: si la morale humaine existe, ce ne peut être en vain. Il est alors nécessaire d'affirmer, non seulement que l'âme est immortelle (pour atteindre un éventuel bonheur) et que Dieu existe (comme juge suprême), mais aussi que l'homme libre, faute de quoi son existence morale perdrait son sens puisqu'elle révélerait d'un déterminisme niant sa responsabilité. Que d'ailleurs l'homme puisse faire le mal indique sa liberté, en même temps que sa perversion.

  • 1) La religion comme fondement premier et dernier de la morale.
  • 2) Une morale laïque est-elle possible ?
  • 3) La vraie morale ne doit-elle pas postuler l'existence de Dieu ?

« Dans la mesure ou l'esprit religieux admet que Dieu est créateur de tout, il lui est évident que la morale elle-même, avec ses principes ou ses lois, ne peut-être que la stricte obéissance à des principes formulés par Dieu lui-même.

La thèse est d'autant plus séduisante que les religions (notamment les religions monothéistes) affirment aussi que Dieu est omniscient: la connaissance du bien et du mal lui appartient donc, et les principes qu'il impose aux hommes en sont nécessairement la conséquence.

Obéir à Dieu mène donc au bien.

On peut toutefois objecter à une telle position, si rigoureuse qu'elle se prétende, que l'homme ne dispose alors que d'une liberté apparemment problématique : s'il peut toujours désobéir, à ses risques et périls, la définition de la morale qu'il observe ne dépend aucunement de lui.

Or, des morales ont été conçues sans intervention de Dieu, aussi bien dans l'Antiquité que dans la philosophie moderne.

Mais, même dans ce cas, on constate qu'elles n'accordent pas toujours à l'homme le rôle du prescripteur. Le fondement théologique est-il la version ultime de l'hétéronomie? Tout d'abord, la loi d'origine divine est écrasante.

En affirmant que la croyance religieuse est le fondement de la morale, on fait de cette dernière une conséquence, ou l'effet d'un phénomène premier.

Sans doute l'affirmation d'un Dieu tout-puissant et omniscient paraît-elle donner à la morale un fondement impressionnant, ou une force peu contestable: si, pour être moral, je décide d'obéir aux lois énoncées par un être transcendant, je renforce ma certitude de bien faire.

Puisque aucun principe supérieur à la transcendance absolue ne peut être conçu, la loi morale acquiert un poids définitif, qui convoque le sujet à une obéissance sans faille. Dès ses Fondements de la métaphysique des moeurs, Kant établit la différence entre ce qu'il nomme, d'un côté, "principes hétéronomiques de la volonté" et ce qu'il considère comme "autonomie" de cette même volonté morale. L'hétéronomie désigne globalement le fait que la volonté du sujet moral obéit à une loi dont il n'est pas l'initiateur, alors que l'autonomie désigne la situation contraire: c'est le sujet qui formule, grâce à sa propre raison (qui se définit bien comme relation à la loi), la loi morale à laquelle il obéit.

Cette opposition en recouvre une autre: l'hétéronomie fait dépendre l'existence morale d'un domaine qui lui est antérieur, alors que l'autonomie considère que la morale doit se suffire à elle-même, et qu'elle ne saurait dépendre, sans y perdre sa pureté, de quoi que ce soit d'extérieur. Enfin, les principes hétéronomiques ne sont pas obligatoirement théologiques.

Si l'hétéronomie suppose que la loi est donné au sujet, elle présente des formules variables, parmi lesquelles la version théologique n'est en quelque sorte qu'un cas particulier.

On peut en effet comprendre que les principes moraux proviennent par exemple du "sentiment physique" (Épicure) ou du "sentiment moral' (Hutcheson): ils sont alors internes, et subjectifs puisqu'il est facile de deviner que l'ataraxie que valorisant les épicuriens est relative au corps de chacun.

Si l'on conçoit qu'ils proviennent de l'éducation (comme le faisait Montaigne) ou de la "constitution civile" (selon la version proposée par Mandeville), ils sont externes (provenant bien d'une instance étrangère au sujet) mais restent subjectifs (la moralité se trouve liée à la personnalité du précepteur, ou du législateur).

De leur côté, les principes objectifs semblent avoir l'avantage d'affirmer une universalité plus immédiate, qu'il s'agisse de l'idée de e-perfection que l'on rencontrait chez les stoïciens ou de la volonté de Dieu dont les théologiens moralistes soulignent l'efficacité.

Mais ils présentent toujours le défaut de ne faire de la moralité qu'un simple effet, et lier cette moralité à la volonté de Dieu apparaît finalement comme la version extrême de la conception hétéronomique de la volonté. Comment garantir, en l'absence de Dieu, une législation universelle? la morale épicurienne propose peut-être le meilleur exemple d'une conception qui ne se soucie guère d'aboutir à une conduite universelle.

C'est d'abord parce que les épicuriens, de manière globale, son volontairement indifférents à une vie sociale qui leur paraît illusoire, sinon dérangeante dans son essence même et peu apte à procurer la tranquillité qu'ils recherchent.

Mais c'est aussi parce que, en faisant du corps individuel le critère de la souffrance et du bien-être, ils aboutissent. »

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