La morale est-ce seulement une question de préférences personnelles ?
Extrait du document
«
Définition des termes du sujet
« Être une question de » est une expression au sens assez vague, qui signifie concerner, se rapporter à.
Ce n'est
pas cette expression qui fait problème dans le sujet, mais plutôt ce qu'implique l'emploi de l'expression « préférences
personnelles », qui met en avant l'idée d'une subjectivité totale de la morale, d'un choix, par l'individu, de la morale à
appliquer, voire d'une création de la morale par cet individu pour son propre compte.
Le sujet interroge la pertinence et l'étendue de cette position subjectiviste sur la morale : l'emploi de l'interrogation
« est-ce seulement » demande en effet que l'on montre les limites de cette position, par exemple en travaillant sur
la nature de la morale et en décidant si, oui ou non, et dans quelles limites, elle est affaire de préférences
personnelles.
Il faut ici revenir d'abord à une caractérisation simple de la morale : celle-ci désigne en effet un ensemble de règles
de conduite et de valeurs qui orientent nos actions.
Commencez donc par vous expliquer pourquoi est-on si
facilement enclin à penser qu'il s'agit là de choix ou de préférences personnelles.
Cependant si la morale ne relève
que du libre choix de chacun, comment expliquer qu'elle varie souvent bien peu au sein d'une même société ou d'un
même groupe (on parle ainsi de la morale chrétienne ou de morale bourgeoise).
Suffit-il alors d'étendre la notion de
préférences à l'échelle du groupe ? Plus important encore : à faire de la morale une notion relative ne risque-t-on
pas de s'interdire de juger certains actes ou certains faits ?
Cet examen pourra passer par la prise en considération de plusieurs questions : celle du rôle du jugement personnel
dans la constitution d'une morale, celle de la valeur collective de la morale, celle enfin de la nature du fondement et
de l'origine de la morale.
Cela devrait permettre d'évaluer la pertinence du jugement individuel dans la constitution de la morale, et de définir
les éléments qui entrent en jeu dans la formation de la morale : il s'agit donc, avant tout de montrer la limite du rôle
du jugement individuel, dans le cadre d'une définition de la constitution de la morale.
Eléments pour le développement
* La morale est-elle subjective ?
Nietzsche, Le gai savoir
« Combien de gens savent-ils observer ? Et, dans le petit nombre qui savent, combien s'observent-ils eux-mêmes ?
« Nul n'est plus que soi-même étranger à soi-même », ...
c'est ce que n'ignore, à son grand déplaisir, aucun sondeur
de l'âme humaine ; la maxime « connais-toi toi-même » prend dans la bouche d'un dieu, et adressée aux hommes,
l'accent d'une féroce plaisanterie.
Rien ne prouve mieux la situation désespérée où se trouve l'introspection que la
façon dont tout le monde, ou presque, parle de l'essence de l'action morale.
Quelle promptitude chez ces gens !
Quel empressement, quelle conviction, quelle loquacité ! Et ce regard, ce sourire, ce zèle, cette complaisance ! Ils
ont l'air de vous dire : « Mais, mon cher, c'est précisément mon affaire ! Tu tombes précisément sur celui qui peut
te répondre : c'est la question que, par hasard, je connais le mieux.
Voici donc : quand un homme décide « ceci est
bien », quand il conclut : c'est « pour cela qu'il faut que ce soit », et qu'il fait ce qu'il a ainsi reconnu bien et
désigné comme nécessaire, l'essence de son acte est morale.
»
On peut avancer en premier lieu une conception perspectiviste de la morale, qui ramènerait les préférences
personnelles au jugement de chacun, et qui déclarerait moral un acte moralement fondé par celui qui le commet,
sans garantie extérieure en quelque sorte.
Cela permet d'exclure l'idée d'une amoralité absolue, et, de manière plus
générale, d'extraire la morale du domaine de l'absolu pour la placer dans celui du jugement individuel du sujet.
* La question d'une valeur universelle de la morale
Thomas d'Aquin
« Les lois injustes sont de deux sortes.
Il y a d'abord celles qui sont contraires au bien commun ; elles sont injustes
soit en raison de leur fin, par exemple quand un chef impose à ses subordonnés des lois onéreuses qui profitent à sa
cupidité ou à sa gloire plus qu'au bien commun ; soit en raison de leur auteur, par exemple quand un homme
promulgue une loi qui excède le pouvoir qu'il détient ; soit encore en raison de leur forme, lorsque les charges
destinées au bien commun sont inégalement réparties dans la communauté.
De pareilles lois sont des contraintes
plus que des lois, car, selon le mot de Saint Augustin au livre I du Libre Arbitre, « on ne peut tenir pour loi une loi qui
n'est pas juste ».
Par conséquent de telles lois n'obligent pas en conscience, sauf dans les cas où il importe d'éviter
le scandale et le désordre ; il faut alors sacrifier même son droit [...].
Il y a ensuite les lois qui sont injustes parce que contraires au bien divin, comme les lois des tyrans qui imposent
l'idolâtrie et d'autres actes contraires à la loi divine.
Il ne faut en aucune manière observer de telles lois, c'est en ce
sens qu'il est dit dans les Actes des Apôtres : « Il vaut mieux obéir à Dieu qu'aux hommes »
Faut-il cependant refuser tout caractère absolu à la morale ? Doit-on concevoir une norme transcendante de la
morale – une norme divine, par exemple, à laquelle se rapporterait en dernier lieu tout acte moral, si bien que les.
»
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