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La matière n'est-elle pour l'homme qu'un obstacle ?

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« Le substantif matière est issu par dérivation du latin materia, materies (de mater, mère) qui signifie originairement " bois de construction ".

Aujourd'hui encore, on oppose l'idée de matière et celle de forme en rhétorique et en esthétique.

Il y a ce qui est dit et la façon de le dire, la forme et le fond.

Il y a le sujet de l'oeuvre et la forme que lui a donné l'artiste.

C'est d'ailleurs pourquoi, en arts plastiques, l'aspect de la surface est appelé "effet de matière".

Mais qu'appelle-t-on exactement matière aujourd'hui ? Il s'agit de la substance qui constitue un corps naturel ou fabriqué.

Elle est objet d'intuition par les sens.

En physique, la matière est une énergie concentrée, stabilisée et organisée dans l' espace et dans le temps.

Platon développant sa théorie idéaliste oppose le domaine intelligible au domaine sensible, qui n'est qu'un reflet dégradé du premier.

Mais il ne s'intéresse pas pour autant à la notion de matière telle que nous l'entendons de nos jours.

C'est une peu plus tardivement, avec Aristote[1], que la notion de « matière » est définie en relation avec celles de forme et de privation de forme.

Dans la réalité sensible, la matière serait pour lui le support du changement qui contiendrait les formes en puissance ; le bois serait un meuble en puissance par exemple : « j'appelle matière le premier substrat de chaque chose, d'où une chose advient et qui lui appartient de façon immanente et non par accident.

» Plus tard, René Descartes postule un dualisme entre l'esprit, dont l'essence est la pensée, et la matière, ou substance matérielle.

Comme ce fut le cas chez Platon avec le domaine sensible, la substance matérielle cartésienne est dévalorisée en faveur de l'esprit. Enfin, Emmanuel Kant[2] oppose également la forme et la matière, qui serait alors une donnée pure de l'expérience donnant un contenu à la connaissance.

La forme serait ce grâce à quoi une donnée empirique est connue : « Ce qui dans le phénomène correspond à la sensation, je l'appelle la matière de ce phénomène ; mais ce qui fait que le divers du phénomène est coordonné dans l'intuition selon certains rapports, je le nomme forme du phénomène ». L'opposition matière-forme/esprit est donc traditionnelle en philosophie, la forme étant la plupart du temps privilégiée aux dépends de la matière.

La matière serait corruptible, imparfaite, elle se dégraderait avec le temps, contrairement à la forme et à l'esprit qui tenterait de contrer la matière.

Henri Bergson[3], en ce sens, écrit que « toutes nos analyses nous montrent dans la vie un effort pour remonter la pente que la matière descend.

» La matière n'est elle qu'un obstacle pour l'homme ? Comment penser le rapport de l'homme à la matière ? I. L'esprit est un outil pour affronter la matière, principal obstacle pour l'homme, c'est pourquoi Henri Bergson[4] soutient : « la conscience nous apparaît comme une force qui s'inscrirait dans la matière pour s'emparer d'elle et la tourner à son profit.

» La médecine, par exemple, est un effort de l'esprit pour combattre l'altération, la corruption ou le vieillissement du corps humain, matière imparfaite qui sera systématiquement détruite. II. Certes la matière physique est sujette à dégradation et peut être considérée par l'esprit humain comme un obstacle, mais la matière de la pensée, le concept, est profitable, d'elle naît toute pensée et toute créativité.

C'est pourquoi Aristote[5] écrit : « or l'art, c'est l'idée de l'oeuvre (matière conceptuelle), l'idée qui existe sans matière(physique).

» De plus, pour se réaliser, cette matière conceptuelle, idéale a besoin de matière physique, sinon, elle reste en puissance et n'est jamais en acte. III. On ne peut pas penser la forme ou la pensée séparément de la matière, (pas de pensée sans cerveau, par exemple) c'est pourquoi cela n'a pas de sens de condamner la matière.

En ce sens, La Mettrie écrit : « je crois la pensée si peu incompatible avec la matière organisée qu'elle semble en être une propriété...

»Par exemple, chez Kant[6] il y a complémentarité entre la forme du devoir moral et la Matière du devoir.

Celle-ci est ce qu'il faut faire ou ne pas faire tandis que la Forme est le caractère de la loi morale qui commande ou défend cet acte, les deux ne pouvant bien évidemment pas être dissociés. [1] Métaphysique, I, 9 [2] Critique de la Raison Pure [3] L'Evolution créatrice [4] L'Energie spirituelle. »

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