La morale a-t-elle un rôle à jouer dans les sciences ?
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I - LES TERMES DU SUJET :
Le terme "morale" peut être considéré sous différents angles.
Il peut s'agir des exigences morales dont est porteur le
savant au même titre que n'importe quel autre être vivant en société.
Il peut aussi s'agir de la déontologie - i.e.
de l'ensemble des règles et des valeurs qui guident sa conduite - dans le
domaine de recherche qui est le sien.
Bien sûr les deux sens sont reliés car il parait difficile de couper le second du
premier mais il ne faut pas ignorer que le savant se trouve confronté à des responsabilités spécifiques.
II - ANALYSE DU PROBLEME :
Le savant peut-il se contenter de dire "je m'occupe de ma recherche et rien d'autre ?" Toute vérité est-elle bonne à
divulguer ? Ne peut-il pas aussi à l'occasion prévoir quels usages peuvent être faits de ses découvertes ?
Peut-il se voir, dans ces conditions, attribuer une responsabilité lorsque des conséquences indésirables découlent de
ses travaux ? Comment doit-il réagir lorsque ses travaux sont financés par des institutions dont les finalités n'ont
rien de scientifique ?
Doit-il accepter le rôle d'expert que les politiques et parfois certains intérêts privés veulent lui faire
jouer ?
La science moderne s'est constituée à partir du XVIIe siècle autour de l'idée de publicité des raisons : en opposition
à l'alchimiste qui officie en secret pour des initiés, le savant moderne expérimente, publie ses résultats et livre ses
arguments à l'examen et à la discussion.
La conséquence de ceci est que ces résultats deviennent exploitables à des fins étrangères aux buts de la science :
économiques, militaires etc.
En étant publiés les travaux scientifiques sortent du cercle des gens qui y sont scientifiquement intéressés.
Ceci est d'autant plus vrai que la recherche est financée soit par l'Etat (comme le souhaitait déjà BACON) soit par
des fondations privées qui sont aussi soucieuses de récupérer le fruit de leur investissement.
Se pose donc la question de l'articulation entre science et technique.
On appelle aujourd'hui "technique" une pratique rationnelle, en fait une pratique fondée sur l'application de
connaissances scientifiques.
Le savant peut-il être tenu pour responsable des utilisations technologiques de son travail ? Doit-il leur être
indifférent ? Peut-il s'en tenir à une éthique de la recherche de la vérité sans aucune autre considération ?
III - UNE DEMARCHE POSSIBLE
A - SCIENCE ET TECHNIQUE : UN CONCUBINAGE FORCE
Le caractère public de la recherche scientifique (publicité des raisons, voire du financement) entraîne des
conséquences étrangères au travail scientifique lui même.
L'exploitation technique des résultats de la science appartient aux politiques ou à des intérêts privés.
Cette
exploitation entraîne des conséquences qui ne sont pas voulues par le savant ni même parfois par ses promoteurs
eux-mêmes (cf : notion de risque technologique).
Quelle attitude le savant doit-il adopter face à cela ? Doit-il considérer que l'exploitation de ses résultats ne lui
appartient plus et que sa seule tâche est la recherche de la vérité ?
Dans ces conditions, le savant pourrait se contenter d'une déontologie au sens strict c'est à dire de règles régissant
ses relations avec ses pairs : il pourrait alors se sentir quitte en observant des règles d'honnêteté intellectuelle, en
ne s'attribuant pas des vérités trouvées par d'autres etc.
La question est de savoir si le savant peut sans remords abandonner à d'autres l'exploitation pratique de son travail.
Ceci est d'autant plus vrai que l'on s'attache aux sciences appliquées, mais la recherche fondamentale n'échappe
pas non plus à cette question.
Il suffit de penser par exemple à l'utilisation militaire de la recherche nucléaire.
B - LES FONDEMENTS ONTOLOGIQUES DU "CONCUBINAGE"
Ceci nous amène, sur un plan plus ontologique, à repérer certains enjeux fondamentaux de la relation
science/technique : si on attribue une responsabilité au savant, au delà du respect des règles élémentaires du
travail scientifique, c'est parce que la science produit des phénomènes que la nature, livrée à elle-même ne
produirait pas.
Ces phénomènes peuvent être tenus pour naturels (en ceci qu'ils suivent une loi de la nature) ; mais
ce sont aussi des artifices en ceci que ce sont de purs produits du travail de laboratoire.
Comme l'avait bien vu
HANNAH ARENDT, les frontières du naturel et de l'artificiel sont ainsi brouillées à mesure que la science démultiplie
nos possibilités d'action sur la nature.
Par ce fait même, le savant se trouve "engagé" socialement et
ontologiquement, plus qu'il ne le voudrait peut-être, ceci conduisant à détruire la fiction d'une autonomie absolue du.
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