LA MALADIE D'UN ÊTRE VIVANT EST-ELLE COMPARABLE À LA PANNE D'UNE MACHINE ?
Extrait du document
«
INTRODUCTION
Le langage quotidien recourt fréquemment à la comparaison.
Ne dit-on pas volontiers, en se rendant chez le
médecin, qu'on va remettre la machine en route? ou qu'il s'agit de réparer ce qui cloche.
Au-delà de ces formules, la
comparaison est-elle justifiée?
I.
Contexte de la comparaison
— Elle renvoie au mécanisme affirmant que le corps vivant n'est qu'un ensemble de phénomènes physico-chimiques
particulièrement complexes.
Référence philosophique: la théorie des animaux-machines chez Descartes.
La cinquième partie du "Discours de la Méthode" expose la physique cartésienne, forme résumée du Traité du monde
; c'est une déduction rationnelle des principales lois de la nature à partir d'un chaos initial fictif.
« Démontrant les
effets par les causes » (V), il s'appuie sur le principe mécaniste d'une nature explicable par figure et mouvement, et
fait ainsi l'économie du recours à la notion d'âme (il développe l'exemple de ses travaux sur les fonctions
cardiaques).
C'est particulièrement dans l'étude du vivant qu'un tel geste se trouve mis en relief.
De là, le modèle de
la machine ou de l'automate pour penser le corps animal et ses divers mouvements, l'image technique ayant pour
vocation de souligner ici l'approche mécaniste du monde naturel.
Mais, là où l'animal peut s'y réduire complètement
(car il est tout matière), on doit reconnaître en l'homme, et en l'homme seulement, une composition de deux
substances : machine jusqu'à un certain point (le corps), ce qui le caractérise en propre reste l'exercice de la
pensée qui, elle, est immatérielle.
Parler avec à propos est le signe extérieur d'une telle spécificité.
— Importance historique de l'affirmation cartésienne: elle autorise une rupture par rapport à la conception d'Aristote
sur la finalité de la nature, et la physique (sous l'influence du modèle galiléen) devient alors la science de référence.
— Toutefois, chez Descartes, l'homme échappe lui-même au pur mécanisme, en raison de son âme (la matière =
l'étendue mathématisable; l'âme = la pensée).
D'où le problème de la liaison âme-corps, et sa solution par le
rattachement de la première au second par la glande pinéale.
Le corps humain, comme le corps de l'animal, est une machine perfectionnée
créée par Dieu.
Bien qu'infiniment plus complexe que nos machines, son
fonctionnement se laisse expliquer de la même manière.
Les corps sont
composés de nerfs et de muscles, comparables à des petits tuyaux, dans
lesquels circule une matière subtile : les esprits animaux.
Lorsque nous
touchons un objet par exemple, nous en prenons une conscience tactile par
l'effet de ces esprits animaux qui remontent jusqu'au cerveau par l'entremise
des nerfs, et viennent heurter la "glande pinéale", siège de l'âme.
Il en est
ainsi de tout le système sensorimoteur.
Si je veux me mouvoir, un grand
nombre d'esprits animaux seront canalisés vers les muscles qui seront
sollicités pour accomplir ce mouvement.
La lumière, les odeurs, les sons, les
goûts, la chaleur se propagent jusqu'à notre esprit par l'intermédiaire de nos
nerfs qui canalisent ces particules.
La faim, la soif, le sommeil, la veille, le
rêve se produisent de la même manière : un déplacement d'esprits animaux à
l'intérieur des canalisations de la machinerie complexe de notre corps.
Il existe
cependant une différence de mille entre un corps humain et un corps animal.
Aucun animal n'use jamais de signes, ou d'un quelconque langage pour
exprimer une pensée.
On peut concevoir un automate qui réponde par la
parole à certains messages simples : crier si on le touche, ou prononcer
quelques phrases simples, mais aucun automate ne sera jamais en mesure
d'agencer une parole qui réponde au sens de ce qu'on lui dit.
Enfin, si un
corps animal ou un automate peut accomplir un nombre limité de tâches,
parfois même mieux que nous, il ne peut aller au-delà.
Ce qui montre qu'ils agissent par la disposition de leurs
organes, et non par connaissance.
Ils sont dépourvus de pensée ou d'esprit.
Il n'y a que l'homme à disposer de cet
instrument universel qu'est la raison et qui lui sert en toute occurrence afin d'agir comme il convient.
Chaque organe
de la machinerie animale, tout au contraire, est spécialisé.
Il lui faudrait - ce qui est impossible - un nombre infini
d'organes pour faire autant de choses que notre raison nous le permet.
— Il est clair en effet que la maladie peut faire souffrir, au moins un être humain (pour les cartésiens, l'animal est
incapable de souffrir) alors que la machine ne souffre pas de sa panne !
— Le mécanisme cartésien, s'il autorise la fondation d'une physique mathématisable, méconnaît la spécificité du
vivant et se transforme en ce que Bachelard nomme un obstacle épistémologique.
La connaissance scientifique ne fait des progrès qu'à l'aide des obstacles auxquels elle se heurte.
Ces obstacles ne
sont pas simplement issus de la complexité des phénomènes, ni imputables à la faiblesse de nos sens et de notre
esprit, ils sont inhérents à l'acte même de connaître.
"La connaissance du réel est une lumière qui projette toujours
quelque part des ombres." Aucune connaissance ne se donne de manière immédiate et pleine mais se révèle après
coup.
Il faut au préalable mettre en oeuvre un appareil de raisons pour que l'expérience puisse dévoiler quelque
chose de clair et de certain.
Toute connaissance vraie s'établit ainsi par correction et réfutation de connaissances.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- LA MALADIE D'UN ÊTRE VIVANT EST-ELLE COMPARABLE À LA PANNE D'UNE MACHINE ?
- La maladie d'un être vivant est-elle comparable à la panne d'une machine ?
- La maladie d'un être vivant est-elle comparable à la panne d'une machine ?
- La maladie de l'Homme peut-elle être comparée à la panne d'une machine?
- À quelles conditions peut-on comparer le vivant et la machine ?