La machine est-elle le pire ennemi de l'Homme ? ?
Extrait du document
«
Définition des termes du sujet:
ENNEMI: adversaire qui cherche à nuire.
Machine
Du grec, mèchané, « ruse ».
Traditionnellement, la machine est considérée comme une ruse contre la nature.
Elle
sert de modèle à la science et notamment à la physique.
La nature entière peut ainsi être considérée comme une
machine dont il s'agit de percer les rouages.
CORRIGE
Si le rapport de l'homme à la machine est ambigu...
Qu'est-ce qu'une machine? Le meilleur ou bien le pire des artifices ? Les hommes fabriquent des machines mais ils les
détruisent également (à l'instar de ces premiers ouvriers du textile qui brisèrent au xvin` siècle les métiers à tisser
sur les conseils de Ludd.
Le « luddisme » est au monde ouvrier ce que la jacquerie est aux paysans).
Les machines
retirent de la peine au travail mais elles rongent également le travail des hommes.
Bref, les machines opèrent-elles
un retour de la technique contre le technicien, instruments d'une version actuelle de l'apprenti-sorcier?
• La technique, parce qu'elle fait passer la science aux actes, pose le problème de la finalité — voire de la moralité
de la science : l'arme nucléaire, par exemple, est-elle seulement la perversion d'un pur et innocent désir de
connaître ? ou bien, la science est-elle responsable, dès son principe, des terrifiantes applications qu'on en peut
faire ?
• Les dangers que font aujourd'hui courir à l'humanité les progrès techniques (cf.
également les manipulations
génétiques) mettent-ils en cause l'usage qu'on fait de la science ou la science elle-même ? « L'esprit humain,
déclarait Auguste Comte, doit procéder aux recherches théoriques en faisant complètement abstraction de toute
considération pratique » (Comte, Cours de philosophie positive, 1830/1842).
Mais est-il possible, et si oui, est-il
légitime de procéder de la sorte ? Quelle que soit votre réponse, la question est incontournable dans tout devoir
tournant autour de la valeur de la science.
Car la menace ne semble plus relever aujourd'hui de la science-fiction.
Bien sûr les « robots » ou l'ordinateur central
de 2001 ne sont pas en passe de dominer les hommes, au sens de les asservir.
Mais peu à peu, discrètement
systèmes automatisés et intelligences artificielles commencent à extraire l'homme du monde du travail, au risque de
lui rendre la nature totalement inintelligible.
...
le travail de l'imaginaire en dissipe l'équivoque...
Or la méfiance à l'égard des machines n'est pas neuve.
La fascination qu'elles exercent s'accompagne depuis
toujours d'une crainte, celle d'avoir façonné le pire ennemi de l'Humanité.
Ce sont d'abord les rouages de la machine qui effraient.
Une machine, c'est un système, c'est-à-dire une
articulation volontiers figurée comme une horlogerie de roues dentelées s'entraînant inexorablement les unes les
autres, comme disposées afin d'emporter le « machiniste ».
Articulation et répétition se retrouvent pour structurer
notre angoisse d'une « fatalité artificielle » qui pourrait broyer l'individu.
Le trait est encore plus net lorsque la
machine se prête au jeu de la métaphore pour signifier l'organisation anonyme et aveugle : n'évoque-t-on pas de la
sorte « la machine administrative » ou bien « l'appareil d'État » ? Les rouages sont dès lors ceux de la bureaucratie.
Le procès de Kafka illustre efficacement cette hantise : K...
se laisse progressivement prendre par les « dents » de
la machine judiciaire qui tourne absurdement.
...
et permet d'identifier la machine comme un appareil à déshumaniser.
Si la machine apparaît bien comme le pire ennemi de l'homme (contrairement à l'outil qui se donne comme une sorte
de prothèse naturelle du corps) c'est qu'elle est un système articulé, doté de l'unité mystérieuse d'un organisme.
Elle est capable d'être produite et de reproduire à l'infini, susceptible d'acquérir une autonomie complète par rapport
à son créateur, au point de transformer celui-ci à son tour en machine.
Car si elle ne retire pas tout travail à son
utilisateur, la machine parvient quand même à le déshumaniser.
La machine est aussi capable de faire de celui qui
l'actionne l'un de ses propres rouages.
Ce n'est plus l'homme qui utilise la machine mais bien l'inverse.
C'est ainsi que
Ferdinand, le héros de Céline, comprend à Detroit comment le travail à la chaîne finit par enchaîner le travailleur à la
machine et comment sous l'effet du bruit et des vibrations, l'homme devient à son tour machine : « On en devenait
machine aussi soi-même à force » (Voyage au bout de la nuit)..
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