La machine libère-t-elle l'homme ?
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«
VOCABULAIRE:
TECHNIQUE
Tout ensemble de procédés pour produire un résultat utile.
La technique moderne s'appuie sur la science; mais elle s'en distingue puisque
la science est un effort pour expliquer ce qui existe tandis que la technique cherche à produire ce qu'on souhaite qui soit — qui n'est pas.
La technique peut se définir comme un vouloir, incarné en un pouvoir par l'intermédiaire d'un savoir.
Comme adjectif: par opposition à esthétique, qui concerne des procédés susceptibles d'être développés et transmis, et non des dons ou
capacités innées.
[Introduction]
La machine reste une figure de la mythologie moderne, à la fois fascinante et redoutable.
Au XIXe siècle, la révolution industrielle ne s'est
pas faite sans heurts ni violences : les ouvriers voyaient dans l'apparition des machines une concurrence insupportable.
Ils allaient parfois
jusqu'à s'en prendre aux machines elles-mêmes, appelant à leur destruction.
Pourtant, on pensait, tel Aristote plus de 2 000 ans plus tôt,
que la machine libérerait l ' h o mm e et que l'esclavage disparaîtrait avec la technique.
O n ne peut plus faire comme si les machines
n'existaient pas.
Elles sont là, omniprésentes, du simple robot ménager à la centrale nucléaire, de l'automobile à la navette spatiale, du
scanner au télescope géant.
On peut donc seulement imaginer ce que serait notre vie sans machines et nous demander si nous vivrions
plus libres, moins asservis à la technique.
[I.
Les machines ont libéré l'homme]
L'homme, dit Bergson, est un homo faber avant d'être un homo sapiens.
C'est un fabricant avant d'être un sage.
Il fabrique des objets,
des machines.
Grâce à leur habileté et à leur ingéniosité, les h o m m e s o n t réussi à survivre.
L'activité technique est aussi une activité
vitale.
Il y a d'ailleurs une supériorité réelle de la machine sur l'outil, car la machine libère du temps dans la vie des travailleurs, des ménagères,
de tous ceux qui peuvent ainsi se consacrer à des activités plus culturelles ou moins aliénantes.
On reproche souvent aux machines de transformer l'ouvrier lui-même en machine : c'est la critique de Charlie Chaplin dans son film Les
Temps modernes.
On reproche aussi au machinisme d'écraser, de tuer l'inventivité dans une activité qui devient répétitive, sans intérêt.
Mais il a aussi permis d e libérer les h o m m e s : Aristote pensait q u e l'esclavage cesserait « lorsque les navettes (= les métiers)
marcher[aient] toutes seules ».
Si reproche il y a, c'est avant tout celui d e la production massive d'objets grâce aux machines.
Cette
production incite les h o m m e s à u n e consommation d e m a s s e inutile, à amasser des biens de consommation qui n'apportent aucune
satisfaction essentielle : avoir plus est du domaine quantitatif.
Être plus est de l'ordre de l'ontologie.
Avoir moins de machines ou pas de machines du tout nous apporterait-il, du point de vue de l'être, plus de liberté ? Peut-on passer du
quantitatif à l'ontologique ? Sommes-nous dans une différence de degré ou de nature ?
Le progrès matériel a donc bouleversé le monde entier et le bouleverse toujours.
De solution, i l e s t m ê m e devenu problème.
Prenons
l'exemple de l'écologie.
La prolifération des machines industrielles ou personnelles (l'automobile) met le m o n d e e n danger.
L'écologie
met en garde contre la destruction aveugle de la planète.
Mais peut-on détruire les surgénérateurs et être plus libre ?
[II.
La machine vise l'intérêt]
En libérant l'homme de contraintes matérielles, la machine est un facteur indéniable de civilisation.
Marx soulignait que le développement
du machinisme est plus important pour la libération du prolétaire que les rêveries du socialisme utopique.
Cependant, la technique vise l'utile.
Le sujet nous interroge sur la liberté de l'homme dans un environnement avec ou sans machines.
Et
la liberté ne se situe pas dans la sphère de l'intérêt.
Les impératifs techniques, dit Kant, sont des impératifs hypothétiques : au service de l'intérêt.
Peut-on alors lier liberté et machines ?
La machine, qui a effectivement libéré l'homme de certaines tâches aliénantes, a-t-elle à ce point envahi notre vie qu'il faille s'en protéger
?
On dirait que se joue un combat entre machine et liberté : choisir un monde de machines annihilerait ma liberté, définitivement.
Mais, me
séparer des machines me rendrait-il plus libre ?
Donc, au-delà de l'efficacité se pose le problème de la moralité, des fins de toute activité humaine.
La technique engage l'homme et l'action de l'homme sur la nature.
Rien n'échappe à la technique, pas même l'homme.
Dans le film de
Stanley Kubrick, 2001, Odyssée d e l'espace (1968), l'ordinateur du vaisseau spatial s e met à devenir autonome et se révolte contre
l'homme.
L'homme perd ainsi sa liberté.
La machine envahit jusqu'à l'espace intime de l'homme.
Aujourd'hui, nos loisirs dépendent en
grande partie des machines : télévision, jeux électroniques, automobiles, avions, etc.
Qu'en est-il alors de ce rapport : pas de machines,
plus de liberté ?
[III.
Savoir mieux utiliser les machines pour être libre]
Nous venons de voir que si la machine libère, elle aliène tout autant.
Le problème n'est donc pas : plus ou moins de machines, mais :
comment être libre ? Car la technique est u n e activité spécifiquement humaine.
Cependant, devant les dangers q u e font courir à
l'humanité les progrès techniques, on peut se poser le problème de l'application perverse des résultats.
Il existe des dangers réels : Est-ce la mauvaise utilisation des machines qui est en cause, ou, plus tragiquement, la destruction d e
l'homme est-elle inscrite au coeur du désir de connaître ?
La nouvelle idéologie que représente la civilisation machiniste a des conséquences sur la liberté humaine : il faut engager un dialogue,
des discussions qui débouchent sur des conséquences politiques pour rester libre.
Il faut désormais « faire avec » le machinisme.
Cela ne
signifie pas abandonner sa liberté.
Nous pouvons alors utiliser les objets, les machines, sans être asservis par eux : il suffit, comme le dit Heidegger, de « conserver nos
distances à leur égard ».
Ainsi, ils ne nous accaparent pas, ils ne réduisent pas notre liberté.
Vivre aujourd'hui sans machines est impensable.
Nous retournerions à un âge préhistorique.
Où est le « plus » de liberté ? Par contre, il
faut rester vigilant pour que le développement, la prolifération des machines ne nous aliènent pas.
C e n'est pas l'absence d e machines qui augmente m a liberté.
C e n'est pas leur prolifération.
C'est m o n implication citoyenne qui
détermine ma liberté.
[Conclusion]
Les machines, qu'elles existent ou non, ne définissent pas la valeur d e l'humanité.
Le progrès matériel est irrésistible, on ne peut
raisonnablement s'y opposer.
Qui voudrait retourner à l'ère du silex ?
L'homme doit rester méfiant vis-à-vis du progrès technique mais vouloir « plier l'homme à la nature est la pire des aliénations », écrit F.
Dagognet.
Les techniques, les machines ont plus souvent sauvé l'homme qu'elles n'ont compromis son avenir.
Il reste maintenant, comme toujours,
à vouloir être libre..
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